Pendant des décennies, il a été largement admis que l’accumulation anormale des protéines amyloïdes et tau étaient la cause de l’Alzheimer Cette théorie était dominante dans le milieux médical et nous ont amenés croire que l’élimination des plaques formées par ces protéines pourrait guérir l’Alzheimer.
Des essais cliniques sur l’Aducanumab, un anticorps monoclonal, ont permis de réduire les plaques bêta‑amyloïde dans le cerveau. Mais les troubles cognitifs cliniques des patients ne diminuaient pas en conséquence. On peut en conclure que l’Alzheimer n’est pas seulement le résultat de changements pathologiques dans le cerveau, et que les actions préventives semblent être les stratégies les plus recommandables pour gérer cette maladie.
Les pathologies ne sont pas les facteurs déterminants du déclin cognitif
D’après deux études clinico‑pathologiques portant sur un total de 856 participants décédés, les changements pathologiques courants sont responsables de moins d’un tiers seulement du déclin cognitif. Une grande partie reste inexpliquée.
De nombreux exemples démontrent également le décalage entre la gravité de la pathologie et le degré de déficience cognitive.
Par exemple, une étude portant sur 28 personnes âgées a montré que 9 d’entre elles, soit environ 32%, ne souffraient pas de démence lorsqu’elles ont été évaluées juste avant leur décès. Pourtant, les tests neuropathologiques post‑mortem ont révélé la présence de plaques corticales étendues, notamment des plaques séniles et des nœuds neurofibrillaires.
Lors d’un examen post‑mortem sur 137 résidents dont l’âge moyen était de 85 ans et demi, les résultats ont montré que seulement 55% d’entre eux présentaient les caractéristiques pathologiques de l’Alzheimer. Néanmoins, 79% des résidents étaient atteints de démence à la fin de leur vie.
La Nun Study (« étude des nonnes ») au milieu des années 1980, fameuse pour sa durée et pour les centaines de religieuses âgées y ayant participé portait sur 130 femmes de 76 à 102 ans. Seules 42% des participantes présentaient des troubles cognitifs parmi celles qui avaient des lésions cérébrales dues à l’Alzheimer.
Dans une autre étude portant sur 296 sujets décédés sans déficience cognitive, l’évaluation post‑mortem a révélé que presque tous les cerveaux présentaient une pathologie neurofibrillaire et que plus de 70% d’entre eux présentaient une accumulation d’amyloïdes.
Ces résultats nécessitaient qu’on éclaire l’écart entre la pathologie et la cognition. Il était temps d’élargir la compréhension de l’Alzheimer.
L’être humain étant un corps holistique composé d’éléments physiques, mentaux et spirituels, on assiste à l’émergence d’une tendance à étudier les aspects mentaux et spirituels dans l’évolution de l’Alzheimer et pour le prévenir.
Le but de la vie et la prévention de l’Alzheimer
Un facteur mental surprenant, le but de la vie, s’avère être lié à l’Alzheimer.
Le but de la vie est une tendance psychologique à tirer un sens des expériences de la vie, il s’agit de cultiver une compréhension de ce qui est important dans la vie et de développer des principes pour guider ses actions, en particulier lorsque la vie devient difficile.
Une étude longitudinale sur 246 sujets du Rush Memory and Aging Project a montré que le but de la vie peut modifier les changements pathologiques globaux de l’Alzheimer et la cognition. En d’autres termes, les personnes qui ont un but dans la vie plus élevé ont tendance à présenter une meilleure fonction cognitive, malgré les changements pathologiques de l’Alzheimer. En outre, le but de la vie pourrait atténuer les changements pathologiques et le déclin cognitif de l’Alzheimer. À noter que cet effet protecteur persistait après le contrôle des variables relativement influentes.
