INTERNATIONAL

Syrie : la soif de justice de Riyad Avlar, rescapé de la prison de Saydnaya

décembre 12, 2024 13:00, Last Updated: décembre 12, 2024 13:27
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Riyad Avlar a passé vingt ans dans des geôles syriennes, dont dix dans la tristement célèbre prison de Saydnaya. Il en a hérité des séquelles, et une obsession : documenter et réparer les atrocités commises en ce lieu sous Bachar al-Assad.

« Je suis certain que nous verrons un jour Bachar al-Assad devant une cour », prophétise le militant turc, qui a cofondé en 2017, quelques mois après sa libération, l’Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP).

« Nous ne voulons pas d’une vengeance, nous voulons la justice »

Riyad Avlar, cofondateur de l’Association des détenus et disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP), présente un livret de recherche sur Saydnaya à Gaziantep, le 11 décembre 2024. Riyad Avlar a passé 20 ans à languir dans les prisons syriennes, dont une décennie dans la tristement célèbre prison de Saydnaya, théâtre de certains des abus les plus brutaux du régime Assad. (YASIN AKGUL/AFP via Getty Images)

« Nous ne voulons pas d’une vengeance, nous voulons la justice », explique à l’AFP l’ex-prisonnier depuis le siège de son association, à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, d’où lui et d’autres anciens de Saydnaya amassent et recoupent les témoignages et documents racontant les horreurs qui y ont été perpétrées.

Des milliers de détenus libérés par les rebelles syriens dimanche

Des milliers de détenus, certains entassés depuis les années 80 dans cette prison du nord de Damas qu’Amnesty International a qualifiée d’ « abattoir humain », ont été libérés par les rebelles syriens dimanche à leur entrée dans la capitale syrienne.

Les images de prisonniers hagards et décharnés, certains portés par des camarades car trop faibles pour s’extraire de leurs cellules, ont fait le tour du monde.

« Cela m’a rendu heureux de les voir (libres), mais quand j’ai vu les murs et les cellules, cela m’a ramené à ce lieu. Je suis encore traumatisé », confie ce désormais père de famille, arrêté en 1996 à Damas, où il étudiait, pour avoir mentionné des exactions du régime syrien dans une lettre envoyée à des proches.

L’association des détenus et des personnes disparues de la prison de Saydnaya (ADMSP), à Gaziantep, expose la photo du dessin qu’un garçon né en prison a fait après avoir été secouru, le 11 décembre 2024. (YASIN AKGUL/AFP via Getty Images)

« J’ai vu des gens mourir devant mes yeux, beaucoup d’entre eux de faim »

Aujourd’hui encore, Riyad Avlar se réveille parfois la nuit en sursaut, croyant être enchaîné, comme il le fut deux mois durant en Syrie dans une cellule plongée dans le noir.

« J’ai vu des gens mourir devant mes yeux, beaucoup d’entre eux de faim », affirme le militant aux fines lunettes noires et à la barbe poivre et sel, qui conserve au poignet gauche une cicatrice héritée de la torture subie il y a vingt-cinq ans.

Cette photographie prise le 11 décembre 2024 montre un gros plan d’une illustration sur une page d’un livret publié par l’association des détenus et disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP), à Gaziantep. (YASIN AKGUL/AFP via Getty Images)

Il raconte aussi avoir vu des gardes de Saydnaya, après avoir affamé des détenus, jeter de maigres rations de nourriture dans des toilettes. « Les prisonniers les mangeaient pour survivre », certifie-t-il.

Sa reconstruction : « l’art-thérapie » et le travail dans son association

Sa reconstruction s’est faite par le théâtre et l’apprentissage du saz, un luth à manche long populaire en Turquie. « L’art-thérapie », résume-t-il.

Le psychologue Abdullah Al Araci parle lors d’une interview avec l’AFP à l’Association des détenus et disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP) à Gaziantep, le 11 décembre 2024. (YASIN AKGUL/AFP via Getty Images)

Mais aussi par son travail dans son association, avec laquelle il a aidé un nombre incalculable de familles à obtenir des preuves de vie de proches emprisonnés à Saydnaya.

Riyad Avlar, cofondateur de l’Association des détenus et disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP), affiche sur son téléphone portable l’image d’un document portant des chiffres relatifs à la prison de Saydnaya, à Gaziantep, le 11 décembre 2024. (YASIN AKGUL/AFP via Getty Images)

Des « insiders », employés de la prison, leur ont transmis jusqu’à récemment des documents internes, confie-t-il sans pouvoir en dire plus.

Plus de 30 000 détenus exécutés ou morts sous la torture

La prison de Saydnaya, où des foules de proches de disparus ont accouru après sa libération, pensant y retrouver les leurs dans des cachots souterrains, est désormais vide.

Cette photographie prise le 11 décembre 2024 montre un gros plan d’une page d’un livret publié par l’association des détenus et disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP), à Gaziantep. (YASIN AKGUL/AFP via Getty Images)

L’association estime que plus de 30.000 détenus ont été exécutés au sein de la prison ou y sont morts sous la torture, par manque de soins ou de nourriture entre 2011 et 2018, poussant ses autorités à y créer des « saloirs », des morgues de fortune servant à conserver les cadavres en l’absence de chambres froides.

« Je suis si heureux qu’il n’y ait plus un seul détenu à l’intérieur »

Face à tant d’horreur, Riyad Alver n’envisage pas de retourner un jour à Damas. Mais il confie avoir « toujours rêvé que Saydnaya devienne un jour un lieu de mémoire ».

« Je suis si heureux qu’il n’y ait plus un seul détenu à l’intérieur », ajoute-t-il aussitôt. « J’espère qu’il n’y en aura plus jamais ».

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