Saisi par la Première ministre, le Conseil constitutionnel a désormais entre les mains le sort de la réforme des retraites, adoptée au forceps au Parlement.
Une censure partielle du texte est « probable », selon la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences à l’Université de Rouen. Les Sages pourraient rendre leur décision « d’ici trois semaines ». Le gouvernement a choisi comme véhicule législatif pour faire passer sa réforme un projet de loi de financement rectificatif du budget de la sécurité sociale (PLFRSS).
Et plusieurs voix, dont celle du président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, ont déjà mis en garde sur le risque de « cavalier budgétaire » qui menace toutes les dispositions hors du champ financier.
Des mesures telles que l’index senior (obligation de déclarer les salariés de plus de 55 ans dans une entreprise) ou l’expérimentation d’un CDI senior pourraient notamment être retoquées.
Une censure totale très improbable
N’oublions pas que, depuis sa création en 1958, le Conseil constitutionnel est particulièrement rigoriste : il censure inévitablement les dispositions qui sortent des domaines prévus par les textes. Dans ce cas, il faudra un second texte législatif pour éventuellement intégrer ces dispositifs.
Une censure totale du texte reste très improbable : il y a bien des mesures qui concernent le budget 2023 de la Sécurité sociale. Utiliser un projet de loi de financement n’est donc pas a priori inconstitutionnel.
Seuls deux projets de loi, en 1979 et 2012, ont été totalement censurés sous la Ve république pour des motifs de procédure. La Première ministre Élisabeth Borne, quelque 150 députés de la gauche et les 88 du Rassemblement national, ont déposé leur trois recours le 21 mars. Les Sages ont un mois pour se prononcer, soit jusqu’au 21 avril.
Mais pour ce type de projet de loi particulièrement sensible, où il est évident que le Conseil constitutionnel va être consulté, il est très probable que les Sages travaillent déjà depuis longtemps sur leur décision. Cette dernière pourrait donc tomber rapidement, d’ici trois semaines.
Les saisines directes par un Premier ministre sont relativement rares sous la Ve République : une trentaine de cas seulement sur plusieurs centaines, en ce qui concerne les lois ordinaires.
Dans le cas des retraites, Élisabeth Borne avait intérêt à saisir elle-même directement le Conseil, malgré les recours distincts déposés par les oppositions. L’objectif est de montrer patte blanche, de faire part de sa volonté que ce texte, très controversé, soit examiné dans les meilleurs délais. Le Conseil a été saisi de l’ensemble de la réforme par le gouvernement.
Référendum d’initiative partagée ?
Les recours de la gauche et du Rassemblement national visent eux particulièrement le véhicule législatif utilisé, qui a restreint à 50 jours l’examen du texte au Parlement, altérant, selon eux, la clarté et la sincérité des débats. Les neuf Sages doivent en parallèle examiner la recevabilité de la proposition de loi déposée par la gauche qui demande un référendum d’initiative partagée (RIP).
Quelque 250 députés et sénateurs demandent de soumettre à référendum le fait que le départ à la retraite ne puisse « être fixé au-delà de soixante-deux ans ». Puis pourrait s’ouvrir le recueil des signatures citoyennes, afin de tenter d’atteindre un dixième des électeurs, soit 4,87 millions de signatures, dans un délai de neuf mois, pour ouvrir la voie à cette consultation.
Attention, le gouvernement peut toujours décider d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée cette proposition de loi. Elle sera alors examinée par les députés et Emmanuel Macron ne sera plus tenu à un référendum. L’examen par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi sur ce RIP et une éventuelle organisation d’une telle consultation ne suspendent absolument pas la promulgation du texte sur les retraites.
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