Les yeux brillants, les corps vibrants, ils dansent, intensément, bouleversant les spectateurs : dans « Bach Nord », des jeunes des quartiers populaires de Marseille emmenés par la chorégraphe Marina Gomes font voler en éclats les préjugés qui réduisent leur vie au narco-banditisme.
« Les jeunes des quartiers ne sont pas bons qu’à traîner, il y en a qui sont réveillés et qui essaient de s’en sortir », souligne Dexter, 20 ans, avant d’entrer sur la scène du théâtre de la Sucrière, avec une vingtaine d’adolescents et jeunes adultes, habitant, comme lui, les « quartiers Nord » où furent construites dans les années 1960 de grandes cités.
« Bach Nord » une création présentée au festival de Marseille
Dimanche et lundi soir, avec les danseurs de la compagnie Hylel qui les suivent durant l’année en atelier, ces « étoiles du Nord » ont présenté la création « Bach Nord » au Festival de Marseille, l’un des grands rendez-vous de la danse contemporaine dans le sud-est de la France.
« Les jeunes de cités sont souvent déshumanisés : c’est une espèce d’entité fantasmagorique qu’on utilise souvent pour faire peur et dont on oublie qu’elle est composée d’humains qui méritent d’être regardés en tant que tels », souligne la chorégraphe Marina Gomes.
[itw] Marina Gomes : « Je veux faire de la danse qui crée un pont entre les quartiers et les autres milieux sociaux » https://t.co/drskMjwxpv La chorégraphe est la découverte du début du @FDanseMarseille. pic.twitter.com/gGqdsnkqkQ
— sceneweb (@sceneweb) June 19, 2023
Formée à la danse contemporaine et classique au Conservatoire de Toulouse, ville où elle habita un temps dans le quartier populaire du Mirail, danseuse de hip-hop, diplômée de psychologie, animatrice d’ateliers en Colombie pour aider les jeunes à ne pas tomber dans le narcotrafic, puis installée à Marseille, Marina Gomes a toujours navigué entre plusieurs mondes.
Et rejette les histoires trop souvent véhiculées sur les jeunes des cités. Lesquelles, comme le soulignait la romancière nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, « privent les gens de leur dignité », en cantonnant les pauvres seulement à leur pauvreté, l’Afrique à un continent de catastrophes… Ou les quartiers Nord de Marseille au banditisme, comme dans le film « BAC Nord », regrette Marina Gomes.
Sorti en 2021, il suit, en adoptant leur point de vue, des policiers de la brigade anticriminalité (BAC), dont certains seront condamnés (en réalité) à de la prison avec sursis pour des vols et dérives. « Comme si les habitants des quartiers Nord de Marseille ne méritaient pas une police qui respecte la loi parce qu’ils seraient trop sauvages, trop bandits », regrette la chorégraphe.
« Ecoute Bach pour éviter la BAC »
Pour répondre au film, elle a imaginé, avec les jeunes, « Bach Nord », autour d’une composition musicale d’Arsène Magnard inspirée de la sonate pour violon n.1, BWV 1001, du compositeur allemand Jean-Sébastien Bach (1685-1750). « Un tag m’y a fait penser : « Ecoute Bach pour éviter la BAC », raconte-t-elle.
Jouée à la guitare sur scène, la sonate s’enrichit de rythmes « drill » (forme de rap teinté d’électro) et de « shatta » (style musical des Antilles).
Les danseurs, qui rappellent parfois le chœur des tragédies grecques, n’y occultent pas la violence – plus de 20 personnes, en majorité des jeunes, ont été assassinées depuis le début de l’année à Marseille, victimes des guerres pour le contrôle du narcotrafic –. Mais ils y dansent aussi la créativité, les rêves, et, de leur collectif soudé, ressort une énergie impressionnante.
Marina Gomes a grandi dans la cité du Mirail à Toulouse. Chorégraphe et danseuse d’« Asmanti » et « Bach Nord », diptyque présenté les 18 et 19 juin au Théâtre de la Sucrière, elle évoque ces deux pièces qui racontent la vie des quartiers.https://t.co/oo9ZCsOfAS
— La Marseillaise (@lamarsweb) June 16, 2023
« Plein de jeunes s’en sortent grâce à leur passion, leurs études, en découvrant de nouveaux mondes ; je viens du même lieu que ces jeunes et je voyage dans le monde entier, il faut casser les murs », insiste Mamadou Ndoye, 31 ans, un des danseurs professionnels du spectacle.
La danse « libère »
Pour Dexter, la danse « libère »: « Si on a de la haine en soi, ou de la tristesse, ça nous rend joyeux, on oublie les problèmes ».
« C’est très important que ça se fasse dans les quartiers Nord, parce que c’est ici qu’on a le plus gros potentiel, la culture hip-hop est partie de Harlem, d’un des endroits les plus pauvres » au monde, insiste Pierre Zeltner-Reig, un autre danseur professionnel.
Le public, venu de tout Marseille, a longuement ovationné « Bach Nord »: une « joie » pour Wiame Ez Zahy, une des danseuses âgée de 13 ans : « Les gens disent que les quartiers Nord c’est mal, que toutes les personnes de là-bas sont les mêmes. (…). En vérité, avant de dire n’importe quoi, connaissez-les (les gens des quartiers Nord), jugez pas sans savoir ! . »
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