« Merci la France ! »: à Calais, ultime étape avant l’Angleterre, les réfugiés ukrainiens saluent la solidarité dont ils bénéficient, entre hébergement, aide de la population et services consulaires britanniques. Un accueil dont les migrants non-européens, dans les camps avoisinants, rêvent de profiter un jour.
Après des heures de route depuis la Slovaquie, Ihor Krainyk souffle enfin. Arrivé à Calais (nord de la France), il a pu dormir et manger au chaud, en famille, loin de la guerre.
« C’est très bien organisé ici, merci la France ! », lance ce quinquagénaire grisonnant. Ouvrier du bâtiment, il travaille à Londres. Mais il est parti en début de semaine récupérer sa femme et sa fille, qui ont fui les bombes et les combats, à la frontière slovaque.
Hébergés avec une soixantaine d’autres Ukrainiens par la mairie de Calais
« Quand on est arrivés à Calais mercredi, on avait conduit non-stop pendant plus de 24 heures », raconte-t-il. « Au port, les douaniers britanniques nous ont dit que moi, je pouvais rentrer en Angleterre. Mais pas ma femme ni ma fille… Et on s’est retrouvés là, épuisés, sans savoir où aller ».
Les réfugiés ukrainiens qui fuient la guerre vont-ils se retrouver avec les autres réfugiés de toutes origines qui fuient la guerre et se retrouvent maltraités à Calais ?
Cet homme vient d’y répondre et c’est une honte pour l’humanité.
2 salles 2 ambiances. #Ukraine #refugies https://t.co/nZP5LCOiIH— Sarah Frikh (@sarahfrikh) February 27, 2022
« Heureusement, les gens ont été très accueillants, et nous ont dit de venir dormir ici », poursuit-il.
Ils sont hébergés avec une soixantaine d’autres Ukrainiens par la mairie de Calais dans une auberge de jeunesse spécialement ouverte depuis lundi, un épais bâtiment en béton au milieu d’immeubles.
« J’ai voulu payer, et on m’a dit +non+ », dit Aleksandra, une énergique quinquagénaire en doudoune grise métallisée. « On est vraiment accueillis ».
Les habitants ont apporté des produits de première nécessité
Dès jeudi soir, des habitants des environs ont apporté des produits de première nécessité, comme des vêtements, des couches, des biberons, des produits de soins et des jouets.
Face à l’afflux attendu à Calais, les autorités britanniques ont aussi dépêché des fonctionnaires, qui reçoivent les demandeurs d’asile à la sous-préfecture. Mais uniquement les Ukrainiens.
Toutes les deux heures, des centaines de réfugiés ukrainiens arrivent en train à #Berlin.
10 000 personnes ont ainsi foulé le sol allemand ce vendredi, indique Anne Maillet, notre correspondante pic.twitter.com/8Xa4NwqgH9
— FRANCE 24 Français (@France24_fr) March 5, 2022
Les premiers arrivés sur place, une famille de neuf adultes, ont même été reçus par la maire de la ville, Natacha Bouchart (LR), en début de semaine.
Un traitement qui a ému parmi les militants locaux et sur les réseaux sociaux, dans une ville où les migrants venus du Soudan, d’Érythrée, d’Afghanistan ou encore de Syrie, sont installés dans des conditions souvent dramatiques et régulièrement chassés par les forces de l’ordre.
Les Ukrainiens sont en situation régulière
« La grosse différence, c’est que les Ukrainiens sont en situation régulière », réplique la maire.
Elle pointe le fait que l’Union européenne a accordé jeudi une « protection temporaire » inédite aux réfugiés fuyant la guerre en Ukraine.
Le PDG de la @SNCF Jean-Pierre Farandou, a annoncé que les réfugiés ukrainiens pourront « circuler gratuitement en France à bord des TGV et Intercités »@Hedi_Lim pic.twitter.com/KxBLgGNKh9
— Les Répliques (@Les_Repliques) March 3, 2022
« C’est génial de voir tout cela se mettre en place », se réjouit François Guennoc, de l’Auberge des migrants, une coalition d’associations venant en aide aux exilés.
« Mais on aimerait que tous ceux qui fuient la guerre soient traités ainsi. Si les autorités britanniques ouvrent un bureau à Calais, pourquoi serait-il réservé aux Ukrainiens ? » s’interroge-t-il. « Un réfugié, c’est un réfugié, il ne devrait pas y avoir de discrimination ».
« Chez nous aussi, il y a la guerre, des milices »
A quelques pas de l’auberge, un groupe de Soudanais avale un repas froid sur un bloc en béton, guettant un poids lourd à bord duquel se cacher pour rallier le Royaume-Uni.
« Chez nous aussi, il y a la guerre, des milices », souligne Omar, 33 ans, arrivé du Darfour il y a quelques mois. « Nous aussi on voudrait aller en Angleterre, mais ici on souffre. Chaque matin la police vient nous faire déplacer nos tentes ».
Réfugiés ukrainiens, ils racontent leur périple interminable pour arriver en France (@NelsonGetten) pic.twitter.com/GwXTSQsWab
— 22H MAX (@22hMax) March 2, 2022
« Nous sommes Noirs, Africains, c’est peut être pour ça », avance-t-il.
Parfois « illogique » cette politique migratoire
Mais même pour les Ukrainiens, l’accueil ne sera pas illimité. Les visas britanniques ne seront délivrés qu’à ceux qui ont des proches au Royaume-Uni. Et pour eux, les démarches restent floues et complexes.
Oksana Savchenko, une Britannique d’origine ukrainienne, s’est ainsi rendue à Calais pour faire des papiers pour sa sœur, actuellement hébergée en Pologne avec son bébé.
« Elle a le droit de venir… Mais on ne sait même pas où lui dire d’aller pour déposer une demande de visa. On attend le rendez-vous, à Paris ou à Bruxelles », dit-elle, jugeant « illogique » cette politique migratoire.
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