En 2024, le solde net de création de nouvelles usines est négatif en France, alors que le gouvernement se mobilise pour l’accélérer sur fond de relance de l’Europe de la défense.
Selon le baromètre industriel de l’État dévoilé jeudi, la réindustrialisaiton a même reculé en termes de créations nettes de nouvelles usines pour la première fois depuis la création en 2022 de cet indicateur.
Emmanuel Macron avait demandé dans son allocution télévisée le 5 mars au gouvernement « d’être mobilisé » pour que le réarmement des pays européens, incité par le rapprochement entre les États-Unis et la Russie, « renforce nos armées le plus rapidement possible » et d’autre part « accélère la réindustrialisation dans toutes nos régions ». Le Premier ministre François Bayrou se rend à cet effet jeudi en fin de journée au chevet des usines tricolores, au salon Global Industrie à Lyon, accompagné des ministres de l’Industrie Marc Ferracci et du Travail Astrid Panosyan-Bouvet.
Dans ce tumulte géopolitique, les États-Unis de Donald Trump se sont aussi lancés, à coups de droits de douanes, dans une guerre commerciale visant notamment à attirer l’investissement industriel outre-Atlantique. M. Bayrou y défendra la « souveraineté industrielle » de la France comme la souveraineté « européenne », avant de visiter vendredi un site TGV d’Alstom à La Rochelle, selon son entourage.
Le chef de l’État réunira pour sa part vendredi les industriels français de la défense, appelés à augmenter leur cadence depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022 et qui doivent se préparer à un afflux potentiel de nouvelles commandes.
Le baromètre industriel, élaboré par le ministère de l’Économie, a recensé l’an dernier 114 ouvertures de nouvelles usines en France, alors que 119 usines ont fermé, soit un solde net de -5 usines. Si l’on y ajoute les transformations significatives de sites industriels existants (152 « extensions significatives » et 58 « réductions significatives »), le solde total atteint +89 sites, soit moitié moins (-53%) qu’en 2023.
Les industries gourmandes en énergie en souffrance
Parmi les secteurs porteurs en 2024, on trouve l’industrie verte et notamment les secteurs de l’énergie et de l’économie circulaire mais aussi la santé et l’agroalimentaire, selon le cabinet de M. Ferracci. À l’inverse, sans surprise, l’automobile a souffert, tout comme les secteurs gourmands en énergie que sont la plasturgie et la mécanique. « La réindustrialisation se poursuit mais connaît un ralentissement », déclare le ministère dans un communiqué.
Le cabinet de M. Ferracci explique ce ralentissement par « une conjoncture qui reste morose en France, mais aussi au niveau européen, voire mondial » et l’instabilité géopolitique, laquelle « génère de l’incertitude » pour les acteurs économiques, susceptible de « ralentir les décisions d’investissement structurantes ».
« Une poursuite de cette tendance » en 2025
Un coup de frein que confirme un autre baromètre, celui du cabinet Trendeo, pour qui le solde net de créations d’emplois dans l’industrie est resté positif mais a reculé de plus de 60% en 2024, à 31.223 emplois nets, contre 81.637 l’année précédente.
« Cela résulte d’un double mouvement de montée des suppressions d’emplois (+77%, soit 28.000 emplois supprimés en plus) et de baisse des créations (-18%, soit 22.000 créations en moins) », indique cette étude, publiée mardi.
Coût du travail, de l’énergie, fiscalité : Marc Ferracci a évoqué dans l’hebdomadaire Le Point plusieurs pistes de travail pour tenter de préserver la réindustrialisation, comme la mise en place de « clauses d’extinction » : « concrètement, on dit que certaines normes réglementaires ne sont valables que trois ans. Si l’administration veut les maintenir, elle doit prouver qu’elles sont vraiment efficaces », a-t-il détaillé.
« D’autres indicateurs des services de l’État » prévoient pour 2025 « une poursuite de cette tendance » au ralentissement, indique le baromètre.
Hausse de 13% des défaillances d’entreprises
La France a ainsi connu en 2024 une « augmentation du niveau des défaillances d’entreprises tous secteurs confondus (+13%), en raison d’un rattrapage post-Covid19 puis de la crise énergétique », comme le souligne une étude de la Direction générale des entreprises (DGE), qui dépend de Bercy. Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a dénoncé mercredi le « baratin sur la souveraineté » du gouvernement et son « mépris des gens », lors d’une visite à l’usine chimique Vencorex, menacée depuis des mois de liquidation.
Le pays a également connu une accélération du nombre de plans de sauvegarde de l’emploi (+34,8%) et une baisse des investissements directs étrangers (-7%). Un motif d’espoir, toutefois, sur ce dernier point : l’activité industrielle reste « le premier poste de décisions d’investissements » et représente 28% du total, rappelle le ministère.
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