D’abord une, puis deux, puis cinq. Cassandre*, une Toulousaine de 31 ans, est dépassée: après des tests ADN, elle a découvert en deux ans l’existence de ses demi-soeurs, toutes nées d’une PMA, et craint qu’il y en ait « des dizaines d’autres ».
« J’ai toujours eu des doutes sur ma filiation, je suis très brune par rapport à ma famille », raconte la jeune femme à l’AFP. À 22 ans, elle questionne sans relâche ses parents qui finissent par lui avouer que, le père étant stérile, sa sœur aînée, son petit frère et elle ont été conçus par don de sperme.
« Un séisme » dans la vie de l’étudiante en droit, qui confie avoir eu l’impression de perdre d’un coup une partie de son identité.
La loi encadrant la procréation médicalement assistée a été promulguée en 1994. « Mais la pratique existait sans encadrement légal depuis l’après-guerre », affirme Cassandre, expliquant avoir été conçue dans un cabinet de gynécologie privé à Toulouse, avec du sperme d’un donneur rémunéré.
« À l’époque, les médecins disaient aux parents de garder le secret. Une PMA visait à ‘réparer la fierté du père stérile' », souligne-t-elle.
Au moins 7 sœurs issues du même donneur
Un premier test ADN –illégal dans l’Hexagone mais possible grâce à des sociétés américaines qui les réalisent– lui permet de se découvrir des origines italiennes. Puis un « déclic se produit » qui la pousse à aller plus loin: l’attentat de Nice, auquel elle réchappe en 2016.
Elle réalise alors trois autres tests ADN et accède à plusieurs bases de données.
La première découverte a lieu en 2018. « Une fille me contacte, m’envoie sa photo et là, c’est l’électrochoc, c’était mon clone », se souvient Cassandre. Leur ADN ne laisse aucune place au doute: elles sont demi-sœurs.
En juin dernier, une deuxième jeune femme se manifeste, avec deux petites sœurs, toutes les trois issues du même donneur. Et mi-septembre, les résultats d’une cinquième jeune femme tombent: pareil.
Heureuse de s’être trouvée des « sœurs bonus », Cassandre est aussi inquiète.
« Avec ma sœur aînée, ça fait sept femmes issues du même donneur. Et sachant que la plupart des personnes de notre âge nées d’une PMA ne le savent pas, et que peu de gens font des tests, je crains qu’on soit des dizaines de demi-frères et sœurs à Toulouse », s’affole-t-elle, accusant le gynécologue « d’irresponsabilité ».
« Je l’ai appelé. La première fois il m’a raccroché au nez. La deuxième il m’a dit qu’il ne se souvenait de rien ».
La jeune femme, aujourd’hui célibataire, a une hantise: se mettre, sans le savoir, en couple avec un demi-frère. « Si je me fais draguer par un homme brun de Toulouse, je ne vais pas plus loin ».
« Ça n’arrivera probablement jamais parce que je fais attention, mais ceux qui ne savent pas? Et puis avec la prochaine génération de nos enfants, c’est ingérable », lance-t-elle.
Mais surtout, pour elle, la quête n’est pas finie: elle veut retrouver l’homme avec qui elle partage la moitié de son ADN.
« Je ne veux pas d’un père, j’en ai déjà un. J’aimerais juste récupérer des petits bouts d’identité, mettre un visage sur cet homme pour comprendre à qui je ressemble, et peut-être même le rencontrer s’il est d’accord ».
Elle se sent parfois incomprise dans sa démarche. « On dirait que c’est interdit de dire que l’ADN ça compte. Les gens ont vraiment envie de penser que tout se fait par l’éducation et ont du mal à entendre qu’il y a une transmission génétique ».
Un sujet qui reste tabou
La jeune femme déplore aussi que le sujet reste tabou. « La preuve, aucune de mes demi-sœurs n’a accepté de témoigner ». Au-delà de son noyau familial, personne ne sait non plus que Cassandre est issue d’une PMA.
La jeune femme, qui milite au sein d’une association d’enfants issus d’une PMA, se félicite que le projet de loi bioéthique prévoit notamment le droit pour les enfants à naître d’accéder à leur majorité à l’identité du donneur. C’est aujourd’hui impossible puisque l’anonymat est l’un des piliers du don de sperme en France.
Mais pour les enfants nés avant cette réforme, « l’accès au donneur ne pourra avoir lieu que si ce dernier se manifeste par initiative propre », regrette Cassandre, sans perdre espoir de le retrouver, coûte que coûte.
PMA: « De ne pas savoir d’où je viens, c’est le drame de ma vie. Je ne m’en remettrai jamais. »
Lors de l’émission L’Heure de Bachelot sur LCI le 13 juin sur le sujet de l’extension de la PMA aux couples de femmes, une femme de 67 ans du nom de Catherine, née sous PMA, a témoigné de sa profonde déchirure à ne pas avoir connu son vrai père. Peu d’études s’intéressent aux conséquences psychologiques de la PMA sur les enfants.
En précisant, qu’elle est plutôt une citoyenne votant à gauche et pas du tout « Sens commun », Catherine a voulu témoigner de sa propre expérience en tant qu’enfant née sous PMA:
» Je suis une femme de 67 ans qui est né d’un papa inconnu, avec la décision de ma mère de faire un enfant toute seule. Je lui en veux toujours, la pauvre est décédée et je lui en veux encore. Pourtant j’ai eu un papa de substitution qui m’a adorée après, mais le fait de ne pas savoir d’où je viens, c’est le drame de ma vie »
Continuant: « Je ne m’en remettrais jamais je crois. Je pense que quand on prend la décision de faire un enfant, avant de penser à soi, il faut penser à l’enfant qu’on va mettre au monde et à la vie qu’on va lui faire vivre. C’est pour moi quelque chose qui est d’un égoïsme impossible, on n’a pas le droit de faire un enfant, sans qu’il connaisse son papa ou sa maman »
*Le prénom a été modifié.
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