ENVIRONNEMENT

Profession audio-naturaliste: Marc Namblard, l’oreille de la forêt

janvier 23, 2023 11:57, Last Updated: janvier 27, 2023 19:43
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La nature ne « s’observe pas qu’avec les yeux » : au cœur des forêts, l’audio-naturaliste Marc Namblard capture les bruits de la faune sauvage pour révéler un paysage sonore d’une diversité insoupçonnée, et fragilisée.

Vocalises de loups gris, chants de grives solitaires, percussions de pics épeiches, cymbalisation de cigales, grignotements de coléoptères…. Dans À l’écoute du vivant, paru aux éditions Bayard, cet amoureux de la campagne partage, en texte et en audio, ses moments d’intimité vécus avec les animaux.

À 49 ans, Marc Namblard appartient à la poignée d’audio-naturalistes professionnels en France. « Je préfère parler d’activité plutôt que de métier parce que c’est vraiment quelque chose qui se pratique », dit-il dans un entretien à l’AFP. « Beaucoup le font en amateur, c’est d’ailleurs comme ça que j’ai commencé ».

Installé dans les Vosges, il travaille aujourd’hui pour des films documentaires comme La panthère des neiges avec Sylvain Tesson (2021), des artistes, des musées, parfois des scientifiques.

Sa passion pour écouter le monde remonte à l’enfance, avec un père qui enregistrait les voix de ses enfants. Elle a pris une coloration naturaliste pendant ses ballades en forêt d’Orléans, où il a grandi, et ses vacances dans les Cévennes. « Je me revois captant, sur mon magnétophone à cassettes, les insectes sur le bord du chemin, les troupeaux, les orages ».

Durant ses études aux Beaux-Arts, il découvre des « pièces sonores » d’un professeur de vidéo. Puis fait la rencontre, déterminante, avec l’audio-naturaliste Fernand Deroussen, « celui qui a inventé le terme ».

Écouter, appréhender l’espace

Un terme « sans véritable définition », à cheval entre art et sciences. « Je ne suis pas un chercheur », précise Marc Namblard, contrairement aux bio-acousticiens, qui enregistrent aussi la nature mais « selon des protocoles stricts, et centrés sur une seule espèce ». Ce « rêveur » revendiqué enregistre, lui, au gré de ses envies, les oreilles à l’affut.

« Écouter, c’est appréhender l’espace de manière complète. Cela apporte des informations qu’on ne peut pas recueillir autrement, qui donnent des clés de compréhension du vivant ». « À certains moments, je me retrouve complètement dilué dans l’espace qui m’entoure », s’enthousiasme Marc Namblard.

Ce qui le frappe le plus ? La diversité. « Dans un premier temps, nous avons l’impression d’entendre un brouhaha de sons plutôt identiques », écrit-il dans son livre. Mais en prenant le temps, tous se révèlent différents : plus ou moins graves, aigus, intenses, purs, timbrés… à l’instar d’un « grand orchestre ».

Pour sa récolte, il s’équipe de micros dernier cri. Certains sont associés à des réflecteurs, sortes de « gros saladiers » qui amplifient le son. Adaptée aux fréquences aigües, la technique « donne l’impression que l’oiseau perché haut dans la canopée se trouve seulement à quelques mètres ».

Il a même des hydrophones, placés au bout d’une canne à pêche pour recueillir des sons dans l’eau. Comme ce lac gelé des Vosges, dont les craquements rappellent une bataille de sabres laser dans « Star Wars ». Des bruits qui se raréfient sous nos latitudes, réchauffement climatique oblige, regrette-t-il.

Parmi ses moments « magiques », il cite les « affûts » : « avant que les animaux arrivent, on branche un piège à son qui se déclenche à distance, puis on se cache ». Démarrent des heures d’attente, avec leur lot de surprises : un jour, alors qu’il patientait immobile sur un arbre, une belette s’est posée sur ses pieds. Le mammifère, un animal difficile à observer, « ne semblait pas avoir perçu ma présence ».

Mais le plus difficile n’est pas tant la technique que de trouver « les bonnes conditions » de travail en forêt, sans pollution sonore : le trafic aérien, le plus « épouvantable », et les bruits mécaniques, tronçonneuses, quads etc.

Pendant le confinement du printemps 2020, beaucoup se sont tus. « La nature a occupé l’espace sonore, surtout en ville. Dans les Vosges, le plus spectaculaire fut la disparition des avions dans le ciel. J’ai enfin pu travailler sur certaines espèces diurnes, alors qu’on a souvent tendance à enregistrer la nuit », au calme.

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