« Avons-nous encore des droits ? » À Pékin, des travailleurs migrants venus de province sont chassés à la hâte de leurs appartements et jetés à la rue sous des températures glaciales, suscitant l’indignation en Chine.
Dans le quartier de Picun au nord de la capitale, les autorités ont fait couper l’eau, l’électricité et le chauffage pour pousser les habitants à partir.
Jiang Dengfeng, employée de supermarché, est originaire de la province du Sichuan (sud-ouest). Elle dit n’avoir pas pu prendre de douche depuis neuf jours en raison du froid.
« Dans la campagne d’où je viens, les femmes restent à la maison. Il n’y a pas de travail là-bas », déclare-t-elle à l’AFP. Avec trois sacs en plastique remplis d’affaires personnelles, elle attend une voiture qui la conduira chez un ami.
D’autres familles chargent machines à laver, casseroles et poêles dans des moto-taxis ou les empilent dans les rues.
La municipalité laisse aux locataires quelques jours pour faire leurs valises… voire seulement quelques heures. Les autorités assurent être de bonne foi : l’opération vise à détruire les habitations dangereuses, après un incendie qui a tué mi-novembre 19 personnes dans la capitale chinoise.
Les bulldozers ont déjà rasé d’innombrables bâtiments en l’espace d’une semaine.
Quitter leur appartement avant 18H
À Picun, un ouvrier du BTP originaire du sud-ouest, Xiang Shaoping, a trouvé lundi un avis d’expulsion menaçant placardé sur sa porte.
« Si vous n’avez pas quitté les lieux, déménagé et vidé entièrement l’espace avant 18H00, tous vos biens seront confisqués et vous devrez en assumer les conséquences », ordonnait cette note sans tampon officiel.
M. Xiang payait 700 yuans (90 euros) de loyer mensuel pour l’appartement de deux pièces. Il ne gagne que 4.000 yuans par mois (515 euros) pour faire vivre sa femme et ses trois enfants.
« Si ce logement n’est pas habitable, il aurait fallu le dire avant ! Ou ne pas autoriser de construction ici », peste-t-il. « La Chine raconte qu’elle a amélioré les droits de l’homme. Mais nous les petites gens, avons-nous encore des droits ? ».
Le pays compte des centaines de millions de migrants, originaires des campagnes et venus travailler dans les villes. Moteurs du formidable essor économique du pays, ils sont toutefois souvent considérés comme des citoyens de seconde zone.
À Pékin, les autorités ont déjà chassé une partie d’entre eux ces derniers mois. La municipalité entend ainsi maintenir sa population sous la barre des 23 millions d’habitants d’ici à 2020.
Combien d’entre eux ont été expulsés ces derniers jours ? Difficile à dire : la ville ne communique aucun chiffre. L’ampleur des destructions laisse cependant penser qu’ils seraient des dizaines de milliers.
Si la presse est censurée, l’opération reste abondamment dénoncée sur les réseaux sociaux.
Une vidéo a renforcé l’émotion. On y voit un haut responsable municipal appeler à « agir fermement, sans pitié et rapidement ». Ceux qui résistent à l’expulsion doivent être accusés de « mise en danger de la sécurité publique », affirme-t-il.
Vendredi, une centaine d’intellectuels, professeurs, avocats et artistes ont signé une lettre ouverte dénonçant une « grave violation des droits de l’homme ».
« Un parfait prétexte pour nous chasser »
Les loyers pékinois ont plus que doublé depuis quelques jours en raison de la demande, à des tarifs désormais hors de portée de nombreux travailleurs migrants.
Le quartier de Xinjian, où l’incendie meurtrier s’est produit mi-novembre, est réduit à des amas de béton, de briques et de barres d’acier. Des pelleteuses s’activent dans les ruines d’anciens ateliers textiles, échoppes et bâtiments résidentiels. Des rangées de policiers montent la garde tout autour.
L’ouvrière textile Xu Yanjiao a récupéré ses effets personnels dans son appartement avant sa démolition. Mais uniquement parce que son patron a soudoyé un responsable local, confie-t-elle à l’AFP.
« Avec l’incendie, ils ont trouvé un parfait prétexte pour nous chasser », soupire Mme Xu. Des hommes non identifiés ont harcelé ses voisins pour les presser d’évacuer et confisqué les smartphones de ceux surpris en train de filmer la scène, ajoute-t-elle.
« Contrairement aux États-Unis, nous n’avons qu’un seul parti politique », déclare-t-elle. « Comme rien ne le menace, il peut traiter le peuple à sa guise ».
I.M. avec AFP
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