En septembre 2010, un pêcheur chinois avait été capturé au large de l’île de Senkaku (appelée Diaoyu en chinois), après avoir heurté des patrouilleurs japonais, occasionnant une crise diplomatique entre les deux pays. À la suite de quoi la Chine avait, sans l’avouer officiellement, organisé un embargo sur les terres rares à destination du Japon, ce qui avait été l’occasion d’une prise de conscience de la dépendance de nos chaînes de valeur aux métaux stratégiques fournis par l’Empire du milieu.
Ce que l’on appelle les terres rares dans le langage courant, recoupe une série de 17 métaux divisée entre terres rares légères, plus courantes, et terres rares lourdes. Le néodynium, le praséodynium et le dysprosium, servent à fabriquer des aimants permanents que l’on retrouve dans les éoliennes, les véhicules hybrides, les disques durs ou les téléphones portables. Le lanthanum ou le cérium sont, quant à eux, employés dans le polissage de la céramique et du verre et entrent dans la composition des pots catalytiques réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES). D’autres encore, comme l’europium ou l’yttrium, ont des propriétés luminescentes et servent à la fabrication des écrans à cristaux liquides ou des dispositifs de guidage laser. Le marché des terres rares, avec 150 000 tonnes extraites chaque année pour une valeur de 9 Mds€, est restreint mais stratégique.
Le monopole chinois de production des terres rares commence à peine à être concurrencé
Il y a à peine quatre ans, la Chine produisait 80 % des terres rares à l’échelle mondiale (et même 95 % en 2010), un chiffre qui chute à 60 % à l’heure actuelle. La même année où l’embargo sur le Japon avait été mis en œuvre, le pays avait instauré une série de mesures restrictives, des quotas d’exportation (de 30 000 tonnes par an), des taxes à l’export (de 10 à 25%) ou des mécanismes de contrôle des prix, ce qui avait mené les pays consommateurs à tenter de diversifier et sécuriser leurs approvisionnements.
À la suite de cette crise diplomatique, en 2011 et en 2012, les prix des terres rares, également portés par la spéculation, avaient littéralement explosé, l’augmentation atteignant 500 % dans certains cas. Conséquence directe, l’exploitation de ce type de ressource hors de Chine était passée de 16,5 millions de tonnes à 87,3 millions de tonnes.
La place de la Chine dans l’exploitation des terres rares n’est, toutefois, qu’en partie liée à l’importance de son stock de métaux stratégiques.
Les faibles coûts du travail, une offre d’énergie bon marché, des programmes publics de recherche spécialisés, des règles de protection de l’environnement peu développées, voire inexistantes pour cette activité d’extraction très polluante (par les eaux usagées acides et les résidus radioactifs notamment) en sont les autres raisons majeures. Dans les années 80, les États-Unis avaient commencé, eux aussi, à en produire, mais l’essor avait été freiné par l’apparition de puissants mouvements de protection de l’environnement.
En 2015, condamnée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine abandonne ses mesures de restrictions, les prix baissent et certaines sociétés, comme celles qui exploitaient la mine de Moutain Pass aux États-Unis, font faillite.
La place des terres rares dans l’économie et la diplomatie chinoise
De sa position dominatrice, la Chine a conservé, selon une note de l’Institut français des relations internationales (IFRI) une place prépondérante dans toute la chaîne de valeur en produisant, par exemple, 90 % des alliages d’aimants et 75 % des aimants. Elle s’est également efforcée de fusionner les entreprises du secteur en les réduisant à 26, dont seulement six pour l’extraction, toutes dans la main de l’État.
Les exemples de pressions diplomatiques chinoises circonstanciées via l’arme des terres rares sont nombreux : sur la Corée du Sud, du fait de l’adoption d’un système de défense aérien largement piloté par les Américains, sur les Philippines, avec le conflit territorial entourant les îles Spratley, et même avec la Norvège, lors de l’attribution du prix Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiabo (hélas décédé depuis).
L’une des solutions envisageables pour remédier à cet épineux problème, qui d’ailleurs recouvre aussi un impératif écologique, serait le recyclage des produits fabriqués avec des terres rares, les pales d’éoliennes ou les batteries de véhicules par exemple. Avant la crise sanitaire, il n’était qu’embryonnaire et ne s’appliquait qu’à 6 ou 7 % maximum des biens concernés.
Une autre piste, pour les véhicules électriques, est ouverte avec les intéressants projets de moteur ne contenant pas de terres rares, développés par Tesla et son moteur à induction, ou par Renault et son moteur à excitation.
Mais cela sera-t-il suffisant ? L’Empire du milieu a d’ores et déjà démarré la contre-attaque. En fin d’année dernière, par la fusion d’entreprises déjà existantes, il a créé, selon Les Échos, un géant des terres rares, baptisé China Rare Earth Group.
Pendant ce temps, la France et l’Allemagne ont créé un géant de la batterie et ambitionnent d’interdire les véhicules thermiques à horizon 2035. Elles seraient donc bien avisées de revoir ces ambitions à la baisse, faute de remplacer une dépendance (au pétrole) par une autre. A moins qu’elles ne parviennent à faire émerger rapidement des géants européens d’exploitation des terres rares, pour construire une politique de défense axée sur la sécurisation de nos approvisionnements (en Afrique par exemple). Ce qui a fonctionné pour l’uranium avec la filière nucléaire peut très bien fonctionner avec les terres rares et la production d’énergie.
Article écrit par Romain Delisle, avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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