De violents combats font rage dans le nord de la bande de Gaza, que l’armée israélienne a affirmé avoir coupée en deux, dans la perspective d’y détruire le centre de commandement du Hamas, refusant de céder aux appels de plus en plus pressants à une trêve humanitaire.
Le porte-parole de l’armée israélienne Jonathan Conricus a appelé lundi les civils à quitter le nord de Gaza, affirmant : « nous serons moins limités » pour agir. « Nous serons alors en mesure de démanteler le Hamas, bastion après bastion, bataillon après bataillon, jusqu’à ce que nous atteignions l’objectif ultime, qui est de débarrasser la bande de Gaza – toute la bande de Gaza – du Hamas », a-t-il déclaré dans son briefing matinal.
Les combats au sol s’accompagnent de « frappes significatives », selon l’armée israélienne – 2500 depuis le 27 octobre –, pour déloger des combattants du Hamas retranchés dans un réseau de tunnels. Ces bombardements touchent durement les civils, y compris dans le sud du territoire de 362 km2 où s’entassent 2,4 millions de Palestiniens, soumis aussi à un siège qui les prive d’eau, de nourriture et d’électricité depuis le 9 octobre – après déjà un blocus de plus de 16 ans, depuis l’arrivée au pouvoir en 2007 du Hamas, classé organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël.
L’armée israélienne a de nouveau accusé, lundi sur X, le Hamas de construire des tunnels sous les hôpitaux, les écoles et les lieux de culte pour cacher des combattants et planifier des attaques, une accusation que l’organisation islamiste palestinienne a démentie à plusieurs reprises.
L’ONU réclame « un cessez-le-feu humanitaire immédiat »
Face à un bilan qui s’alourdit de jour en jour, les dirigeants des principales agences de l’ONU ont publié dimanche soir un rare communiqué commun pour exprimer leur indignation. « Nous avons besoin d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat. Cela fait 30 jours. Trop c’est trop. Cela doit cesser maintenant », ont-ils écrit, appelant aussi le Hamas à libérer les plus de 240 otages emmenés dans la bande de Gaza le 7 octobre après son attaque sur le sol israélien qui a déclenché la guerre.
En Israël, plus de 1400 personnes ont péri, majoritairement des civils tués le 7 octobre, lors de l’attaque du Hamas, d’une violence et d’une ampleur inédites depuis la création d’Israël en 1948. Les sirènes d’alerte aux roquettes tirées depuis Gaza ont retenti plusieurs fois dimanche à Tel-Aviv et dans des villes proches du territoire palestinien, et plusieurs roquettes ont été interceptées selon l’armée.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, dont le pays est opposé à un cessez-le-feu qui avantagerait selon lui le Hamas, a répété dimanche « l’engagement des États-Unis pour la livraison d’une aide humanitaire vitale » à Gaza, lors d’une visite impromptue à Ramallah, en Cisjordanie occupée par Israël depuis 1967.
Antony Blinken a aussi appelé à l’arrêt des « violences des extrémistes » contre les Palestiniens en Cisjordanie, où la communauté internationale craint une extension du conflit. Plus de 150 Palestiniens y ont été tués par des tirs de soldats ou de colons israéliens depuis le 7 octobre, selon l’Autorité palestinienne. Devant M. Blinken, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a, lui, dénoncé « la guerre de génocide » menée d’après lui par Israël à Gaza.
Selon Daniel Hagari, un autre porte-parole de l’armée israélienne, les troupes opérant dans Gaza l’ont coupé en deux : « Gaza sud et Gaza nord ». Au moins 30 soldats israéliens ont été tués depuis le début de l’opération terrestre, d’après l’armée.
« Pas de pain, pas d’eau, rien, même pas d’eau salée »
De 300.000 à 400.000 personnes se trouveraient encore dans le nord de Gaza. « La situation est très difficile. Il n’y a pas de pain, pas d’eau, rien, même pas d’eau salée. On a vu des cadavres (sur la route), les enfants avaient très peur », raconte Zakaria Akel qui fuit avec sa famille vers le sud.
En près d’un mois, les bombardements israéliens ont provoqué d’immenses destructions, et le déplacement de 1,5 million de personnes, selon l’ONU. « On n’a rien pour fouiller et dégager les décombres donc les gens meurent et, nous, on ne peut que regarder », se lamente Saïd al-Najma, dans le camp de réfugiés de Maghazi, dans le centre de Gaza, où plus de 30 personnes ont été tuées dans un bombardement samedi soir, selon le Hamas.
« Je pleurais en voyant les enfants des autres mourir derrière mon appareil photo, aujourd’hui c’est moi qui ai perdu mes enfants », témoigne le photographe de presse Mohammed al-Aloul, qui y a perdu quatre enfants, quatre frères et plusieurs de ses neveux et nièces. Au Liban, un journaliste a également perdu quatre membres de sa famille, dont trois enfants, dans une frappe israélienne contre la voiture dans laquelle ils circulaient.
Le Hezbollah libanais tire des roquettes
Peu après, le Hezbollah libanais, pro-iranien et allié du Hamas, a annoncé avoir tiré des roquettes Katioucha sur Kiryat Shmona, dans le nord d’Israël, en représailles. Alors que les échanges de tirs quotidiens à la frontière avec le Liban font craindre un débordement du conflit, M. Conricus a affirmé dimanche sur la chaîne CNN que la position israélienne « a été très défensive. Nous n’avons fait que répondre aux attaques du Hezbollah ». Depuis le 7 octobre, 81 personnes ont péri du côté libanais, selon un décompte de l’AFP, dont 59 combattants du Hezbollah. Six soldats et deux civils ont été tués du côté israélien.
Dans le sud de la bande de Gaza, près de la frontière avec l’Égypte, des centaines de milliers de personnes sont massées dans des conditions très précaires. Cette frontière s’est ouverte partiellement le 21 octobre pour laisser transiter des convois humanitaires via le point de passage de Rafah. Au total, 451 camions l’ont traversé à la date de samedi, selon l’ONU. Plusieurs centaines d’étrangers, de binationaux et de blessés (1100 selon l’ONU) ont également pu quitter Gaza via Rafah la semaine dernière. Mais ces évacuations sont suspendues depuis samedi après qu’Israël a refusé d’autoriser l’évacuation de certains Palestiniens blessés, ont déclaré des responsables égyptiens et palestiniens.
Le roi de Jordanie a annoncé le largage tôt lundi matin d’une aide médicale d’urgence à Gaza, destinée à un hôpital de campagne jordanien. « C’est notre devoir d’aider nos frères et sœurs blessés », a-t-il ajouté, louant « les membres intrépides de l’armée de l’air » jordanienne.
Dimanche, le président turc Recep Tayyip Erdogan a indiqué que son pays « travaillait en coulisses » avec ses alliés régionaux pour tenter de garantir un flux ininterrompu d’aide humanitaire. Dénonçant « le massacre immoral » à Gaza, il a coupé tout contact avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu et rappelé l’ambassadeur d’Ankara en Israël. Il a aussi décidé de ne pas rencontrer M. Blinken, attendu lundi à Ankara.
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