Les réseaux sociaux ont développé leurs propres techniques, en mobilisant des centaines de spécialistes en comportement humain, pour vous faire rester, « scroller », « liker », « cliquer»… et toujours revenir. TikTok, Facebook, Twitter, Instagram, Youtube… chacune de ces plateformes est une machine commerciale qui se nourrit de l’addiction de ses utilisateurs et renforce les boucles d’auto-satisfaction bien connues en neurobiologie. Les pouces mobilisés sur petits écrans sont devenus des déclencheurs de la sécrétion de dopamine (« hormone de la récompense ») dans le cerveau.
Dans le monde des médias d’information, la campagne présidentielle est un moment particulièrement utile pour atteindre le même but, créer une addiction et une consommation irraisonnée d’informations. L’hormone cérébrale mobilisée pour atteindre ce but n’est plus la dopamine – si chère à l’industrie du divertissement – mais la sérotonine. La sérotonine, c’est celle qui dans le passé faisait le succès des histoires de croquemitaines et qui continue son petit bonhomme de chemin avec la mode des films d’horreur. Le niveau de ce « neurotransmetteur » dans le cerveau change en réponse à des situations de suspense, des contextes d’anxiété et de surprise.
La semaine passée a illustré la facilité avec laquelle les médias peuvent jouer avec les niveaux de sérotonine et ainsi pousser à des comportements de consommation compulsive d’information. Rien de mieux que les hauts et bas des sondages pour cela : commandés à la pelle par les grandes chaînes et par les grands quotidiens, ils ont commencé en annonçant d’un côté une « vague » Zemmour, de l’autre une chute de la popularité de Marine Le Pen. Anxiété, suspense, donc sérotonine : le face-à-face du second tour si longtemps annoncé n’aura-t-il pas lieu ? Vite, consommons d’autres sondages pour savoir qui, de Xavier Bertrand, de Valérie Pécresse ou de Michel Barnier pourrait être le candidat de la droite et affronter Emmanuel Macron. Pour cela, deux séries de sondages : dans le premier, Bertrand est en avance et s’installe dans le costume du candidat de droite. Dans le second, il est au coude à coude avec Valérie Pécresse. Aucune image claire ne se dégage ? Sérotonine à nouveau, un bon petit coup de derrière les fagots, et besoin de faire face à l’incertitude : une volée d’articles est alors produite sur le possible « pari perdu » du président de la Région Hauts-de-France, d’où nouveau suspense (paf, sérotonine, consommation d’information) : va-t-il refuser de participer au congrès des Républicains ? Vaincrait-il bien s’il était au second tour ?
Une fois le jus de cette orange convenablement pressé, il faut continuer avec d’autres sondages : Anne Hidalgo et le Parti communiste sont au plus bas, c’était anticipé, le niveau de sérotonine se régule un peu. Mais voici qu’une autre enquête remet une pièce dans le juke-box émotionnel, car : « Déjouant toutes les prévisions », Eric Zemmour serait à 15% d’intentions de vote d’après Ipsos-Sopra Steria, soit devant les candidats des Républicains et au coude-à-coude avec Marine Le Pen. Un jet de sérotonine encore : sera-t-il, lui, l’adversaire d’Emmanuel Macron, qui seul reste à peu près stable dans les sondages (ce qui n’en fait pas leur meilleur client) ? Voilà qui exige de consommer de l’analyse politique pour apprendre que, d’après Le Parisien, ces chiffres font « l’effet d’une bombe » chez Les Républicains. Alors quelques plateaux d’experts sont rapidement constitués pour que des analystes du paysage politique puissent parler de « bulles », de « tendances de fond », « d’effritements ». La profondeur des analyses va jusqu’à disséquer le pourcentage des sympathisants de la droite modérée dans la tranche 25-35 ans et vivant en milieu urbain qui pourrait décider de se rallier à tel ou tel, dans l’hypothèse ou tel ou tel, finalement, ne serait pas candidat.
Trouvez-vous que ceci ressemble à de la science ? Ce n’en est pourtant pas. Les sondages ne savent rien, surtout à 7 mois d’une élection et alors que les candidats n’ont même pas encore donné leur programme. Les sondages n’ont d’ailleurs ni su prédire le passage au second tour de Jean-Marie Le Pen en 2002, ni la chute de Dominique Strauss-Kahn, ni celle d’Alain Juppé, ni celle de François Bayrou, encore moins celle d’Édouard Balladur ou de Jean-Pierre Chevènement. Ils ont aussi toujours prédit que l’élection de Donald Trump aux États-Unis était impossible.
Que sont-ils alors ? Dans le paysage médiatique, un simple mais utile croquemitaine capable de créer de la contagion émotionnelle, de provoquer le besoin de réguler son niveau de sérotonine en consommant massivement du média d’information. Vous en trouverez donc partout, porteurs d’aussi peu de valeur informationnelle que cette vidéo de chat « hilarant » que Youtube vous envoie alors que vous n’avez rien demandé. Dans les deux cas, l’objectif principal est d’accrocher votre regard, de mettre un coup de pied dans la chimie de son cerveau, et ensuite d’y déverser ce que les chaînes jugent bons d’y mettre.
Soyez donc prudents, lecteurs, quand quelqu’un joue avec vos niveaux de sérotonine mais n’offre pas d’éléments solides à votre réflexion. Les schémas d’hypothétiques reports de voix sont des épouvantails qu’il vaudrait mieux remplacer par la grande question de l’élection 2022 : qu’est-ce qu’une nation souveraine ?
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