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« Catherine a raison » : Pourquoi, vu de l’étranger, les femmes françaises incarnent la seule réponse au « féminisme primaire »

janvier 10, 2018 19:10, Last Updated: janvier 10, 2018 19:32
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« Nous sommes suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle ». Dans un climat ambiant caractérisé par les vagues de dénonciation #MeToo et #BalanceTonPorc, la tribune publiée dans le Monde et co-écrite par un collectif de 99 femmes, a été entendue au delà de nos frontières. Alors que les mouvements féministes montent au créneau des réseaux sociaux, cette réponse française fait réfléchir la Presse en Europe et aux États-Unis.

Il y aura un avant et un après Affaire Weinstein. Sur les réseaux sociaux, différentes réactions ont émaillé les débats, #BalanceTonPorc en France et #MeToo en Amérique. Cependant, depuis la publication de la lettre, l’écho des titres de Presse en Amérique et en Europe semble placer les femmes françaises sur un plan différent. D’après les auteurs de la tribune, ces hashtags constituent “une campagne de délation et de mises en accusation publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels”.

Le Morgen, quotidien Belge, titre « Un contre-courant au mouvement #MeToo »

Sophie Durocher, chroniqueuse du Journal de Montréal, explique pour sa part que “jamais une telle lettre ne serait publiée ici au Québec” mais que “si elle l’était, [elle] la signerait”. Outre-Atlantique, le vent ne souffle pas en faveur de ceux qui remettent en question les campagnes actuelles, et l’idée d’une femme qui défend les hommes et dénonce le mouvement féministe est tout simplement impossible.

En effet, à en croire les commentaires des journalistes locaux, le voile du puritanisme est lourdement retombé après Weinstein. Difficile pour les hommes d’approcher les femmes, la peur d’être poursuivi semble réelle. Par exemple, une étude affirme sérieusement que les hommes qui tiennent la porte aux femmes sont eux aussi sexistes. Un peu comme si les hommes se divisaient en deux catégories : les harceleurs comme Weinstein et les sexistes, « bienveillants et paternalistes » qui font preuve d’une galanterie suspecte envers les femmes. D’ailleurs, d’après l’article, ces derniers, les « benevolents sexists », sont faciles à identifier : ils sourient un peu trop aux femmes.

En Europe, les réponses sont plus contrastées, mais les journalistes distinguent tout autant le pavé que les 99 femmes ont jeté dans la mare des associations féministes, Femen ou autres, qui, depuis Weinstein, occupent le débat public.

Asia Argento, actrice et chanteuse italienne. (Stefania D’Alessandro/Getty Images for Giffoni Film Festival)

En Italie, le média Likiesta déclare que « de nombreuses femmes n’ont pas apprécié #MeToo ». Asia Argento, top model ayant dénoncé l’attitude de Weinstein à son égard puis qui s’est rétracté dans un second temps, a suscité une vague d’indignation. Résultat : selon le média, le pays s’est divisé entre celles qui ont profité du « paravent bien pratique qu’a représenté Asia Argento », et d’autres « ont fait comme si de rien n’était, parce que l’objectif de la campagne était noble, au fond, ou simplement pour ne pas être traitées de traîtres ou de complices de la domination masculine.”

D’après une journaliste de La Nazione, “Catherine a raison”.  Selon elle, la prise de position du collectif “est le premier acte véritable de féminisme depuis le début de l’affaire Weinstein – ce moment zéro, qui a divisé le monde masculin en deux, banalement, entre les hommes et les porcs”. Giuliano Ferrara, fondateur du journal Il Foglio, a pour sa part tweeté“Deneuve et les autres : la France est la nouvelle avant-garde du monde libre. #JeVousL’AvaisBienDit.”

La québecoise Sophie Durocher prend également ses distances avec le mouvement #MeToo, en soutenant la tribune du collectif français:

« Moi aussi, je suis tannée que l’on traite les femmes ‘d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons’.

Moi aussi, j’en ai marre que l’on démonise le désir masculin.

Moi aussi, j’en ai marre qu’on mette une main sur le genou sur le même plan qu’un viol avec pénétration.

Moi aussi, je m’affole que l’on fasse sur la place publique le procès d’hommes qui n’ont pas de droit de réplique ni de présomption d’innocence.

Moi non plus, je ne me reconnais pas dans ce féminisme qui perçoit tous les hommes comme des agresseurs potentiels. »

En France, l’accueil de la tribune du Monde a été mitigé : sur les réseaux sociaux, certaines associations féministes ont pointé du doigt le « droit d’importuner » défendu par le collectif. Mais pour cette presse, qu’importe, le symbole est passé : certaines Françaises disent « non » aux #MeToo et le clament haut et fort. Pour The Atlantic, « dans les pays anglo-saxons, pour bon nombre de femmes, le fait de ne pas être seule est source de réconfort et le fait de s’exprimer fait naître un sentiment de solidarité. En France, l’idée est que si vous donnez des noms, vous avez plus de chances d’être accusée de ‘collabo’ ou de ‘traître’.”

La journaliste, Rachel Donadio, est américaine mais vit en France. Et se « pose une question en permanence » : les Françaises sont-elles émancipées, ou au contraire sous l’égide d’une culture sexiste ?  » Dans le pays qui a inventé l’industrie cosmétique moderne, une femme grandit avec l’idée qu’elle doit se connaître elle-même et qu’elle peut utiliser l’arme de la séduction à sa guise. Elle y est toutefois contrainte par la culture de son pays », remarque t-elle, sans trouver de réponse à son interrogation. 

L’actrice Isabelle Giordano. (Pascal Le Segretain/Getty Images)

Le journal américain cite notamment la FrançaiseIsabelle Giordano, qui explique qu’en France, « on ne dit pas sur internet « Mon patron a fait cecei et cela », on va voir directement la police ou le tribunal.[…] C’est une autre façon de voir les choses ».

Comme The Atlantic, le magazine allemand Die Welt tente d’analyser la psychologie féminine française, comme si elle livrerait la réponse à une énigme. « Dans un pays dont la culture et la littérature se caractérisent depuis des siècles par le libertinage, la galanterie et la liberté sexuelle, et qui a produit des auteurs comme le marquis de Sade ou le philosophe Michel Foucault, la police du puritanisme – pour qui toute tentative de drague un peu lourde est assimilable à un crime – ne pouvait pas œuvrer longtemps sans susciter de résistance”, écrivent-ils. Cependant, on pourrait se questionner si dans un pays ou est né la tradition de la galanterie à la cour de Louis XIV, l’idée d’un puritanisme policier est bien ce qui est à l’oeuvre…

 

 

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