ENTRETIEN – La présidente fondatrice de Futurae éducation et ancienne première vice-présidente des Républicains, Virginie Calmels répond aux questions d’Epoch Times sur le projet de loi de finances présenté par Michel Barnier, le rapport de la droite française au libéralisme et la politique menée par Javier Milei depuis un an en Argentine.
Epoch Times : Virginie Calmels, vous avez critiqué à de multiples reprises le projet de loi de finances 2025 de Michel Barnier, affirmant qu’il n’était pas « de droite ». Pour vous, ce budget était-il trop axé sur les hausses d’impôts et pas suffisamment sur la baisse des dépenses publiques ?
Virginie Calmels : Oui, tout à fait. D’abord, rappelons la situation dans laquelle se trouve la France. Notre dette publique a dépassé 3000 milliards d’euros et le taux de prélèvements obligatoires représente 48 % du PIB. Ce n’est pas tenable ! Nous sommes dans les pires ratios au niveau européen.
Par ailleurs, un certain nombre d’économistes, tout comme les expériences passées, ont prouvé qu’au-delà d’un certain seuil de prélèvements obligatoires, l’augmentation des impôts est inutile et conduit inéluctablement à une baisse des recettes fiscales.
Il était donc évident que ni la hausse de la dette, ni celle des prélèvements obligatoires ne constituaient des pistes sérieuses.
À mon sens, la seule et unique voie à emprunter pour tenter de répondre à court terme à l’assainissement de nos comptes publics était celle de la baisse des dépenses publiques. En tant que chef d’entreprise, j’ai fait une proposition en la matière que je détaillerai après.
Avoir des comptes à l’équilibre est aujourd’hui une nécessité. C’est le fondement même de la politique. Sans marge de manœuvre budgétaire, nos dirigeants ne peuvent pas réellement gouverner.
Comment expliquez-vous qu’un Premier ministre issu de la droite ait présenté un budget de ce type ?
Historiquement, la droite française n’a jamais été libérale sur le plan économique, sauf quand Édouard Balladur était à Bercy et Alain Madelin à l’Industrie de 1986 à 1988. Mais il est vrai que la droite chiraquienne, dont est issu Michel Barnier, n’a jamais prouvé son attachement au libéralisme, c’est le moins que l’on puisse dire.
Cependant, à la décharge de Jacques Chirac, la situation, à son époque, n’était pas la même. Les taux de prélèvements obligatoires étaient plus bas et la dette moins élevée.
Quoi qu’il en soit, nous vivons dans un pays qui a une approche assez socialiste de l’économie, considérant que l’État doit être au cœur de tout, de manière presque automatique avec une économie dopée à la dépense publique.
Ce courant libéral n’est-il pas représenté aujourd’hui au sein de LR ? On parle souvent de David Lisnard…
Après la défaite de François Fillon, j’ai été numéro deux des Républicains. À l’époque, j’y suis allée en disant que la droite devait se reconstruire dans toutes ses composantes, c’est-à-dire les libéraux, les gaullistes sociaux, les souverainistes, etc.
Cet objectif était clairement énoncé. C’était le seul moyen de constituer une alternative de droite en cas d’échec d’Emmanuel Macron. Nous avons vu le résultat…
Laurent Wauquiez, alors président de LR, n’a pas respecté notre accord de rebâtir avec les conservateurs et les libéraux, rétrécissant LR à sa propre ligne. Par conséquent, en juin 2018, j’ai abandonné mes fonctions de première vice-présidente de LR.
Pour ma part, j’avais participé activement au développement du courant libéral à droite et je suis très heureuse de voir qu’aujourd’hui David Lisnard l’incarne au sein de son parti lancé en 2021, Nouvelle Énergie.
Chez les Républicains, je n’ai pas l’impression que grand monde s’en saisisse. C’est l’un des drames de la droite française aujourd’hui qui, de fait, ne se démarque pas de la politique menée en matière de dépenses publiques.
