« La mer a bien avancé de trois à quatre mètres en 15 ans » : « Presque chaque jour », Guy Cassou, 76 ans, pêche sur cette plage de Villeneuve-Loubet où, face à l’érosion de la côte, la mairie n’a pas renouvelé les concessions de plages privées.
Recul de 40 cm par an à certains endroits, selon une étude
« Quand il y a des coups de vent d’Est, de plus en plus forts et fréquents, la mer atteint la route et le sable envahit la chaussée », témoigne ce pêcheur amateur, pointant, une quinzaine de mètres derrière lui, la départementale 6098 et juste au-delà la voie ferrée.
Selon une étude du Cerema, établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, la plage reculerait de 40 centimètres par an à certains endroits.
Concessions de trois plages privées non renouvelées
Face à cette situation, « au vu de la forte érosion du littoral qui génère une incertitude avérée en termes de sécurité (…) pour le maintien d’activités balnéaires ou nautiques pérennes », la commune de Villeneuve-Loubet, sur la Côte d’Azur, a décidé, début mars, de ne pas renouveler les concessions de trois plages privées qui arrivent à échéance en décembre.
« Impossible. Si c’était le cas, on serait déjà noyé sous les eaux », rétorque le gérant de l’une des trois concessions concernées qui a racheté l’entreprise il y a un an et se dit « ruiné » : « J’ai payé mon affaire 500.000 euros, et après l’été je dois m’arrêter. Mais qui va rembourser mon crédit ? », se plaint-il, préférant pour le moment rester anonyme.
Protégés des embruns par des planches et des tôles ondulées, le 716, le Beach Klubber et le Mombasa, qui offrent chaises longues et restauration jusque tard dans la nuit en été, sont donc condamnés à fermer, sauf renouvellement de leur concession par l’Etat. Mais « pour l’instant la question de l’occupation du DPM (Domaine public maritime) par les établissements existants n’a pas encore fait l’objet de décisions », a répondu la préfecture des Alpes-Maritimes.
Un autre établissement, le Beach Paradise, n’a lui tout simplement pas rouvert depuis un très fort coup de mer.
Pour le maire (LR) de Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca, « il serait irresponsable de renouveler les concessions pour 12 nouvelles années, alors que clairement le trait de côte recule et que ces établissements sont menacés ».
Un projet de digue abandonné
S’il regrette que son premier projet de digue, initié lors de son premier mandat à la mairie (1995-2001), ait été abandonné par son successeur, M. Luca, à nouveau maire depuis 2014 de cette commune de 16.300 habitants située à 15 km de Nice, déplore également l’arrêt de l’expérimentation d’une digue sous-marine en bambou visant à lutter contre ce phénomène d’érosion de la côte constaté sur toute la façade méditerranéenne.
Développée par la société Biomab, basée à Nice, cette installation consistait en une structure immergée et flottante en bambou, fixée au fond, de 100 m sur 30 m. « De 2018 à 2021, le projet a permis de stabiliser la plage », affirme son directeur, Pierre Farnole. De plus, « la colonisation du récif de bambou par de nombreuses espèces a été rapide », selon Françoise Loques, biologiste et conseillère scientifique des Iles de Lérins.
D’un coût global de 400.000 euros, pris en charge par les collectivités, l’expérimentation s’est arrêtée car « le département ne voulait plus payer l’Autorisation d’occupation temporaire » du Domaine public maritime, assure M. Farnole.
Le maire de Villeneuve-Loubet envisage cependant de renouveler l’opération, confie l’ingénieur, expert sur les techniques douces de protection contre l’érosion marine, pour qui l’idée « est aussi d’intégrer la SNCF », dont la ligne, ouverte en 1870, « souffre aussi des effets de la montée des eaux, les projections de sel endommageant les installations ».
De nouveau mis en évidence par les experts de l’Onu pour le climat (Giec) dans leur synthèse publiée le 20 mars, « les risques pour les écosystèmes côtiers, les personnes et les infrastructures continueront à augmenter au-delà de 2100 en raison de la montée inévitable du niveau des océans ».
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