Déjà triple champion olympique, deux fois chez les lourds (2012, 2016) et une fois par équipes (2021), Teddy Riner vise deux nouvelles médailles d’or à Paris pour « devenir encore plus » le meilleur sportif français de tous les temps.
Dans un entretien accordé à l’AFP avant les Jeux, le judoka de 35 ans également onze fois champion du monde des +100 kg et deux fois en bronze olympique (2008, 2021) revient sur son immense carrière, qui a bouleversé « la façon de voir le haut niveau » et rendu « la catégorie reine encore plus reine ».
Avec deux nouvelles médailles d’or, en individuel (le 2 août) et par équipes (le 3), serez-vous le meilleur sportif français de l’histoire ?
« Ce n’est pas à moi de le dire. Moi je sais que si on compare les palmarès et on fait les choses factuellement, oui. Ça serait une fierté de l’être et de le devenir encore plus. Maintenant, je ne me mets pas cette pression, je ne mets pas la charrue avant les bœufs. Il y a beaucoup de choses à faire avant d’aller chercher une médaille d’or, même si c’est l’objectif. »
Quel héritage aimeriez-vous laisser ?
« La façon de s’entraîner, l’intelligence dans l’entraînement et la dureté. Faire comprendre à certains athlètes que la méthode qu’on nous a apprise de l’entraînement est un peu faussée et erronée. Il n’y a pas besoin d’être dans des destinations pourries, il n’y a pas besoin de se faire mal à la gueule pour performer. On peut s’entraîner correctement, en qualité et sereinement, sans pour autant craindre la blessure, sans pour autant se dire qu’on n’en fait pas assez. Chaque athlète a un neurotype, chaque neurotype a une façon de s’entraîner. On ne peut pas s’entraîner tous de la même manière. Quand le monde du sport aura compris ça, il y aura encore plus de résultats. »
Après avoir déjà tout gagné, que vous apporte encore la victoire ?
« Beaucoup d’excitation, une explosion de joie, de la fierté, beaucoup de choses à la fois. Parce qu’en fait, on se donne les moyens de ses ambitions, on est tout le temps aux quatre coins du monde, c’est beaucoup de sacrifices, beaucoup d’abnégation. Et au bout d’un moment, quand on arrive à toucher du bout des doigts le but qu’on s’est fixé, là, ça part en cacahuètes. Et à Paris en plus, ce serait un truc de fou. Intenable. »
Vous avez fait des centaines de combats, mais si vous deviez n’en retenir qu’un, ce serait lequel ?
« C’est compliqué mais je pense que ce serait mon premier titre mondial, en 2007 contre (Tamerlan) Tmenov, qui à l’époque était un monument dans le judo. Ça s’oublie pas. Je l’ai battu, mais c’est surtout les consignes que j’avais avant de monter. On m’avait dit que pendant 2 minutes 30, j’allais prendre la foudre. Et longtemps après, j’ai regardé le combat, et à 2 minutes 30, je trouve la solution. C’est magnifique d’avoir eu cette occasion de briller de cette manière et surtout contre une personne comme ça. »
Pensez-vous avoir, depuis vos débuts, révolutionné le judo ?
« Aucune idée. Beaucoup me disent que j’ai changé la catégorie (des lourds), que j’ai changé pas mal de choses dans le judo, mais moi, voilà, je suis un fonceur. Je fonce, pour l’instant, je ne fais pas attention à ça. »
Comment a changé cette catégorie des lourds ? Vos adversaires ont dû s’adapter à vous…
« Je pense qu’elle est devenue plus athlétique. Et ça, oui, on me l’a fait remarquer plusieurs fois, que c’était moi qui avait changé la donne. C’est vrai qu’on est devenus plus athlétiques, c’est un autre judo. C’est vrai, j’ai envie de dire que la catégorie reine est devenue encore plus reine. »
Hors des tatamis, vous avez aussi professionnalisé le judo, avec tout un staff dédié autour de vous.
« Oui, j’ai amené une autre façon de s’entraîner, une autre façon de voir le haut niveau, au judo en tout cas. Bien s’entourer, c’est très important. Parce que le judo, sans un partenaire, on ne peut rien faire. Moi, j’ai un très bon sparring (Frédéric Mirédin). Et surtout, j’ai un très bon staff qui me permet de performer. Sans ce staff, sans les indications qu’il me donne, sans le programme d’entraînement qu’il me donne, c’est compliqué. J’ai mon mot à dire, mais le professionnalisme de chacun fait que ça me permet d’être meilleur. »
Vous comptez continuer jusqu’aux JO-2028. Mais dans dix ans, où vous voyez vous ?
« À 45 ans ? C’est compliqué. Je me vois sur une chaise, au bord de la mer, à regarder mes enfants. Ils seront déjà un peu plus grands. »
Vous parlez parfois d’une possible reconversion politique.
« Quand je parle de politique, je dis toujours que j’ai envie d’être président. Mais c’est une manière générale pour moi de vous dire, demain, peu importe le projet que je choisirai, c’est pour être leader, c’est pour être le meilleur dedans. Moi, je ne fais pas des choses pour être spectateur. Je fais des choses où je suis acteur, à la manœuvre. Et surtout, là où je vais, j’y vais avant tout préparé. »
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