Face à la pression grandissante de Washington et aux sanctions économiques, certains jeunes Iraniens sont déterminés à moderniser leur pays mais une partie de l’élite éduquée préfère émigrer, déçue des réponses du gouvernement. Sur un balcon ombragé de Téhéran, un groupe d’entrepreneurs se filme en train de donner des conseils à la future génération, dans une ambiance étonnamment optimiste au vu du contexte économique inquiétant.
« Nous savons nous adapter aux périodes difficiles », lance Reza Ghiabi, PDG d’un cabinet de conseil axé sur la technologie. « Beaucoup d’Iraniens ont connu le succès dans le passé à Berlin, dans la Silicon Valley et à Londres, mais notre génération en a assez d’émigrer et d’être simplement employée. Désormais, nous essayons de créer quelque chose à nous », dit-il à l’AFP.
Aux yeux de tous, les obstacles sont pourtant immenses: chômage, hausse des prix, effondrement de la monnaie… Et le retour des sanctions économiques américaines le mois prochain, suite à la décision de Washington d’abandonner l’accord nucléaire de 2015, font craindre le pire. « Nous comprenons que la situation n’est pas bonne, mais nous ne pouvons pas attendre que les choses s’améliorent, nous devons agir », explique Alireza Khodaie, 30 ans, fabricant de chaussures haut de gamme.
Il est l’un des organisateurs de la première semaine consacrée aux « start-up » à Téhéran, qui débutera le 3 août. Plusieurs exemples donnent une raison d’espérer à la partie la plus éduquée de la jeunesse, comme l’immense succès de l’application de taxi Snapp ou l’ouverture de nouveaux cafés et restaurants branchés.
Le gouvernement du président Hassan Rohani voit ces innovations influencées par l’Occident d’un moins mauvais œil que ses prédécesseurs. « Nous avons essayé d’être indépendants par le passé, mais nous ne pouvons pas ignorer le gouvernement. Il y a maintenant des gens qui comprennent et écoutent, nous voulons participer à l’élaboration des politiques », explique M. Khodaie.
Une fois mes études terminées,il n’y aura pas de travail
Mais cet élan d’optimisme s’estompe chez les classes moyennes et supérieures, qui voient peu de perspectives de changement politique et économique. Washington espère que ce marasme conduira à des manifestations de masse contre le gouvernement. Mais la réponse brutale aux protestations et la crainte qu’elles ne dégénèrent en chaos comme en Syrie ont conduit à une forme de résignation.
Beaucoup veulent même quitter le pays. « Les jeunes ont perdu tout espoir dans leur avenir », assure Parisa, étudiante en droit de 21 ans. « Je cherche du travail depuis trois mois pour payer mes études et aider mon père, mais je sais qu’une fois mes études terminées, je ne trouverai pas de travail. » « Beaucoup veulent partir et ils ont raison parce qu’ils pourront prétendre à un salaire décent », dit-elle.
Les Etats-Unis ont intensifié la pression sur Téhéran ce week-end, Donald Trump menaçant Téhéran dans un tweet virulent et le secrétaire d’Etat Mike Pompeo annonçant un renforcement de la campagne de propagande contre les dirigeants de la République islamique.
Mais la jeunesse iranienne, habituée aux querelles diplomatiques entre Téhéran et Washington deux tiers des Iraniens étant nés après la révolution de 1979, regarde plutôt ce qu’il se passe dans le pays. Pour beaucoup, le blocage en avril de la plateforme de messagerie électronique Telegram a été la décision de trop.
« J’ai passé deux jours dans ma chambre, j’étais tellement déprimé », confie un rédacteur en chef qui avait pourtant fait campagne pour la réélection de M. Rohani l’an dernier. Le président iranien avait promis de ne plus recourir à la censure. Jusque là, « j’étais en colère contre tous mes amis qui partaient, mais pour la première fois j’ai pensé qu’il était peut-être temps de partir », assure-t-il.
Certains aspects de la vie quotidienne se sont améliorés pour les jeunes, mais pas assez vite pour répondre à leurs attentes. Aujourd’hui, ils critiquent ouvertement le gouvernement et le système d’une manière encore impensable il y a quelques années, mais ils se sentent ignorés. « Les responsables n’écoutent pas les jeunes, ils ignorent leurs espoirs, leurs opinions sur la vie, la société, la religion et la politique », déplore Ehsan, un étudiant de 24 ans.
DC avec AFP
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