Le régime chinois utilise des technologies de pointe, notamment la surveillance numérique, pour modeler la volonté du peuple et contrôler le comportement social. C’est ce qu’explorent les journalistes Josh Chin et Liza Lin, dans leur nouveau livre intitulé Surveillance State, Inside China’s Quest to Launch a New Era of Social Control. [L’État de la surveillance, au cœur de la quête chinoise pour lancer une nouvelle ère de contrôle social, ndt.]
Lors du lancement de leur livre au Carnegie Endowment for International Peace, ce 12 septembre, les auteurs ont abordé le thème de l’ingénierie sociale du PCC. La surveillance systématique pratiquée en Chine n’a pas uniquement pour objectif de gouverner. Il s’agit également de modifier le comportement humain. C’est particulièrement le cas dans des régions comme le Xinjiang. Le Parti communiste chinois (PCC) y déploie un réseau complexe de surveillance. C’est d’autant plus inquiétant que le régime exporte cette technologie vers d’autres pays et régimes autoritaires.
« La classe dirigeante chinoise a remis au goût du jour les méthodes totalitaires du passé et elle les associe à des technologies futuristes non pas pour tenter d’éradiquer une minorité religieuse mais pour la remodeler », expliquent M. Chin et Mme Lin dans leur livre.
« Cette initiative fait partie d’une expérience drastique destinée à réinventer le contrôle social par la technologie. Elle oblige les démocraties du monde entier à faire face au pouvoir croissant de la surveillance numérique et à s’interroger sur la relation entre l’information, la sécurité et la liberté individuelle. »
Les auteurs, tous deux journalistes chevronnés au Wall Street Journal, affirment que le PCC contrôle des quantités inimaginables de données personnelles et qu’il en collecte toujours davantage. Il ne cesse également de trouver de nouvelles applications pour ces données afin de construire ce que les auteurs appellent une société « parfaitement gérée ».
M. Chin et Mme Lin décrivent cette société sophistiquée où les entreprises d’intelligence artificielle travaillent de concert avec la police et où « le gouvernement a le pouvoir de suivre tous nos moindres mouvements à l’aide de caméras capables de reconnaître notre visage et le rythme spécifique de notre démarche, de microphones capables de reconnaître notre voix et de systèmes GPS pour smartphones qui transmettent notre position à quelques mètres près. Les agents de l’État peuvent examiner minutieusement l’historique de nos conversations privées, nos habitudes de lecture et de visionnage, nos achats sur Internet et l’historique de nos déplacements. Ils peuvent exploiter ces données pour déterminer si on est susceptible de contribuer ou de nuire à l’ordre public ».
La plupart des outils de surveillance utilisés par le PCC pour se maintenir au pouvoir ont été inventés dans la Silicon Valley où des géants de la technologie comme Google, Facebook et Amazon les ont appliqués pour dresser des « portraits comportementaux » de leurs utilisateurs afin de les vendre aux publicitaires. Les auteurs appellent cela le « capitalisme de surveillance », un terme utilisé pour la première fois par l’auteur Shoshana Zuboff.
Bien qu’une grande partie de ce système de surveillance soit « ambitieux », le PCC commence à atteindre certains de ses objectifs. Il est conscient que d’autres pourraient ne jamais se concrétiser. M. Chin et Mme Lin écrivent dans leur livre que des « ramifications importantes » de ce système totalitaire ont déjà commencé à prendre forme dans plusieurs villes de Chine, grâce aux bonds gigantesques accomplis par l’intelligence artificielle (IA).
La Chine s’apprête à accueillir son prochain congrès le 16 octobre. Durant l’événement, l’actuel dirigeant chinois Xi Jinping briguera un troisième mandat. Selon les deux journalistes dans un article paru le 2 septembre dans le Wall Street Journal, s’il obtient ce nouveau mandat, il s’efforcera probablement d’instaurer un nouveau type de gouvernement « propulsé par les données et la surveillance numérique de masse, capable de rivaliser avec la démocratie à l’échelle mondiale ».
Et d’ajouter : « Xi poursuit cette vision par nécessité. Pendant les quelque trois décennies qui ont suivi la mort de Mao Zedong en 1976, le Parti communiste s’est retiré de la vie privée des gens, a investi dans les infrastructures et a surfé sur une vague de croissance économique historique qui a fait passer la Chine d’une pauvreté abjecte à un confort de revenu moyen. »
L’article précise qu’en parallèle du ralentissement économique, la pandémie a fait rage et la situation démographique s’est aggravée. Xi Jinping tente d’instaurer un nouveau contrat social avec ses citoyens.
« Au lieu d’attirer les citoyens en leur offrant la possibilité de s’enrichir, il leur propose la sécurité et la commodité – un monde prévisible dans lequel des milliers d’algorithmes neutralisent les menaces et éliminent les frictions de la vie quotidienne. »
Les « Chengguan » et l’IA
Chaque ville chinoise dispose d’un Chengguan (Bureau d’administration urbaine et d’application des lois) ou d’un organisme public chargé de faire appliquer la loi. Cet organisme relève généralement de la municipalité et non de la police. Entre autres responsabilités, l’organisme prend en charge l’apparence de la ville.
Lors du lancement du livre, Mme Lin a évoqué sa participation à un programme mis en place par la ville de Hangzhou, où des outils d’IA étaient utilisés par une branche locale du Chengguan.
Hangzhou, ont rappelés les auteurs, est au cœur de l’économie moderne chinoise et abrite les principales entreprises technologiques du pays. C’est là notamment que se trouve le géant du commerce en ligne Alibaba. On y trouve également le premier fabricant mondial de caméras de surveillance, Hikivision. Hangzhou est une des principales villes « intelligentes » chinoises. Les autorités recueillent quotidiennement d’énormes quantités de données. Celles‑ci sont utilisées dans la gestion de tous types d’opérations du quotidien.
Dans l’article du Wall Street Journal, les deux journalistes ont écrit :« Une initiative particulièrement remarquable est baptisée City Eye, dans un quartier bien propre de Hangzhou connu sous le nom de Little River Street. Le programme a placé des outils dotés d’IA entre les mains de la branche locale du Chengguan… pour chasser les vendeurs ambulants, sanctionner les décharges sauvages, traquer les vandales et distribuer des contraventions. »
City Eye a débuté en 2017 avec Hikivision qui a installé 1600 caméras de surveillance des services de police dans la rue Little River et Alibaba qui a fourni la plateforme propulsée par l’IA. Aujourd’hui, le programme permet à l’administration de surveiller les rues 24 heures sur 24.
« Comme le Xinjiang, où les Ouïghours sont systématiquement opprimés, Hangzhou sert de zone pilote pour le contrôle social, permettant au Parti communiste de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Les expériences menées dans ces deux endroits montrent que les mêmes technologies utilisées pour terroriser et remodeler ceux qui sont censés résister à l’autorité du Parti peuvent être déployées pour dorloter et rassurer ceux qui acceptent sa domination », conclut l’article.
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