La guerre russo-ukrainienne, qui a été une source inépuisable de surprises depuis qu’elle a été impétueusement lancée par le président russe Vladimir Poutine en février, a pris un nouveau tournant décisif. La contre-offensive ukrainienne, tant attendue, a infligé une grave défaite aux forces russes.
Bien que le Kremlin et le ministère russe de la Défense soient restés relativement silencieux, la communauté des blogueurs militaires russe, très active et bien informée, complétée par un grand nombre de photos publiées et de conversations interceptées entre les officiers russes sur le terrain, présente un tableau qui témoigne d’une débâcle russe.
Il apparaît maintenant que la relativement limitée contre-attaque ukrainienne dans le sud du pays – destinée à garantir que la Russie ne parviendrait pas à couper l’Ukraine du monde en occupant tout son littoral de la mer Noire – n’a été probablement qu’une opération de leurre visant à inciter les Russes à transférer des renforts de la région orientale du Donbass. Et il semble que d’importantes forces russes aient été redéployées vers le sud de l’Ukraine. Une offensive ukrainienne très bien planifiée et rapide, soutenue par les équipements militaires modernes livrés par les pays de l’OTAN, a créé une surprise totale dans l’est du pays, écrasant de nombreuses unités russes et saisissant d’immenses quantités de munitions, de véhicules militaires et de nombreux prisonniers de guerre russes.
Les forces armées russes ont été largement dépouillées de leur artillerie et leurs rangs ont été clairsemés, laissant les flancs de nombreuses unités sans protection. Les Ukrainiens ont profité de cette situation et on peut maintenant constater que les défenses russes se sont effondrées. Il existe de nombreuses preuves que l’armée d’invasion russe souffre d’un mauvais moral, d’un entraînement et de décisions de commandement médiocres, d’une structure de commandement obsolète et distante, ainsi que d’un manque général de connaissance des exigences d’un combat terrestre intense.
Il est de plus en plus évident que Poutine a commis une grave erreur lorsqu’il a lancé son invasion de l’Ukraine en février avec seulement entre 150.000 et 200.000 soldats – des soldats chargés de réintégrer à la Russie la nation déshéritée de l’Ukraine, qui compte un peu plus de 40 millions d’habitants. Il a entrepris une opération militaire aussi importante que l’offensive d’Hitler à l’ouest de l’Europe en mai 1940. Cependant, l’armée allemande de l’époque comptait beaucoup plus de soldats pour mener cette opération, la Wehrmacht avait été entraînée à un état presque parfait, avait des officiers compétents et était commandée par des généraux légendaires comme Erich von Manstein, Erwin Rommel et Heinz Guderian.
Rien de tout cela n’est comparable à l’invasion russe de l’Ukraine qui, comme le monde entier a pu l’observer, était basée sur la supposition erronée qu’il n’y aurait pas de résistance sérieuse, que des millions d’Ukrainiens ne faisaient que rêver d’être placés sous la juridiction du Kremlin et que, vraisemblablement, la réponse de l’Occident serait mitigée et timorée. Toutes ces suppositions se sont révélées fausses.
L’Ukraine, qui n’a jamais été un pays vraiment distinct dans son histoire, a passé par des occupations successives de son territoire par les Tatars médiévaux, les Lituaniens, les Polonais et les Russes. Aujourd’hui, elle est en train de forger une tradition héroïque à travers une vaillante guerre d’indépendance qui lui permet d’inspirer et de former une tradition patriotique pour une nouvelle nation, même si celle-ci est créée en ayant à sa base un peuple ancien.
Il est vrai, comme l’ont souligné un certain nombre de commentateurs, que le président ukrainien Volodymyr Zelensky est loin d’être un parfait démocrate, qu’il s’est emparé des pouvoirs dictatoriaux – ce qui est habituellement exercé par un gouvernement en guerre – et qu’il n’était pas trop populaire dans son pays avant le début de l’invasion russe. Il est également vrai que son passé de comédien professionnel à succès est, pour le moins, inhabituel pour un chef de guerre efficace. Mais rien de tout cela n’a la moindre importance aujourd’hui. Il a été un brillant galvaniseur de la détermination nationale ukrainienne et un solliciteur très habile de l’aide de la communauté internationale.