Une autre étude menée sur plus de 900 personnes âgées vivant en communauté a révélé qu’une personne ayant un score élevé sur le but de la vie avait environ 2,4 fois plus de chances de ne pas souffrir de l’Alzheimer qu’une personne ayant un score faible (figure 1), et présentait un déclin cognitif plus faible (figure 2). Les résultats indiquaient qu’un but supérieur dans la vie est associé à un risque réduit d’Alzheimer.
Avoir un but élevé dans la vie
La capacité d’avoir un but élevé dans la vie nécessite de l’introspection, des objectifs, des priorités, et de la concentration.
La Health and Retirement Study, menée durant quatre ans auprès d’un échantillon de 8788 adultes d’âge moyen à plus âgés aux États‑Unis, a révélé que les personnes adhérant davantage à des normes morales avaient un sens du but de la vie plus élevé. Cette association est restée la même après ajustement des données démographiques, du statut socio‑économique, des conditions de santé et des prédispositions psychologiques telles que l’optimisme et l’amour de soi.
L’analyse des données de deux études d’observation recueillies auprès de 1209 travailleurs américains et de 495 travailleurs mexicains a révélé que la tendance à promouvoir le bien, vouloir prendre des mesures pour contribuer au bien de soi et des autres, était positivement associée à des niveaux plus élevés de but dans la vie.
Par ailleurs, la prédisposition à agir selon des normes éthiques et des règles de basées sur la bonté et l’honnêteté contribuait au bien de soi et des autres, et à une meilleure santé.
En particulier, les normes morales et les comportements éthiques étaient associés à des risques moindres d’incidence de troubles cognitifs, de dépression, de comportements défavorables à la santé, d’immobilité et de difficultés dans les activités de la vie quotidienne, ce qui réduisait à terme l’incidence de l’Alzheimer.
Il est important d’avoir un but dans la vie
Avoir un but apporte des avantages tout au long de la vie, notamment de l’optimisme, une résilience et un espoir accrus, une meilleure santé physique et un risque de décès plus faible. Cela aide à rester émotionnellement équilibrés dans les situations positives et négatives et c’est une solution accessible pour tout le monde, quel que soit l’âge.
En particulier dans la vieillesse, il est essentiel de conserver un but lorsque les pertes, telles que le veuvage et autres, deviennent plus fréquentes. Il est vital pour les personnes âgées de se préparer, au milieu de l’âge adulte, à vivre plus longtemps et à prévenir l’Alzheimer, car cela contribuera à assurer leur bien‑être physique et mental à un âge plus avancé.
Promouvoir le bien de manière cohérente avec un état d’esprit bénéfique pour soi‑même et pour les autres aide à construire des traits de personnalité moralement valorisés, ce qui est fondamental pour l’identité. Cela peut entraîner des résultats positifs pour soi‑même ou pour les autres, et contribuer également au bien commun.
Pour certaines personnes, cette notion peut s’opposer à la règle de la « survie du plus fort », un concept axé sur le soi et l’auto‑préservation, et qui a prospéré dans notre culture individualiste. La principale différence réside dans le fait que le comportement des êtres vivants n’est pas uniquement axé sur le soi. Il s’agit davantage d’un équilibre entre intérêt personnel et altruisme. En encourageant la gentillesse par une approche automatique ou mimétique, autre que la réprimande ou la persuasion morale, les gens peuvent intuitivement se reconnecter à leur désir inné d’aider les autres et de modifier cet équilibre.
La coopération et l’entraide assurent une meilleure survie de l’espèce.
Si la promotion de la bonté ne suffit pas à résoudre directement les problèmes, elle permet aux gens de se sentir moins stressés et plus proches les uns des autres. Les possibilités de trouver des compromis et des solutions peuvent découler de l’évolution d’une société favorable à d’autres individus que ceux qui luttent seuls.
En résumé, un but dans la vie est associé à de meilleurs résultats cognitifs et à moins d’Alzheimer. On peut réorienter ce but et offrir un nouvel axe de traitement pour réduire le fardeau croissant de l’Alzheimer chez les personnes âgées.
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