Atos, ex-fleuron français : le scénario d’une dégringolade financière

Par Germain de Lupiac
9 octobre 2024 06:15 Mis à jour: 9 octobre 2024 06:15

Le géant informatique français Atos est embourbé depuis le début de l’année dans une crise financière sans précédent aux multiples rebondissements. L’action du groupe qui valait 75 euros début 2021 est descendue aujourd’hui à moins d’un euros.

En proie à une gouvernance en perpétuel changement depuis plusieurs années et à une dette de près de 5 milliards d’euros, le groupe qui compte plus de 90.000 salariés dans 69 pays, a perdu plus de 90% de sa valeur en Bourse et a revu à la baisse ses projections pour la période 2024-2027.

Plombé par une dette colossale, l’ex-fleuron français de la « tech » est entré en juillet dans une procédure de sauvegarde accélérée, avec notamment la mise en œuvre d’un plan de restructuration, dont le montant atteint 1,75 milliard d’euros.

Concernant la France, le groupe est présent dans des secteurs stratégiques comme la défense et le nucléaire. Il assure, notamment, la gestion des systèmes sécurisés de l’armée et des centrales nucléaires, produit des supercalculateurs et développe des logiciels de gestion informatique de services publics et parapublics, comme Linky ou la SNCF.

De quoi pousser l’État français à vouloir garder ces activités sous son giron dans un contexte financier extrêmement difficile, pour sauvegarder ses intérêts nationaux et la souveraineté technologique et militaire du pays.

Le scénario d’une dégringolade financière

La société a été créée en 1997 et s’est positionnée comme le spécialiste mondial de la transformation numérique des entreprises. Depuis 2001, Atos est le partenaire informatique mondial des Jeux olympiques et paralympiques, un titre qu’elle voient de perdre pour les prochains JO en Italie.

En septembre 2021, entre mauvais résultats et objectifs financiers non atteints, Atos voit sa capitalisation boursière dégringoler, jusqu’à l’éjecter du CAC 40, l’indice phare de la Bourse de Paris. Alors qu’elle s’échangeait aux alentours de 75 euros début 2021, l’action du groupe a depuis perdu plus de 90% de sa valeur et se situe actuellement sous le seuil symbolique d’un euro.

Conséquence de ces déboires, une valse des dirigeants depuis le départ en octobre 2021 du directeur général Elie Girard, successeur en 2019 de Thierry Breton, alors appelé à la Commission européenne et qui avait été à la tête de l’entreprise pendant plus de dix ans.

À peine six mois plus tard, double coup de théâtre avec le départ surprise du nouveau patron Rodolphe Belmer et l’annonce d’un projet de scission en deux entités cotées, finalement abandonné. Après la nomination en octobre 2023 de l’ancien banquier Jean-Pierre Mustier pour succéder à Bertrand Meunier comme président d’Atos, le groupe connaît en novembre un nouvel actionnaire de référence, le cabinet Onepoint qui acquiert 11,4% de son capital.

Début janvier 2024, le remplacement d’Yves Bernaert par le directeur financier Paul Saleh comme directeur général, après seulement trois mois en fonction, fait accélérer le processus de sauvetage d’Atos face aux milliards d’euros de dette qui l’asphyxient.

Plombé par un endettement de près de 5 milliards d’euros, Atos enclenche en février une procédure de restructuration, sous l’égide de la spécialiste du sauvetage d’entreprises Hélène Bourbouloux, qui a notamment travaillé sur les dossiers Casino ou Orpéa.

En mars 2024, le gouvernement français décide d’aller au chevet des activités stratégiques du groupe informatique, en pleine déconfiture et dont l’avenir s’est assombri après l’arrêt par Airbus des négociations de rachat d’une partie de ces activités liées au « big data et la sécurité ».

L’État y voit des « activités souveraines » et le risque qu’elles « passent dans les mains d’acteurs étrangers ». Pour préserver les supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire, les contrats avec l’armée française et les produits de cybersécurité, 700 millions d’euros ont été mis sur la table en juin.

Cela intervenait, quelques semaines après l’échec des discussions menées entre Atos et le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky pour lui céder une de ses branches.

En juillet, l’ex-fleuron de la tech est entré dans une procédure de sauvegarde accélérée qui doit permettre au groupe de sortir la tête de l’eau avec notamment la mise en œuvre de son plan de restructuration, dont le montant atteint 1,75 milliard d’euros.

Après le retrait fin juin du consortium mené par Onepoint, premier actionnaire d’Atos initialement choisi pour mener à bien ce sauvetage, les créanciers et les banques se sont entendus pour reprendre et sauver eux-mêmes l’entreprise. Leur accord comprend notamment une augmentation de capital de 233 millions d’euros et une réduction de la dette d’environ 3 milliards d’euros.

Le groupe s’attend désormais à un chiffre d’affaires de 9,7 milliards d’euros en 2024, soit une baisse de 4% par rapport à 2023. Il aura subi une perte nette de 1,9 milliard d’euros au premier semestre.

Atos espère une rentrée d’argent frais avec la vente de ses activités jugées stratégiques et sensibles à l’État français pour 700 millions d’euros, un rachat pour le moment reporté.

Rachat avorté des activités stratégiques d’Atos par l’État français

Atos et l’État français sont toujours en pleine négociation, après que l’offre de l’État visant à acheter les activités jugées stratégiques et sensibles du groupe informatique « a expiré » sans accord, ont annoncé les deux parties le 7 octobre.

Le 12 juin, l’État français avait fait une offre d’acheter ces activités, dont les supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire, des contrats avec l’armée française et des produits de cybersécurité. Cette offre visait à éviter que ces activités, qui touchent à la souveraineté de la France, tombent entre les mains d’acteurs étrangers.

Cette offre, « révisée le 30 septembre, a expiré le 4 octobre, sans que les parties ne soient parvenues à un accord », a annoncé Atos dans un communiqué, ajoutant « avoir proposé néanmoins de poursuivre les discussions » et transmis une « nouvelle proposition » à l’État.

Selon l’entreprise, la « nouvelle proposition » transmise par Atos est « compatible avec le plan de restructuration financière » en cours dans lequel le groupe informatique est engagé depuis juillet.

Le nouveau ministre de l’Économie Antoine Armand a souligné que l’État « entend poursuivre ses négociations » et « proposera un nouveau schéma d’acquisition prochainement », a-t-il annoncé dans un communiqué.

Preuve de son engagement dans la voie d’une préservation de ces technologies sensibles, le groupe a également annoncé que « la mise en place d’une action de préférence » permettant à l’État de mettre son veto à certaines opérations au niveau de Bull, la filiale qui construit les supercalculateurs, « se poursuit […], avec l’objectif de la mettre en œuvre d’ici la fin de l’année ».

Le groupe a aussi récemment annoncé de nouveaux contrats avec la RATP ou encore l’Agence spatiale européenne. Pas sûr toutefois que cela compense la perte d’énormes contrats comme celui des Jeux olympiques, dont Atos a été le pilier technologique pour l’édition 2024 et avec lesquels il collaborait depuis 35 ans.

Si les JO de Paris se sont déroulés sans anicroche, le Comité international olympique (CIO) a décidé qu’il appuierait désormais sur l’Américain Deloitte, et ce, dès les Jeux olympiques d’hiver de 2026 en Italie.

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