ANALYSES

Wikipédia, entre fiabilité participative et manipulation de contenus

octobre 29, 2024 6:13, Last Updated: novembre 11, 2024 23:44
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Wikipédia est une ressource formidable pour ceux qui sont conscients de ses lacunes. Elle fournit un service en apportant au grand public une multitude d’informations avec une présentation facile à comprendre.

Mais un problème se pose lorsque les gens prennent tout ce qu’ils lisent sur Wikipédia pour la vérité, sans se poser de questions. Bien que l’un des « cinq piliers » de Wikipédia – c’est-à-dire l’un des principes fondamentaux sur lesquels ses créateurs affirment que la plateforme fonctionne – consiste à aborder tous les sujets « d’un point de vue neutre », ce n’est pas toujours le cas.

Wikipédia avoue lui-même qu’il n’est pas une source d’information fiable et un de ses cofondateurs dénonce que son contenu s’est déplacé de plus en plus à gauche ou à l’extrême gauche sur les sujets toujours d’actualité. L’encyclopédie en ligne est aussi utilisée par des groupes d’influence comme la Chine et la Russie pour avancer leur propagande en Occident.

Fonctionnement de Wikipédia

Wikipédia est « l’encyclopédie que tout le monde peut éditer », une œuvre collective dont l’idée fondatrice est de constituer d’immenses communautés distantes fondées sur le partage, pour permettre l’émergence d’une « sagesse des masses » et la diffusion de connaissances.

Wikipédia compte environ 125.000 rédacteurs bénévoles actifs qui travaillent sur des articles, produits de manière participative (crowdsourcing), et plus de 1000 « administrateurs » qui peuvent bloquer les comptes ou restreindre les modifications sur certaines pages.

Les contributeurs de Wikipédia sont hiérarchisés, l’opinion de ceux dont la présence et l’activité sur le réseau sont les plus anciennes priment sur celle des arrivants récents. Ce mécanisme a été prévu pour bloquer les tentatives de manipulation d’informations par de nouveaux entrants, avec différents échelons de contrôle et de débat, ultimement arbitrés par l’utilisation de sources externes, même si elles peuvent être biaisées politiquement.

Ce système, reprochent cependant des contributeurs déçus, ne règle pas la question de la formation et des biais, car sur des sujets sensibles, les anciens contributeurs, très sollicités, peuvent trancher et même expulser des contributeurs sans avoir à se justifier. En 2017, l’Université Purdue, aux États-Unis, avait rapporté qu’1 % des éditeurs de Wikipédia avait réalisé près de 80 % des modifications dans les articles.

« Wikipédia n’est pas une source fiable »… selon les éditeurs de Wikipédia

Wikipédia peut alimenter un système d’informations erronées, faussement marquées du sceau de la véracité, sans que plus personne ne sache au final qui a, au départ, vérifié leur authenticité.

Les éditeurs de Wikipédia écrivent eux-mêmes, sur la page anglaise intitulée « Wikipedia is not a reliable source » que « toute information qu’il contient à un moment donné peut être le résultat de vandalisme, d’un travail en cours, ou tout simplement être erronée. Les biographies de personnes vivantes, les sujets qui se trouvent être dans l’actualité, et les sujets politiquement ou culturellement controversés sont particulièrement vulnérables à ces problèmes. »

Dans leur article, Wikipédia rappelle les éléments constitutifs de son fonctionnement : une encyclopédie participative, gérée en grande partie par des contributeurs bénévoles en s’alimentant principalement d’informations en ligne – raison pour laquelle, explique Wikipédia « de nombreuses erreurs passent inaperçues pendant des jours, des semaines, des mois, des années, voire une décennie ».

En 2012, une étude menée par la professeure Marcia DiStaso de l’université Penn State a montré que jusqu’à 60 % des articles de Wikipédia contenaient des erreurs factuelles. L’étude a été menée en collaboration avec le Public Relations Journal, qui a interrogé 1284 membres pour voir si les entrées de leurs clients étaient exactes. En effet, n’importe qui, sans formation journalistique ou cherchant à orienter certaines informations, peut contribuer à l’encyclopédie.

« Wikipédia, plus partisan que jamais », selon un de ses cofondateurs

« Wikipédia a fait un réel effort de neutralité pendant, je dirais, ses 5 premières années environ », a expliqué Larry Sanger lors d’une interview avec Epoch Times. « Et puis… a commencé un long et lent glissement vers ce que j’appellerais la propagande de gauche. »

M. Sanger estime que depuis 2016, toute personne « de droite » ou « même anticonformiste » se retrouve généralement avec un article sur Wikipédia qui « déforme grossièrement ses réalisations, omet souvent des parties essentielles de son travail et déforme ses intentions ».

