La Russie, qui s’est imposée comme la principale force militaire en Syrie, est aujourd’hui l’acteur incontournable d’un règlement politique du conflit vieux de plus de huit ans et de la reconstruction du pays, estiment les analystes.
Les 150 membres du Comité constitutionnel syrien, chargé de réformer la Constitution de 2012 en vue de futures élections, sont réunis à Genève depuis mercredi, sous l’égide de l’émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, le Norvégien Geir Pedersen.
Pour la première fois depuis le début du conflit en 2011, des représentants du gouvernement de Damas ont accepté de discuter face à face avec l’opposition, un revirement qui n’aurait pas été possible sans l’influence de Moscou sur le président syrien Bachar al-Assad.
La veille de l’inauguration du Comité, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s’est même invité à Genève avec ses homologues iranien et turc, une présence dont l’émissaire de l’ONU se serait bien passé.
L’idée d’un Comité constitutionnel chargé de réformer la Constitution a en effet été proposée par Moscou début 2018, lors d’une conférence à Sotchi, réunissant des représentants du gouvernement et de l’opposition.
La Russie et l’Iran, principaux soutiens de Damas, et la Turquie, soutien de l’opposition, sont associés au processus de paix d’Astana, créé en 2017, après l’échec des multiples rounds de négociations organisés par l’ONU à Genève.
Mais le Kremlin tient à ce que tout accord passe par Genève, afin d’avoir le « cachet » de l’ONU.
« Dans la pratique, c’est la Russie qui dirige le processus constitutionnel et toute percée renforcerait grandement son statut », a déclaré à l’AFP Samuel Ramani, spécialiste de la Syrie.
Depuis le début de son intervention militaire fin septembre 2015, Moscou a réussi à renverser l’équilibre sur le terrain en faveur de Damas.
L’opposition syrienne, qui est dispersée et a perdu ses parrains occidentaux, n’est présente que dans la zone d’Idleb (nord-ouest) et dans les régions du nord proches de la Turquie.
Elle se rend compte aujourd’hui que la Russie est la « clé » de toute solution politique.
« Après avoir fait ses preuves sur le plan militaire, la Russie veut maintenant obtenir des succès sur le plan politique et proposer une Constitution au reste du monde », a commenté à l’AFP Yahya al-Aridi, représentant de l’opposition au sein du Comité constitutionnel.
Pour lui, l’engagement de Moscou profite aussi à l’opposition, car la Russie « a poussé le régime à se joindre au processus politique après l’avoir pendant longtemps refusé ».
Le processus de Genève passe désormais par la Russie
Une délégation d’opposants a d’ailleurs rencontré mardi à Genève le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Verchinine et l’envoyé spécial russe pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev.
Le chercheur et spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche estime que la venue à Genève du chef de la diplomatie du Kremlin a envoyé un message « explicite »: « Le processus de Genève passe désormais par la Russie ».
« Les Occidentaux n’ont plus aucun levier sur le terrain », a-t-il déclaré à l’AFP. « Moscou doit composer seulement avec la Turquie qui conserve des clés en Syrie. »
« La Russie veut que le régime retrouve une légitimité internationale », a poursuivi M. Balanche, ce qui ouvrirait la voie à la levée des sanctions occidentales et à la reconstruction du pays. « Il existe donc peut-être une chance que le régime fasse des concessions grâce à la Russie. »
L’ONU espère que le Comité constitutionnel ouvrira la voie à un règlement politique du conflit. M. Pedersen a répété à plusieurs reprises qu’il reviendra au peuple syrien d’approuver toute nouvelle Constitution.
Pour les analystes, Moscou n’a pas droit à l’erreur.
« Si la Russie échoue, cela signifiera qu’après avoir sauvé le régime militairement, elle n’aura pas réussi à lui obtenir une reconnaissance via l’ONU », a souligné M. Balanche.
Ce spécialiste de la Syrie pense que l’échec pourrait être encore plus grave pour l’ONU qui « ferait ainsi la preuve de son inefficacité ».
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