Le jour point timidement à l’horizon et Shafiq s’affaire déjà derrière la vitrine de sa petite boulangerie de Kaboul, où chacun met la main à la pâte : en Afghanistan, le pain est une œuvre collective, célébrée par tous à chaque repas.
Ici on n’entre pas. Le vendeur trône au milieu de ses galettes, assis en hauteur et prêt à tendre la main pour être payé à travers la fenêtre.
Les grands pains sont accrochés au-dessus de lui, ronds, ovales ou longs semblables à une pirogue. Les plus petits sont soigneusement disposés les uns sur les autres, derrière la devanture.
3.500 pains par jour
« Pour faire un pain, il faut huit à 10 personnes », explique Shafiq, vendeur depuis cinq ans dans cette minuscule boulangerie de la capitale afghane, qui écoule environ 3.500 pains par jour.
« La consommation peut augmenter mais jamais elle ne faiblira », assure-t-il, le pain étant un incontournable de la table afghane mais aussi le seul aliment que peuvent se permettre de nombreux habitants frappés de pauvreté.
Chacun a sa tâche: l’un prépare la pâte, l’autre la coupe et un troisième en fait une boule qu’il pèse ensuite.
Elle sera plusieurs fois aplatie, par plusieurs mains, avant de finir étalée sur un coussin. A côté du four, un boulanger jette les galettes contre les parois et un autre les récupère une fois dorées à l’aide d’une pique.
« A la fin, il reste le vendeur près de la fenêtre et deux employés supplémentaires pour soutenir l’équipe si nécessaire », explique Shafiq, qui n’a pas souhaité donner son patronyme.
« Une tradition très ancienne en Afghanistan »
Il énumère ses spécialités: miches à l’huile, légèrement sucrées, fines ou double épaisseur, à la farine de pois chiche… Elles sont cédées pour 10 afghanis (0,14 centimes d’euros) et jusqu’à 50 afghanis (68 centimes) pour les plus qualitatives.
« Avoir une grande variété de pains est une tradition très ancienne en Afghanistan », dit Shafiq.
« Un repas sans pain c’est un repas incomplet », lance Mohammad Masi, 28 ans, qui a fait un saut à vélo pour chercher « l’un des mets les plus célèbres et aimés d’Afghanistan ».
Les boulangeries parsèment les quatre coins de Kaboul, visibles de loin car souvent plus éclairées et colorées que les autres commerces.
« Les gens qui viennent ici sont tous pauvres »
Dans le nord de la capitale afghane, Jamil Ghafori travaille lui avec cinq autres boulangers.
« Les gens qui viennent ici sont tous pauvres, ils consomment plus de pain (que les plus fortunés) », dit l’homme de 47 ans.
La moitié de la population afghane (45 millions) vit sous le seuil de pauvreté d’après la Banque mondiale, et 12,4 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaires sévère, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).
Les soirs, il n’est pas rare de voir des femmes en burqa bleue mendier près des boulangeries avec leurs enfants.
Wahida, veuve âgée de 30 ans aujourd’hui remariée, a elle choisi de faire et cuire du pain pour les autres dans son four, « seule option » pour subvenir aux besoins de ses huit enfants.
« Mes enfants orphelins avaient faim, j’avais énormément de problèmes financiers et mon second mari ne paye rien », raconte celle qui prépare entre 100 à 150 pains par jour.
« Ici les pauvres ne peuvent se permettre que du pain »
« C’est ce qui est mangé et apprécié le plus. A l’étranger ils ont plus de choses, mais ici les pauvres ne peuvent se permettre que du pain », dit-elle.
Pour Mohammad Masi, dentiste, peu importe d’où vient le pain. Ce qui compte, dit-il, c’est d’en avoir « au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner ». « Sinon, c’est comme si je n’avais rien mangé ».
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