Wikipédia « les fait passer pour des théoriciens du complot, des extrémistes de droite ou autres, alors que ces personnes elles-mêmes ne se décriraient jamais de cette façon, ni leurs amis ou les gens qui les connaissent bien », dit-il.

Larry Sanger a déclaré que l’encyclopédie en ligne est « plus partisane que jamais ». Il a désapprouvé la manière dont certaines informations de Wikipédia sont sourcées. « En bref, et à quelques exceptions près, seules les sources mondialistes et progressistes – et les sources favorables au progressisme mondialiste – sont autorisées », a-t-il écrit dans un article sur son site Web.

« Plus récemment, ils se sont débarrassés de presque toutes les sources d’informations conservatrices comme références pour leurs articles », explique-t-il. « Et donc, à mesure que les médias d’information ont évolué, et que l’establishment, concrètement, s’est déplacé plus à gauche ou à l’extrême gauche, le contenu de Wikipédia a suivi le mouvement. »

« Il n’est pas exagéré de dire que Wikipédia, comme beaucoup d’autres institutions profondément biaisées de notre monde numérique, s’est transformée en une sorte de police de la pensée », écrit M. Sanger sur son site web. « La démocratie ne peut pas prospérer dans de telles conditions : je maintiens que Wikipédia est devenue l’adversaire d’une démocratie solide. »

Selon lui, la démocratie « exige que les citoyens reçoivent toute la gamme des opinions sur les questions controversées, afin qu’ils puissent se faire une opinion par eux-mêmes ».

Le « business » de la manipulation des contenus



« Une opération d’intox réussie se compose de 90 % d’informations valables pour un petit dixième de désinformation » rappelle l’Observatoire du Journalisme, dans un article dédié à l’encyclopédie participative.

Dans un article publié par le JDN, Nicolas Arpagian, de l’Institut Diderot, dissèque le fonctionnement d’iSTRAT, une société parisienne spécialiste en manipulation d’information : celle-ci, avec seulement une dizaine d’employés, a créé des centaines de profils d’éditeurs sur Wikipédia ainsi que des dizaines d’identités fictives d’experts. Ces faux experts, dotés de leurs comptes Linkedin et Twitter, créent progressivement une image jusqu’à ce que celle-ci leur permette de publier des tribunes dans de grands médias. Leur collègues actifs sur Wikipédia peuvent alors reprendre ces informations comme des « références indépendantes » et modifier à leur gré les articles Wikipédia visés par leur client.

En 2019, Google a été accusé d’avoir indiqué « nazisme » comme idéologie d’un des partis en course pour les primaires de Californie. Google a déporté la faute sur Wikipédia, expliquant que la « boîte de connaissances » de Google s’alimente des textes de l’encyclopédie. Cette information est restée pendant six jours avant d’être corrigée et, bien sûr, influencer l’opinion.

Des responsables de l’agence de relations publiques Bell Pottinger ont déclaré au journal britannique The Independent qu’ils avaient fait éditer des entrées Wikipédia pour le compte de gouvernements, comme celui de l’Ouzbékistan, qui avaient un piètre bilan en matière de droits de l’homme.

Sur de nombreux sujets pour lesquels la bataille de l’opinion est importante, Wikipédia est devenu manifestement une arène pour de profondes tentatives de désinformation, menées aussi bien par des entreprises que par des nations comme la Russie et la Chine.

Des professionnels rodés aux pratiques de contrôle de Wikipédia ont développé les moyens de les contourner en créant un système de « références cycliques » qui pour les plus puissants manipulateurs peut impliquer de réussir à s’infiltrer dans de grands médias, pour ensuite modifier de façon durable l’information de Wikipédia.

Apprendre à s’informer

SI Wikipédia est un excellent outil de savoir sur de nombreux sujets, il n’est pas une source d’information fiable sur ce qui touche à l’actualité.

Personne ne peut faire l’économie d’une analyse critique sur tous les sujets. Pour éviter d’être désinformé, il faut apprendre à bien s’informer, avoir un esprit critique, identifier ses propres biais cognitifs, et vérifier la fiabilité et l’indépendance d’une source d’information médiatique. Aujourd’hui, il faut avoir à l’esprit que beaucoup de grands médias, de blogs et de sources secondaires suivent une ligne progressiste, se politisent et ne montrent pas la diversité des opinions existantes.

Dans un article scientifique de la revue Journal of Media Practice, des scientifiques finlandais ont conclu que le monde journalistique est victime « de la croyance sans sens critique en la véracité des sources officielles et de la réutilisation cynique du contenu publié par d’autres médias. »

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