Arrivé en France via la Grèce il y a deux ans, Mohamad a déjà passé seize mois en détention provisoire en attendant son procès pour agression sexuelle et tentative de viol.
Les faits remontent au 5 juillet 2018. Vers 00h30, une étudiante d’une trentaine d’années sort de son appartement situé boulevard du Grand-Cerf pour se rendre à la gare afin d’acheter une bouteille de Coca-Cola.
En chemin, alors qu’elle se trouve dans un escalier sombre du parking Toumaï, l’étudiante est abordée par un jeune homme de 24 ans. Kurde de nationalité syrienne, Mohamad attrape le sein gauche de la jeune femme et lui comprime le bras en lui demandant un « besou ».
Il introduit ensuite une main dans sa culotte et lui touche le vagin. Terrifiée, la jeune femme compose le 17 sur son portable, « siffle des passants et se défend » en attendant l’arrivée des policiers, rapportent les journalistes de La Nouvelle République.
La victime met à profit les notions de karaté et de systema – un art martial russe – qu’elle connaît, écrasant le nez de son assaillant avant de lui asséner deux coups de genou et de lui faire une clé de bras.
« C’était instinctif. J’ai senti un danger, il fallait que je fasse quelque chose. Je suis une femme, c’est l’instinct de survie qui m’a fait réagir comme ça », explique la trentenaire.
Malgré sa défense héroïque, elle se verra prescrire huit jours d’Interruption totale de travail (ITT).
Interpellé par la police, l’agresseur sera placé en garde à vue avant d’être mis en détention provisoire dans l’attente de son procès.
Traumatisée par l’agression qu’elle a subie, la jeune femme a préféré quitter Poitiers. Terriblement choquée, elle consulte régulièrement un psychologue d’Angoulême.
« En ce moment, il fait noir plus tôt, je sursaute parfois dans la rue, je me mets à pleurer, sans raison. Il y a beaucoup de méfiance et d’appréhension », a expliqué la victime pendant l’audience qui s’est déroulée le 14 novembre 2019 dans l’enceinte du tribunal correctionnel de Poitiers.
« Cette agression a bouleversé sa vie, elle a déménagé parce que c’était l’enfer de vivre à côté du lieu des faits », renchérit son avocate, maître Pascale Debernard.
Il tente de faire passer la victime pour une prostituée
Assisté d’une traductrice, le prévenu tente de se justifier face aux magistrats. Les enquêteurs ont retrouvé son profil génétique dans la culotte de la victime.
« Je regrette beaucoup, j’ai commis une erreur. J’ai pas forcé la dame. Oui, j’ai mis ma main, j’ai pas forcé. Je respecte la loi française », explique-t-il. Employé dans un kebab de la gare de Poitiers, il affirme qu’il connaissait la victime, ce que l’intéressée nie vigoureusement.
Pendant sa garde à vue, Mohamad n’hésitera pas à déclarer aux enquêteurs que la jeune femme se prostituait. « J’ai commis une erreur, je m’excuse auprès d’elle, ce n’est pas vrai », reconnaît finalement l’accusé pendant l’audience.
⚖️ « C’était instinctif. J’ai senti un danger, il fallait que je fasse quelque chose. »
↪️ La jeune femme avait été agressée dans le parking de la gare de #Poitiers https://t.co/PnzhUYszUi— NR Poitiers (@nrpoitiers) November 29, 2019
Le tribunal revient sur le parcours du jeune homme, arrivé en France en 2017 en passant par la Grèce. Il assure qu’il a quitté la Syrie car il ne voulait pas être enrôlé dans l’armée et défendre son pays : « Je me suis enfui de la guerre. »
Pour le psychiatre qui l’a examiné, Mohamad aurait « une personnalité immature, impulsive ». Le psychologue parle pour sa part de « déraciné ».
« L’inviolabilité du corps de la femme n’a pas de frontières »
La formatrice du centre Indigo, où le prévenu suivait des cours de français avant d’être placé en détention provisoire, parle quant à elle d’« un grand enfant qui voit des femmes partout. Il n’en a pas l’habitude chez lui, c’est un choc culturel ».
Des propos qui n’ont pas manqué de scandaliser le procureur de la République Matthieu Filié : « On a parlé de choc culturel ? L’inviolabilité du corps de la femme n’a pas de frontières. » Il requiert deux ans de prison ferme contre l’accusé.
L’avocate de Mohamad, maître Angélique Pairon, évoque elle aussi le soi-disant « choc culturel » et la « perte de repères » auxquels son client aurait été confronté en arrivant en France.
Elle n’hésite pas non plus à faire valoir la prétendue honte que celui-ci aurait ressentie du fait qu’il « était encore puceau quand il est arrivé en France ».
Des arguments qui n’auront toutefois pas su émouvoir les magistrats. Ces derniers ont en effet condamné Mohamad à une peine de trois ans de prison, dont un an avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant deux ans, d’une obligation de travailler et d’une obligation de soins.
Il devra aussi indemniser la victime à hauteur de 5000 euros. Son nom a par ailleurs été inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
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