Le président socialiste vénézuélien Nicolas Maduro a porté un grand coup à ses opposants : à peine installée, la Constituante qu’il a dotée de pouvoirs illimités a limogé une adversaire des plus coriaces, la procureure générale Luisa Ortega, au risque d’aggraver encore les tensions avec la communauté internationale.
« Ce qui se passe au Venezuela, c’est une prise en otage totale de toutes les institutions par un seul camp, par un seul parti politique », a réagi samedi Julio Borges, président du parlement, seule institution contrôlée par l’opposition.
Mme Ortega, une chaviste historique qui a pris ses distances depuis plusieurs mois avec M. Maduro, a indiqué qu’elle ne reconnaissait pas cette décision.
Dans la matinée, des unités de la Garde nationale bolivarienne (GNB) l’avaient empêchée d’accéder aux bureaux du Parquet général dans le centre de Caracas.
« C’est une dictature ! » avait-elle dénoncé, tout en promettant de continuer « à lutter pour la liberté et la démocratie au Venezuela ». « Non seulement ils arrêtent les gens arbitrairement, mais ils les font juger par la justice militaire, et maintenant ils ne laissent pas entrer la procureure générale dans son bureau ». Elle avait finalement quitté les lieux assise à l’arrière d’une moto.
Le Parquet général, qu’elle dirige, avait ouvert mercredi une enquête pour fraude électorale présumée lors du scrutin de l’Assemblée constituante le 30 juillet, réclamant en outre l’annulation de l’installation de cette toute-puissante institution.
Nommée en 2007 par le président Hugo Chavez (1999-2013), Mme Ortega était la principale figure institutionnelle à oser défier publiquement son successeur.
« Procureur, traîtresse, ton heure est arrivée »
Dans l’après-midi, au cours d’une séance publique et télévisée, les membres de la nouvelle Assemblée constituante ont voté à main levée sa révocation. Il ne restait plus à Delcy Rodriguez, présidente de la Constituante, de proclamer, avec le sourire, la révocation « à l’unanimité » de Mme Ortega. « Procureur, traîtresse, ton heure est arrivée », ont aussitôt scandé à plusieurs reprises nombre de participants.
La Cour suprême de justice ((TSJ), accusée par l’opposition d’être inféodée au pouvoir, a annoncé plus tard que Mme Ortega serait jugée pour des « irrégularités ». Ses comptes ont par ailleurs été bloqués et il lui a été interdit de quitter le pays.
Elle a aussitôt été remplacée à son poste par un proche du pouvoir, le « défenseur du peuple » (ombudsman) Tarek William Saab, 59 ans.
Ce limogeage risque d’empirer les relations déjà tendues du Venezuela avec la communauté internationale, inquiète de la dérive autoritaire du régime.
« Les Etats-Unis condamnent la destitution illégale de la procureur du Venezuela @LortegaDiaz » (l’identité de Mme Ortega sur le réseau social, ndlr), a réagi sur Twitter la porte-parole du département d’Etat Heather Nauert, dénonçant « la dictature autoritaire de Maduro ».
La présidente du Chili, Michelle Bachelet, a affirmé sur Twitter que ce renvoi « est un pas de plus dans la rupture démocratique et ne contribue pas à la paix pour le peuple vénézuélien ». Pour le président colombien Juan Manuel Santos, il s’agit du « premier acte dictatorial » de la Constituante.
Le Venezuela suspendu du Mercosur
Autre signe de cette tension : réunis samedi à Sao Paulo, les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay ont décidé de suspendre le Venezuela du Mercosur, le marché commun sud-américain, « pour rupture de l’ordre démocratique ».
Pour lever cette suspension, le Mercosur a posé comme conditions « la libération des prisonniers politiques, la restauration des compétences de pouvoir législatif, la reprise du calendrier électoral et l’annulation de l’Assemblée constituante ».
Nicolas Maduro a aussitôt répliqué que son pays ne serait « jamais » exclu du Mercosur et dénoncé une tentative de « blocus économique, financier, commercial et politique comme celui imposé à Cuba dans les années 60 ».
Le secrétaire de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a apporté son soutien au Mercosur.
Présidée par l’ex-ministre des Affaires étrangères Delcy Rodriguez, une fidèle de M. Maduro qui la surnomme « la tigresse », la Constituante a pour mission de réécrire la Constitution de 1999 promulguée par Chavez. M. Maduro lui a notamment fixé pour mission d’apporter la « paix » et de redresser l’économie en lambeaux de cette nation pétrolière, naguère immensément riche.
L’opposition accuse en revanche le dirigeant socialiste de vouloir accroître ses pouvoirs et prolonger son mandat qui s’achève normalement en 2019.
Installée officiellement vendredi, la Constituante a fait savoir samedi qu’elle siégerait pour une durée maximale de deux ans.
L’élection de la Constituante, il y a une semaine, a été entachée par des violences qui ont fait dix morts, alors que déjà plus de 120 personnes ont été tuées en quatre mois de manifestations contre le gouvernement.
L’un des chefs de l’opposition, Leopoldo Lopez, a été libéré de prison samedi soir, après cinq jours de détention, et de nouveau assigné à résidence à son domicile à Caracas.
M. Lopez avait été initialement placé en résidence surveillée le 8 juillet après avoir passé trois ans et cinq mois à la prison de Ramos Verde. Il y purgeait une peine de près de 14 ans à laquelle il avait été condamné sous l’accusation d’avoir incité à la violence lors d’une vague de manifestations en 2014 contre M. Maduro qui avait fait 43 morts.
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