Il ne l’avait jamais fait, ce qui laissait penser qu’un moment d’exception allait rapprocher le corps médical et celui de l’État. Si, à l’hôpital de Corbeil‑Essonnes ce 6 janvier, le président Emmanuel Macron a beaucoup répété d’anciennes annonces non appliquées encore, il a su porter un discours et une ambition à 6 mois qui permettront aux professionnels du soin de juger sur pièces dès le mois de juin. Son discours a déclenché une vague ambivalente d’émotions allant de l’approbation – car enfin, une partie des demandes de la profession semble entendue – à l’aigreur – le doute étant comme toujours permis. Patrick Pelloux, président des médecins urgentistes de France, a donné le ton sur Europe 1 en parlant de « grande incantation » irréalisable.
Dans ses « vœux aux acteurs de la santé », le président, relayé dans la presse dominicale par son ministre de la Santé François Braun – lui‑même ancien urgentiste – a multiplié les manifestations de proximité, appelant certains médecins et soignants par leur prénom, rappelant le sentiment d’abandon des soignants comme s’il était l’un d’entre eux, reprenant leurs mots : « On nous a applaudis tous les soirs à 20 heures quand c’était le Covid, et après tout le monde nous a oubliés, et pour nous, c’est presque plus dur parfois dans certains services que ça ne l’était pendant le Covid. » Le président a joué le soignant y compris par la sémantique de son discours, parlant de « diagnostic », rappelant les 50 milliards d’investissements du Ségur de la Santé et s’accusant lui‑même de n’avoir pas agi assez vite depuis 2018 – comme un chirurgien mécontent de son opération.
Les habitués des discours du président savent son talent pour retourner les audiences, cette passion qu’il a de finir dans l’adhésion ce qui commence dans l’opposition. Ils vivent aussi souvent le décalage entre la force de l’engagement oral et, bien souvent, la lenteur molle avec laquelle les administrations déclinent ensuite les annonces. Saura‑t‑on mesurer, au 1er juin 2023, la réalité des actions annoncées ?
Parmi les éléments du diagnostic, « une gouvernance qui s’est alourdie, qui a rigidifié beaucoup de procédures » indique le président. Aucun acteur du soin, étouffé sous la paperasse et les heures de réunions inutiles, ne dira le contraire. D’après les chiffres de l’OCDE, le système hospitalier français est le champion des fonctions administratives : elles représentent un tiers du personnel hospitalier, la plus lourde proportion en Europe. Or ces fonctions, qui devraient rendre l’hôpital efficace et faciliter le travail du corps médical, dans leur majorité ne le font pas. Elles entretiennent par contre une position de contrôle, ralentissant tout par des procédures répétitives et souvent inutiles.
« Il faut qu’on réalloue mieux nos moyens pour les mettre parfois au plus près du terrain et au service des équipes soignantes et c’est ça ce qu’on va faire collectivement » annonce donc le président. Les champions du tableur Excel dans les directions des hôpitaux changeront donc de métier, et à la tête des groupes hospitaliers, un tandem médecin‑administratif devra s’assurer que les missions de l’hôpital sont bien remplies. Comme pour les enseignants qui sont appelés, d’après le président, à bénéficier de plus de liberté sur l’organisation de leur enseignement, la tendance affichée pour l’hôpital public est donc de donner aux services médicaux la capacité de s’auto‑organiser, de faire les planning, distribuer les heures supplémentaires. Pour permettre cette « décentralisation », 6.000 recrutements administratifs supplémentaires sont prévus. Autrement dit, le diagnostic étant fait d’une sclérose administrative empilant les procédures, la solution ne sera pas de supprimer certaines de celles‑ci mais bien de créer de nouveaux postes pour réussir à les gérer… et pourquoi pas, puisque c’est la tendance de ces métiers, d’en imaginer de nouvelles ?
Autre annonce majeure, la sortie dès 2023 de la « T2A », la tarification à l’acte. Celle‑ci rapporte 70% de leurs ressources aux hôpitaux, et leur fait donc favoriser les secteurs « rentables » – la chirurgie par exemple, plutôt que les approches efficaces mais peu visibles, comme la prévention. Ce système coûteux donne à l’hôpital public l’illusion de l’efficacité de gestion alors qu’il surfacture l’État et donc le système de santé. Des systèmes de paiement de « parcours » seront donc privilégiés, favorisant l’interaction entre structures de soin et approches « complètes » jusqu’à la guérison.
Tout cela en six mois ? Ce que le président ne dit pas, et qui est la réalité de l’essentiel de la fonction publique, est que dans les administrations hospitalières, dans les agences régionales de santé, au ministère de la Santé, des milliers de pieds vont appuyer sur des milliers de freins et s’assurer que les choses « ont l’air » de changer tout en restant rigoureusement les mêmes. Trop de positions de pouvoir sont en jeu, sans compter que la culture de l’immobilité a donné dans beaucoup de ces bureaux une peur, maladive, du mouvement.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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