« On passe à quatre ou cinq, armés, tu tues tout le village en une seule nuit, c’est facile » : six hommes sont renvoyés devant la cour d’assises des mineurs spéciale, accusés d’avoir préparé dans une boucherie de Brest des actions violentes inspirées de celles du groupe de l’organisation terroriste État islamique.
L’enquête a débuté en septembre 2019 autour de la situation de Mohamad D., un Palestinien né en 1985 en Syrie à Homs. Arrivé en France fin 2015 comme réfugié – il a perdu ce statut depuis – il se rendait régulièrement en 2019 dans la boucherie « Chez Wahid », en périphérie de Brest.
Derrière l’étal, Wahid B., condamné cette année-là pour apologie du terrorisme pour avoir mimé un tir à l’arme automatique au passage d’une patrouille de police après les attentats du 13 novembre 2015.
« Mouvance islamiste radicale »
Son commerce était soupçonné d’accueillir des réunions « de la mouvance islamiste radicale » locale, d’après l’ordonnance de mise en accusation dont l’AFP a eu connaissance jeudi, avec l’avantage de « ne pas attirer l’attention ». L’établissement a été sonorisé en novembre 2019, et permis aux enquêteurs de déclencher une vague d’interpellations en janvier 2020 visant sept hommes, finalement mis en examen, dont Mohamad D. et Wahid B.
À l’issue de trois ans et demi d’instruction, deux juges antiterroristes ont ordonné le 28 juillet le renvoi de six d’entre eux pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et un non-lieu pour le septième.
Le procès, confirmé par une décision de la cour d’appel de Paris lundi, pourrait se tenir fin 2024 devant la cour d’assises des mineurs spécialement composée, car l’un des accusés avait 16 ans au moment des faits. D’après une source proche du dossier, un pourvoi en cassation est toutefois en cours.
Plusieurs cibles pour des actions violentes
Les six accusés, dont cinq encore détenus, sont nés entre 1983 et 2003 et soupçonnés d’avoir envisagé plusieurs cibles pour des actions violentes : la base navale de Brest, les célébrations du Nouvel an chinois en France, une synagogue, des matches de foot…
Dans une sonorisation du 9 décembre 2019, Mohamad D. dit ainsi à Wahid B. : « Il nous faut un peu d’entraînement, il nous faut des armes, et il faut apprendre certaines choses. On peut y aller pas trop loin, par exemple on va voir les campagnes. » « On passe à quatre ou cinq, armés, tu tues tout le village en une seule nuit, c’est facile. Il faut avoir l’audace, et que tu aies tout prévu », ajoute encore cet homme aujourd’hui âgé de 38 ans.
Des sonorisations « hors contexte », dénonce son avocat, Me Sami Khankan, qui précise à l’AFP qu’il « plaidera l’acquittement » tant il « conteste la procédure sur la forme et sur le fond ». Parmi les autres projets attribués aux six hommes par les enquêteurs, l’infiltration de l’armée française – « tu les allumes tous », suggère celui qui était alors mineur – ou le ralliement de combattants en Syrie ou au Mali.
Le parcours de Mohamad D. semblait intéresser ses coaccusés. « Il a combattu là-bas et tout », lance l’un d’entre eux. « Comment il a fait pour revenir ? », demande un autre. « Ben j’sais pas, il est passé normal », réplique le premier. Mais Mohamad D. a contesté les nombreux éléments avancés par les enquêteurs pour affirmer qu’il avait combattu dans les rangs du groupe terroriste État islamique en Syrie en 2014. Sa défense le présente comme distancié du reste de la cellule et estime que les enquêteurs se sont servis de son origine géographique, une zone syrienne sous le joug du groupe EI, pour consolider un dossier à ses yeux artificiel.
Pour les juges, au contraire, les projets d’actions violentes sont bien réels. Ils mentionnent des séances de paintball apparentées à des entraînements au tir, des projets d’achats d’armes de certains protagonistes, à Brest et en Bosnie-Herzégovine, et surtout une forme de fascination collective pour les sévices perpétrés par les jihadistes. Du « bla-bla », des « paroles en l’air » ou l’effet de groupe, se sont défendus les cinq autres mis en cause. Contactés par l’AFP, leurs avocats n’avaient pas répondu ou pas souhaité commenter jeudi matin.
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