De l’autre côté, la communauté Internet des commentateurs militaires russes est extrêmement réprobatrice à l’égard de Poutine et de son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, ainsi que de l’état-major et du commandement russes en général. Les Ukrainiens annoncent haut et fort que les prisonniers de guerre russes seront traités avec beaucoup de respect. Le taux de désertion des militaires russes montre que beaucoup d’entre eux trouvent le statut de prisonnier de guerre plus attrayant que continuer de faire face à la résistance féroce et bien armée des Ukrainiens défendant leur patrie – leur patrie qui était censée se réjouir de l’arrivée des « libérateurs » russes il y a sept mois.
Les Russes semblent avoir subi environ 80.000 pertes et n’ont rien à montrer en échange. Comme la Russie, dont le PIB est inférieur à celui du Canada, paie la facture de tout cela en comparaison à l’Ukraine, dont la quasi-totalité d’équipement militaire moderne est fournie par l’OTAN en forme de don pur et simple, cette guerre devient extrêmement onéreuse pour Moscou. La seule façon pour le Kremlin de remporter une importante victoire serait une mobilisation générale et une épopée patriotique de l’ampleur de la guerre contre l’invasion de la Russie par Hitler en 1941-1945. Toutefois, les masses populaires russes sont aujourd’hui peu disposées à accepter un régime de sacrifice et les dirigeants actuels discrédités n’ont pas l’autorité morale de l’imposer.
Il est certainement temps que certains commentateurs médiatiques occidentaux tels que, par exemple, l’habituellement raisonnable Tucker Carlson de la chaîne américaine Fox News, cessent de critiquer l’assistance militaire occidentale et de faire l’éloge de la Russie. Cette assistance ne génère aucune perte de personnel militaire occidental. Cependant, si la Russie avait réussi à instaurer son contrôle sur l’Ukraine, cela aurait pratiquement réduit à néant la victoire du monde démocratique dans la guerre froide et aurait convaincu une grande partie de la planète que le monde libre en général était en déclin irréversible. Cela aurait également été extrêmement démoralisant pour l’Europe occidentale et, bien que l’Ukraine ne soit pas membre de l’OTAN, cela aurait probablement sonné le glas de cette alliance qui prévoit une riposte collective à l’agression contre l’un de ses membres.
C’est vrai qu’après un début défaitiste de l’administration de Joe Biden, la victoire ukrainienne pourrait être son premier succès à grande échelle. Cependant, son but, ainsi que celui de l’Europe et du reste de l’Occident, ne devrait pas être une humiliation écrasante pour la Russie. Les pays occidentaux devraient œuvrer en faveur d’un référendum honnête dans les zones russophones de l’Ukraine, y compris la Crimée, afin de déterminer si certains d’entre eux souhaitent rejoindre la Russie volontairement.
L’Occident devrait également œuvrer en faveur d’une Ukraine comme nation émergente qui devrait avoir un accès éventuel à l’Union européenne. Bien que n’étant pas membre de l’OTAN, l’Ukraine devrait être un pays dont les frontières sont solennellement et effectivement garanties par l’OTAN et par la Russie. Surtout en tenant compte de l’expérience avec le Mémorandum de Budapest – un accord que l’Ukraine a signé en 1994 avec la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis qui lui ont garanti l’intégrité territoriale et l’indépendance politique en échange de ses armes nucléaires (transférées à la Russie) – un accord qui a été violé par la Russie en 2014 et en 2022.
Cela serait la plus grande avancée pour les forces de la démocratie depuis la dislocation de l’Union soviétique et l’effondrement de son bloc communiste en Europe de l’Est il y a 30 ans. Les médias et les commentateurs isolationnistes ne devraient pas chahuter et mettre en doute, d’une façon ou d’une autre, le combat mené pour la liberté et la sécurité stratégique de l’Occident.
Conrad Black a été, pendant 40 ans, l’un des financiers les plus importants du Canada ainsi que l’un des principaux éditeurs de journaux au monde. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont les biographies des présidents américains Franklin D. Roosevelt et Richard Nixon. Son dernier ouvrage est intitulé Donald J. Trump: A President Like No Other (Donald J. Trump : un président pas comme les autres).
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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