Numérisation, digitalisation, robotisation : autant de phénomènes en cours qui, à défaut de toucher toutes les entreprises, pour le moment, sont décrits comme porteurs de bouleversements majeurs sur le travail. Certains prospectivistes envisagent ce qu’ils qualifient de « fin du travail », légitimant des propositions telles que le « revenu universel », popularisé par le candidat socialiste à l’élection présidentielle.
La réalité est sans doute plutôt celle d’une évolution, plus ou moins forte, du travail (selon l’OCDE, seuls 9 % des emplois actuels seraient menacés à terme par la robotisation, chiffre à comparer aux nouveaux emplois créés). En ce qui concerne les créations d’emplois, les chiffres associés au déploiement de la 5G à partir de 2020 sont plus qu’enthousiasmants (nous n’évoquerons pas ici les aspects sanitaires, pourtant essentiels, sans doute trop souvent minimisés et qui nécessiteraient bien plus qu’une tribune).
Une récente étude du cabinet anglais IHS Markit envisage la création de 22 millions d’emplois au niveau mondial d’ici 2035, en lien direct avec le développement de la 5G.
Vers la vraie révolution numérique ?
Annoncée régulièrement, sans que de réels bouleversements ne lui soient associés, la véritable révolution numérique est peut-être sur le point d’émerger avec la 5G. Ses effets sur l’industrie s’annoncent colossaux.
Prévue pour fin 2020, après un premier test dès les prochains Jeux olympiques de 2018 à Pyeongchang, la 5G doit proposer une performance globale des réseaux 1 000 fois supérieure à leur performance actuelle.
Au-delà du débit et de la rapidité d’accès aux données, la technologie devrait favoriser le développement de services encore au stade des balbutiements aujourd’hui : domotique, réalité virtuelle, conduite à distance, objets connectés… : une véritable relance, voire la réunion de conditions d’émergence, pour plusieurs industries d’avenir. On comprend mieux dès lors les chiffres avancés au moment d’évaluer les impacts sur l’économie mondiale.
Pas de moins de 12 000 milliards d’euros de retombées économiques au niveau mondial doivent accompagner la création des 22 millions d’emplois évoqués plus haut, toujours selon le cabinet IHS Markit, chiffres faisant l’objet par ailleurs d’un large consensus.
Des effets réels à relativiser
Comme pour toute (r)évolution technologique, les impacts associés à la 5G ne seront bien sûr pas les mêmes pour tous les secteurs d’activités, ni pour toutes les entreprises au sein d’un même secteur (certains parviennent toujours à mieux tirer leur épingle du jeu).
Au-delà des opérateurs télécoms, le premier secteur qui bénéficiera des retombées de la 5G, et de loin, sera l’industrie manufacturière (3 364 milliards de dollars de retombées économiques). La vente, les services publics ou la construction en bénéficieront également massivement.
En ce qui concerne les pays, des inégalités se dessinent déjà compte tenu des investissements réalisés ou prévus, même si ces chiffres peuvent toujours évoluer. Derrière la Chine, les États-Unis, et plusieurs autres pays (Japon, Corée du Sud, Finlande, Suède, Allemagne…), la France ne se prépare que modestement et souffre d’un réel déficit d’investissements publics, notamment par rapport à un pays voisin comme l’Italie. L’étude table sur 85 milliards de revenus et 400 000 nouveaux emplois d’ici à 2035 pour notre pays (contre 3 500 milliards de revenus pour la Chine et 719 pour les États-Unis).
Toujours difficile à évaluer, l’impact des investissements publics n’est, de plus, pas toujours celui qui était escompté. Certains investissements semblent pourtant moins aléatoires que d’autres. À en croire les chiffres évoqués plus haut, il semble difficile, voire dangereux, de ne pas réagir dès aujourd’hui.
Ce qui est vrai pour les pouvoirs publics (dont dépend une partie essentielle des investissements) l’est également pour les entreprises. Une telle suggestion ne serait bien sûr pertinente qu’une fois les aspects sanitaires (liés notamment aux effets des ondes émises, en lien avec la multiplication des antennes relais) évalués avec précision, si toutefois les conclusions vont bien dans le sens d’impacts réduits. Ici réside une première étape à la fois essentielle et urgente.
Hugues Poissonnier, Professeur d’économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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