À la demande de la préfecture, le maire de Langouët dans l’Ille-et-Vilaine, comparaîtra jeudi devant le tribunal administratif de Rennes pour avoir pris en mai un arrêté interdisant l’usage de pesticides près des habitations afin de « protéger la santé » de ses administrés.
Attaqué par la préfecture, l’arrêté du 18 mai interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel », selon le texte de cinq pages consulté par l’agence France Presse (AFP). Cette distance peut être ramenée à 100 mètres, notamment si une haie permet d’éviter la dispersion des pesticides.
Daniel Cueff, qui assurera seul sa défense jeudi, souligne dans son arrêté qu’un maire « a le devoir et la responsabilité de prendre au titre de son pouvoir de police toutes mesures de nature à prévenir et à faire cesser toutes pollutions sur le territoire de sa commune ».
Il rappelle que Langouët « est engagée depuis 20 ans dans la transition écologique », avec une cantine 100% bio et locale depuis 2004, l’arrêt du désherbage chimique dès 1999, deux éco-hameaux et un gros travail sur la réduction de l’empreinte carbone du village.
« Tous ces efforts sont atténués par le fait qu’une partie des agriculteurs n’a pas pris la mesure de la nécessité de se passer des pesticides de synthèse », constate M. Cueff, assurant pouvoir compter sur le soutien des habitants, qui ont d’ailleurs créé un collectif « Nous voulons des coquelicots ».
Nicole Duperron-Anneix est membre du collectif. « J’habite à Langouët dans une longère au milieu des champs, et ça fait très longtemps que les pesticides m’inquiètent, aussi bien pour mes enfants que pour mes petits-enfants », témoigne-t-elle.
« Les enfants mangent bio à la cantine, habitent dans des bâtiments éco-conçus mais ils vivent près des champs et on a retrouvé des taux de glyphosate très élevés dans les urines de deux d’entre eux », regrette-t-elle.
« J’ai deux filles et je n’ai pas envie qu’elles tombent malades, on a des taux élevés de glyphosate dans nos urines alors qu’on mange bio et qu’on cultive notre jardin », abonde Hélène Heuré, employée communale.
Du côté des agriculteurs, ceux qui n’ont pas pris le virage du bio ne cachent pas leur colère.
« La décision du maire a été prise sans concertation », juge ainsi Dominique Hamon, éleveur bovin depuis 1981. « C’est comme si on vous enlevait votre ordinateur et qu’on vous disait d’aller téléphoner à la cabine à 15 kilomètres », ironise-t-il.
Selon L’Obs, pour Michel Besnard, président du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest ,« la décision du maire est une décision de rupture » et rappelle que le Conseil d’État a partiellement annulé le 26 juin un arrêté réglementant l’utilisation des pesticides au motif qu’il « ne protégeait pas suffisamment la santé des riverains ».
« Le maire de #Langouet a entièrement raison. Dans quelques années, il sera reconnu comme un héros », a annoncé Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement.
En France, plus d’une dizaine de maires ont pris depuis deux ans des arrêtés antipesticides. Dans un courrier demandant l’annulation en référé de celui de Langouët, la préfète d’Ille-et-Vilaine indique que le tribunal administratif de Lyon a déjà annulé en 2012 un arrêté semblable, estimant le maire incompétent pour statuer dans un domaine dévolu à l’État.
De son côté, Daniel Cueff, soutenu par un collectif d’une vingtaine d’associations écologistes, entend démontrer sa compétence et a produit en réponse un mémoire de « plusieurs dizaines de pages » et fait valoir une « carence de l’État ».
« Il n’existe pas de réglementation en France sur la concentration des pesticides dans l’air ni de zone tampon entre les champs traités et les habitations alors que l’Organisation mondiale de la Santé a classé en 2015 le glyphosate comme cancérigène probable », soutient-il.
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