Un million d’espèces menacées d’extinction: la survie de l’Homme en jeu

6 mai 2019 12:27 Mis à jour: 9 mai 2019 23:20

Déjà un million d’espèces menacées d’extinction et le rythme s’accélère: la nature qui permet à l’humanité de vivre est condamnée à poursuivre son déclin à moins d’« un changement profond » des modèles de production et de consommation des hommes.

Dans un rapport sans précédent publié lundi, le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES) peint un tableau sombre de l’avenir de l’être humain qui dépend de la nature pour boire, respirer, manger, se chauffer ou se soigner. « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier », décrit Robert Watson, président de l’IPBES.

Déforestation, agriculture intensive, surpêche, urbanisation galopante, mines: 75% de l’environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines et 66% de l’environnement marin est également touché. Résultat: environ un million d’espèces animales et végétales sur les quelque 8 millions estimées sur Terre, sont menacées d’extinction, dont « beaucoup dans les prochaines décennies ».

Un constat en accord avec ce que de nombreux scientifiques décrivent depuis des années: le début de la 6e « extinction de masse » non mentionnée dans le rapport  et la première dont l’Homme est responsable. Mais aussi « la première qui pourrait être stoppée si nous agissons de manière décisive maintenant », note Mark Tercek, président de l’ONG Nature Conservancy.

« Il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant » et via un « changement transformateur » de notre société pour ralentir les « moteurs » de la perte de biodiversité qui menace l’Homme au moins autant que le changement climatique, estime également Robert Watson. Les cinq principaux coupables sont clairement identifiés dans le texte sur lequel ont travaillé 450 experts pendant trois ans: dans l’ordre, l’utilisation des terres (agriculture, déforestation), l’exploitation directe des ressources (pêche, chasse), le changement climatique, les pollutions et les espèces invasives.

Mais même si l’accord de Paris sur le climat qui vise à limiter le réchauffement à maximum +2°C est respecté, le changement climatique pourrait grimper au classement, tout en aggravant les autres facteurs. Heureusement, certaines actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pourraient aussi entraîner des effets bénéfiques directs sur la nature, permettant peut-être de sortir de ce cercle vicieux. Première cible: le système agro-alimentaire. Nourrir 10 milliards de personnes en 2050 de façon « durable » implique une transformation de la production agricole (agro-écologie, meilleure gestion de l’eau) mais aussi des habitudes de consommation (régime alimentaire, gaspillage), souligne le rapport.

« Nous saluons l’appel à un changement des régimes alimentaires, vers une nourriture plus basée sur les végétaux pour réduire la consommation de viande et de produits laitiers qui a des impacts négatifs bien connus sur la biodiversité, le changement climatique et la santé humaine », a commenté Eric Darier, de Greenpeace. La synthèse adoptée par les délégations samedi n’appelle pas directement à manger moins de viande, la formulation ayant été affaiblie depuis la version préliminaire obtenue par l’AFP. Un signe probable de l’hostilité de certains pays producteurs de viande.

« Des changements profonds peuvent entraîner une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts directs au statu quo, mais une telle opposition peut être surmontée pour l’intérêt général », commente Robert Watson. Mais alors que ce rapport évoque des pistes, sans être prescriptif, reste à savoir si les Etats membres de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (COP15) se fixeront lors de leur réunion en Chine l’an prochain les objectifs ambitieux espérés par les défenseurs de l’environnement pour une planète durable en 2050.

Le rapport de l’IPBES évoque d’autres outils à disposition des gouvernements pour améliorer la « durabilité » du système économique, comme des quotas de pêche « efficaces » ou une réforme des aides publiques et de la fiscalité. Il évoque même la nécessité de s’éloigner du dogme de la croissance. « Il s’agit de considérer la qualité de vie et non la croissance économique comme objectif », indique à l’AFP l’un des principaux auteurs, Eduardo Brundizio. Alors que l’Homme dépend de la nature pour vivre, est-il pour autant condamné à l’extinction ?

« Probablement pas », et certainement pas à court terme, répond un des autres auteurs Josef Settele. Mais « nous ne voulons pas seulement survivre. C’est tout l’enjeu de ce rapport », tempère Eduardo Brundizio, insistant à nouveau sur la « qualité de vie ». Qualité qui risque de se dégrader encore plus pour les plus pauvres de la planète, note le rapport, et pour les régions abritant les peuples autochtones très dépendants de la nature. Ces derniers sont parvenus par leurs savoirs intégrés et reconnus pour la première fois à ce niveau à limiter ce déclin de la biodiversité, qui toutefois se trouve « sous une pression de plus en plus importante ».

D.C avec AFP

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