À l’étranger, des expériences libérales voient ou vont voir le jour, que ce soit en Argentine avec le président Javier Milei, ou aux États-Unis, avec le département de l’efficacité gouvernementale dont Elon Musk et Vivek Ramaswamy auront la charge. Ces politiques peuvent-elles être une source d’inspiration pour la France ?
Je pense que la France devrait sortir de son arrogance, arrêter de dire qu’elle fait tout mieux que tout le monde et regarder ce qui se fait ailleurs. Même si la situation en Argentine n’est évidemment pas la même qu’en France, la politique mise en œuvre par Javier Milei depuis un an est tout à fait intéressante. Beaucoup des résultats obtenus sont positifs. L’inflation a été drastiquement réduite. Elle est passé de 125 % à moins de 20 %.
En supprimant le blocage des loyers, il a remis de l’air dans le système et donc, mécaniquement, il y a eu une augmentation du nombre d’appartements à louer. Je note également qu’il est parvenu à présenter un budget en excédent. Il a donc tourné la page du péronisme et derrière, il y a des résultats. Son style peut parfois être théâtral, mais ses réformes fonctionnent. D’ailleurs, je ne suis pas surprise par l’efficacité de sa politique. Des politiques similaires ont été menées par le passé, notamment aux États-Unis sous Ronald Reagan et les résultats ont été spectaculaires.
En France, notre système, dans sa globalité est à bout de souffle, et on ne cherche toujours pas à changer de cap.
Le débat sur la dernière réforme des retraites a prouvé à quel point nous sommes conservateurs, pour ne pas dire timorés. Nous ne voulons rien changer. L’ensemble du spectre politique, de la gauche jusqu’à la droite, partait du postulat qu’il fallait sauver le régime par répartition.
Pourtant, notre situation démographique actuelle démontre que ce régime est dépassé et infinançable. C’est précisément le régime des retraites qui pèse très lourdement sur les comptes publics et le déficit budgétaire.
Ainsi, il serait intéressant d’ouvrir le débat sur un nouveau système qui pourrait introduire une part de capitalisation. Évidemment, dès que l’on prononce ce mot, certains poussent des cris d’orfraie et pensent directement à des fonds de pension anglo-Saxons, mais la réalité est tout autre.
Ce système pourrait s’opérer avec des fonds français.
Ce débat doit avoir lieu. Je déplore que ce ne soit pas le cas aujourd’hui alors que le sujet des retraites est structurant dans nos comptes publics à terme. Nous mentons aux Français en leur faisant croire que la hausse de l’âge du départ à la retraite changera quoi que ce soit.
Le système par répartition, tel qu’il existe et compte tenu de la démographie, présentera toujours un problème de financement. Encore une fois, le système est à bout de souffle, il faut le remettre à plat.
Vous parlez du manque de volonté de nos dirigeants, mais n’est-ce pas lié également au fait que les Français rejettent en général les mesures libérales ?
Je ne pense pas. Un jour, j’ai échangé sur un plateau TV avec une jeune militante LFI qui soutenait la capitalisation sans le savoir !
Par ailleurs, la semaine dernière, je débattais face à Alexis Corbière sur BFMTV. Je proposais une mesure concrète de suppression de 40 milliards d’aides directes discrétionnaires souvent inutiles en les transformant en 20 milliards de baisses de charges immédiates qui augmenteraient instantanément le net de tous les salariés et 20 milliards de réduction du déficit.
Mais j’avais en face de moi, un parlementaire de gauche qui n’écoutait ou ne comprenait pas ce que je disais. Il m’a dit que cela impacterait le financement de la Sécurité sociale, alors que je lui disais précisément que c’était financé en prenant l’argent ailleurs !
En réalité, outre le sectarisme, il y a, au sein de la classe politique, et certainement dans la population, un manque de culture économique terrible, sans volonté d’écouter les chefs d’entreprises qui sont pourtant confrontés quotidiennement au réel.
Il n’y a également pas suffisamment d’espace de pédagogie sur certains concepts économiques et je le regrette profondément.
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