Parfois, le soir, si la météo est capricieuse quand elle promène son chien le long de la côte, Georgina Salt admet ressentir un « frisson » en pensant à la vulnérabilité de son petit village gallois.
Mais le reste du temps, comme la plupart des habitants de Fairbourne, coincé entre un estuaire, la mer d’Irlande et les montagnes de Snowdonia dans le nord-ouest du Pays-de-Galles, elle essaie de ne pas trop s’inquiéter de la montée du niveau de la mer qui a condamné son village à la disparition.
Il y a bientôt dix ans, décision a été prise de relocaliser le village d’ici le milieu du siècle. Si les autorités temporisent face aux inquiétudes, les habitants pourraient devenir les premiers « réfugiés climatiques » du Royaume-Uni, qui se prépare de plus en plus aux conséquences de la crise climatique après un été marqué par les sécheresses et des records de température.
Reloger les habitants d’ici 40 à 50 ans.
En juillet, les météorologistes ont souligné que le niveau des mers qui entourent le Royaume-Uni montait beaucoup plus vite qu’il y a un siècle, tandis que l’Agence de l’environnement a prévenu en juin que les communautés vivant en bord de mer « ne peuvent pas rester où elles sont ».
Dès 2013, le Gwynedd Council dont dépend Fairbourne, village fondé à la fin des années 1880 par un marchand de farine et où vivent désormais 900 habitants, adopte des propositions pour mettre fin à l’entretien des digues du village et décide de reloger les habitants d’ici 40 à 50 ans.
L’année suivante, l’assemblée galloise estime que le village fait face « à un risque catastrophique d’inondations » et en conséquence, un plan est mis en place pour déplacer le village « d’ici 2054 ».
Fairbourne devient alors le premier village britannique à recevoir un tel arrêt de mort, et ce alors même qu’il n’a pas connu d’inondations majeures depuis des générations.
Mais Georgina Salt, conseillère municipale, estime que la décision des autorités locales d’alors était prématurée et prise sans consultation.
Vivre « avec une épée de Damoclès sur la tête ».
« Le plus gros problème, c’est qu’ils ont donné une date précise », explique-t-elle à l’AFP . « Nous essayons de les convaincre d’être un peu plus flexible. »
Les ventes immobilières chutent, tout comme la valeur des propriétés, et les acheteurs potentiels se retrouvent incapables d’obtenir des prêts.
Dans le même temps, le Gwynedd Council essuie des salves de critiques car il ne détaille pas ses projets de relocalisation. Cela frustre de plus en plus les habitants, qui ne comprennent pas pourquoi ils sont traités différemment alors que le village voisin de Barmouth, de l’autre côté de l’estuaire, n’a pas reçu la même condamnation.
« On ne nous a pas dit où on allait vivre (…) comment les gens allaient retrouver du travail », déplore Angela Thomas, une retraitée qui affirme que les habitants vivent « avec une épée de Damoclès sur la tête ».
« Vous ne pouvez pas condamner un village 40 ans à l’avance et ne pas avoir une quelconque forme de plan à mettre en place », regrette Stuart Eves, un conseiller local qui tient un camping à Fairbourne.
La situation alimente même les théories du complot. Selon Mme Salt, des résidents sont convaincus que le village est ciblé « parce qu’on est une communauté principalement anglaise » en territoire gallois.
La date butoir de 2054 ne semble plus fatidique
Après dix ans de doutes, le gouvernement gallois réétudie enfin la question et la date butoir de 2054 ne semble plus fatidique, veulent croire les habitants.
Des experts ont été commissionnés pour étudier de nouveau le dossier, notamment une nouvelle étude qui montre que le plan initial n’avait pas pris en compte certaines dynamiques naturelles ni le coût d’une relocalisation dans les marais.
Un porte-parole du gouvernement gallois mené par les travaillistes a assuré que la décision du Gwynedd Council « ne signifie pas forcément que les financements (anti-inondations) s’arrêteront en 2054 ».
« Tant qu’on a les financements, nous continuerons à évaluer et maintenir les systèmes anti-inondation du village », affirme un porte-parole de l’agence gouvernementale Natural Resources Wales qui gère les digues.
De quoi donner un peu d’espoir aux locaux et permettre à quelques ventes immobilières de se conclure et à de nouveaux résidents d’emménager.
Parmi eux, Mike Owen, qui a quitté le nord-ouest de l’Angleterre et s’est installé dans le village avec ses parents et sa petite-amie, attiré par les prix abordables et la beauté des lieux.
« Je ne vois pas comment un relogement pourrait avoir lieu », estime le jeune homme de 23 ans.
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