Le Sénat argentin a approuvé jeudi matin en totalité les réformes dérégulatrices voulues par le président ultra-libéral Javier Milei qui obtient ainsi pour la première fois depuis six mois au pouvoir un soutien du Parlement.
Le projet a été adopté par la chambre haute après une session marathon entamée mercredi matin et marquée par des émeutes qui ont provoqué au total une dizaine de blessés et autant d’arrestations. Il va retourner pour adoption définitive à la Chambre des députés qui l’avait votée en avril en imposant des changements majeurs.
La présidence s’est félicitée de l’« approbation historique » de cette loi phare du gouvernement Milei sur la dérégulation de l’économie, dite « loi omnibus », la qualifiant de « réforme législative la plus ambitieuse des 40 dernières années ». « Pour les Argentins qui souffrent, qui attendent, qui ne veulent pas voir leurs enfants quitter le pays, mon vote est affirmatif », a déclaré Victoria Villarruel, présidente du Sénat et vice-présidente du pays, dont la voix a été déterminante. Après leur vote, les sénateurs ont entamé l’examen d’une réforme fiscale, initialement partie de la loi omnibus et dissociée pour être discutée à part dans la même session.
« 100 ans en arrière »
Mercredi, en parallèle des discussions au Sénat, des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants anti-Milei avaient éclaté à Buenos Aires. « Nous ne pouvons pas croire qu’en Argentine, nous discutons d’une loi qui nous ramènera 100 ans en arrière », avait résumé parmi les manifestants Fabio Nunez, un avocat âgé de 55 ans.
Selon le ministère de la Santé, sept personnes, dont cinq députés d’opposition, ont été soignées à l’hôpital après avoir été aspergées de gaz lacrymogènes. Des dizaines de personnes ont été prises en charge sur place. Des voitures ont été incendiées et la police a riposté à des jets de projectiles avec des tirs tendus de balles en caoutchouc et des lances à eau.
Au moins dix personnes ont été arrêtées et neuf policiers blessés, a indiqué à l’AFP un porte-parole du ministère de la Sécurité. À la tombée de la nuit, les forces de l’ordre ont repris le contrôle des rues.
La présidence argentine a dénoncé « les groupes terroristes qui, à l’aide de bâtons, de pierres et même de grenades, ont tenté de perpétrer un coup d’État ». La loi avait été rejetée dans sa forme originale de 600 articles et adoptée après des modifications majeures en 238 articles par la Chambre des députés en avril.
Parmi les concessions d’un exécutif devenu plus pragmatique au fil des mois : le nombre des privatisations, passées d’une quarantaine dans la version initiale à moins de 10 dont celle toujours sur la table de la compagnie aérienne publique Aerolineas Argentinas. La loi prévoit aussi, entre autres, une flexibilisation du marché du travail, des réformes qui « nous ramènent au siècle dernier lorsque l’employé n’avait aucun droit », a estimé le sénateur d’opposition Mariano Recalde.
Elle comporte aussi des incitations controversées aux investissements étrangers supérieurs à 200 millions de dollars avec des avantages fiscaux et douaniers durant trente ans. « Nous donnons un chèque en blanc pour trente ans dont nous ne connaissons pas le coût », a déclaré le sénateur Martin Lousteau.
La loi est « un accélérateur, un catalyseur du redressement de la situation économique », avait plaidé le ministre de l’Économie Luis Caputo mercredi. « Ce gouvernement ne changera pas de cap. L’ordre macro-économique se poursuivra. »
« Thérapie choc »
Lors d’une vidéoconférence mercredi durant laquelle M. Milei a exposé sa vision de l’économie, le magnat américain Elon Musk avait pour sa part encouragé les Argentins à « donner leur appui total au président pour mettre en œuvre cette expérience parce qu’il est clair que les politiques du passé n’ont pas marché ».
Le PDG du fabricant de véhicules électriques Tesla a rencontré plusieurs fois M. Milei et montre son intérêt pour un pays doté de réserves majeures de lithium, matériau clé pour les batteries.
Au-delà des tribulations législatives, la « thérapie choc » d’austérité promise – le « plus grand ajustement budgétaire de l’histoire de l’humanité » comme M. Milei aime à le répéter – produit déjà des effets depuis décembre : dévaluation brutale du peso (54%), prix et loyers libérés, fin des subventions aux transports, à l’énergie, gel des chantiers publics, coupes budgétaires tous azimuts, etc.
Le président claironne régulièrement que l’inflation est « dominée », avec une décélération continue depuis cinq mois : de 25% mensuels à 8,8% en avril. Et un budget à l’excédent au premier trimestre, sans précédent depuis 16 ans.
En contrepartie, l’austérité étrangle la consommation, l’activité économique s’effondre, et la récession s’installe, avec une contraction de 5,3% de l’économie au premier trimestre. Sans signe imminent de rebond.
Cela fait six mois que Javier Milei est au pouvoir mais il n’a pas pu faire passer ses réformes, jusque là bloquées du fait de sa représentation minoritaire au Parlement : son parti, la Libertad Avanza, possède sept sièges seulement sur 72 au Sénat et constitue la troisième force à la Chambre avec 38 députés. En mars, le Sénat avait rejeté un « décret de nécessité et d’urgence », méga-décret publié au début de la présidence Milei et à ce jour partiellement en vigueur.
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