Pour les 4000 salariés de Casino qui s’apprêtent à rejoindre prochainement une enseigne du groupement Mousquetaires-Intermarché, comme pour ceux qui restent chez le distributeur, l’avenir reste lourd d’inquiétudes, estiment plusieurs représentants sondés par l’AFP.
La direction se veut rassurante depuis l’annonce d’un accord de principe avec les créanciers-clés du groupe sur la restructuration de sa dette. Cet accord, qui doit encore être entériné et finalisé, prévoit que les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, ainsi que le fonds britannique Attestor, prennent le contrôle du groupe début 2024.
Ce laps de temps inquiète les représentants du personnel, qui craignent que l’activité commerciale ne s’améliore pas d’ici là. Fin juillet, Casino a annoncé avoir perdu 2,23 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année et avoir réalisé des ventes en baisse significative – dans un contexte très inflationniste qui gonfle plutôt les chiffres d’affaires.
« Les clients sont absents »
La situation est meilleure pour les enseignes franciliennes Monoprix et Franprix : les ventes ont progressé au premier semestre, moins fortement toutefois que l’inflation. « On a des magasins côtiers et saisonniers qui ont marché un peu mieux que les autres cet été, mais rien ne démontre à date un soupçon de reprise commerciale », dit à l’AFP Jean-Luc Farfal, délégué syndical CFDT groupe Casino.
« On fait le tour des magasins, super ou hypermarchés, les clients sont absents », abonde Nathalie Devienne, de la première organisation du groupe, SNTA-FO. Elle se dit « très inquiète pour les fêtes de fin d’année », cruciales pour le secteur.
Sollicitée par l’AFP, la direction des enseignes Casino indique avoir « procédé à une baisse massive » des prix début 2023, ce qui a eu un impact sur le chiffre d’affaires. Elle revendique « des volumes de vente supérieurs aux tendances du marché » dans ses supermarchés et indique que la fréquentation des hypermarchés « s’améliore fortement » au 3e trimestre.
119 magasins concernés
Les ventes baisseront de toute façon puisqu’à compter du 2 octobre, une soixantaine de magasins Casino, des supermarchés et hypermarchés souvent de grande taille et pesant environ 600 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, vont quitter le giron du groupe d’origine stéphanoise pour celui des Mousquetaires/Intermarché.
Ce groupement d’indépendants, troisième acteur de la grande distribution alimentaire derrière E.Leclerc et Carrefour, avait conclu en mai un accord avec Casino pour récupérer 119 magasins en deux vagues, avec une troisième vague optionnelle d’une soixantaine de magasins.
Dix hypermarchés sont concernés par les cessions de début octobre, dont trois en Auvergne-Rhône-Alpes (Albertville, Chasse-sur-Rhône, Vals-près-le-Puy) et quatre en Bourgogne-Franche-Comté (Besançon, Chalon-sur-Saône, Fontaine-lès-Dijon, Lons-le-Saunier).
Au magasin Casino de Caudéran, en banlieue bordelaise, la fermeture est prévue le 28 septembre pour une réouverture sous une nouvelle enseigne la troisième semaine d’octobre. En attendant, les stocks se vident, le magasin aussi. « Habituellement c’est tout plein, on trouve de tout. Là, je vais à l’essentiel, j’ai pris ce que je trouvais », a expliqué à l’AFP une cliente qui préfère rester anonyme. « Quand on n’a plus, on n’a plus », commente un salarié préférant lui aussi ne pas être cité.
Manque de visibilité sur l’avenir
À cette ambiance morose s’ajoute, pour les salariés concernés, un manque de visibilité sur leur avenir. Selon Jean-Luc Farfal, les équipes ne connaissent pas encore les repreneurs, « ni même l’enseigne » future de leur magasin: Intermarché n’est pas la seule enseigne du groupement des Mousquetaires et certains Casino pourraient notamment devenir des discounters Netto.
Selon Nathalie Devienne, un CSEC au sein des enseignes Casino se tient le 19 septembre et pourrait permettre d’y voir plus clair, mais dans l’intervalle, les salariés concernés par ce changement ne connaissent pas leurs futurs horaires de travail ni comment et où ils seront formés à la méthode commerciale version Mousquetaires-Intermarché. Seule certitude, les dates de congés posées chez Casino resteront valables dans la future entité.
Inquiétudes sur la politique sociale à venir
Les enseignes Casino expliquent à l’AFP que « les plannings sont en cours d’élaboration par nos directeurs de magasins » et « seront communiqués prochainement sans avoir besoin d’attendre le CSEC ». Les Mousquetaires-Intermarché n’ont pas souhaité commenter dans l’immédiat.
À plus long terme, les salariés craignent de connaître de moins bonnes conditions de travail chez Intermarché, après 15 mois de transition où ils conserveront leurs acquis sociaux. Au sein du groupement d’indépendants, la politique sociale dépend de chaque patron de magasin.
Les magasins de la deuxième vague de cessions (une soixantaine) seront vendus « au fur et à mesure que des repreneurs seront trouvés », estime Nathalie Devienne, ce qui compliquera selon elle l’accompagnement des opérations par les organisations syndicales. D’après la direction des enseignes Casino, « la bascule » concernant ces magasins « doit se faire dans les trois ans à venir, conformément aux accords conclus avec Intermarché ». Quatre mille salariés environ sont concernés par les deux vagues de transfert prévues.
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