« Nous ne sommes plus qu’une poignée » : ce dimanche au Mémorial de la Shoah, quatre rescapées du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau ont témoigné de leur déportation, devant un auditoire très conscient de l’enjeu de transmission de la mémoire.
Sans rien éluder de l’horreur qu’elles ont vécue, Yvette Lévy, Judith Elkan-Hervé, Ginette Kolinka et Esther Sénot racontent ce camp nazi devenu le symbole de l’extermination des juifs, une semaine avant les cérémonies commémorant les 80 ans de sa libération, le 27 janvier.
Les voix tremblent parfois, chez ces rescapées de 97 à 99 ans, mais les souvenirs restent précis pour raconter l’arrivée et la vie dans ce camp où un million de juifs ont été assassinés.
« Le train a roulé deux jours et deux nuits jusqu’à Birkenau. À l’arrivée, 896 personnes sont parties directement à la chambre à gaz », raconte Yvette Lévy, 98 ans, déportée en juillet 1944 dans un convoi de 1300 personnes.
« Les mères qui portent leurs enfants à la mort »
« On est restées dans une terreur que vous n’imaginez pas. Les nazis sortaient leur pétard quand ça les amusaient. Certaines voulaient se jeter sur les barbelés… » poursuit-elle, en racontant les sélections où il fallait se montrer apte au travail : « on essayait de se tenir bien droites, on se frottait les joues avec la betterave de la soupe quand on passait devant le SS… »
« Les nazis se sont servis de tout pour nous salir, nous humilier », explique Ginette Kolinka, bientôt cent ans, en racontant la dureté inhumaine des kapos privant de soupe les prisonnières affamées. Dans son fauteuil roulant, elle se souvient de sa « honte » lorsqu’il a fallu « retirer tous ses vêtements » à son arrivée.
« Ils nous ont rasées entièrement, nous ont tatoué un numéro sur le bras », explique Esther Sénot, 97 ans, encore capable de réciter le sien – 58.319 – en français et en allemand.
L’ancienne déportée, qui a passé 17 mois à Auschwitz, raconte d’un ton vif la menace constante des chambres à gaz dont elle découvre l’existence avec ces mots : « vous faites pas d’illusion, vous êtes entrés par la porte et vous partirez par la cheminée. »
Judith Elkan-Hervé, 98 ans, fait elle un résumé glaçant : « À l’arrivée à Birkenau, celles qui n’ont pas donné leur enfant à leur mère ou leur copine l’ont porté dans leurs bras à la chambre à gaz. Pour moi Auschwitz c’est ça : les mères qui portent leurs enfants à la mort ».
« Voir les gens, en vrai, qui ont le souvenir, ce n’est pas la même chose »
Devant l’auditoire où 150 personnes sont installées, elle lance un appel : « il faut soigner la jeunesse, pour l’éduquer dans une voie différente de la haine. Il faut leur dire la vérité de l’Histoire et les mettre en garde. L’éducation est une chose vitale. »
Dans le public, Axel Sandager, 23 ans, et ses deux sœurs Caroline et Mathilde, 12 ans, ont bien conscience de cet enjeu : « J’ai eu la chance de rencontrer des déportés dans mon lycée, il y a peu de chance qu’elles, qui sont en 5e, aient la même possibilité », explique-t-il.
L’histoire de la Shoah, ils la connaissent mais « voir les gens, en vrai, qui ont le souvenir, ce n’est pas la même chose », assure sa sœur Caroline.
« Être dans la même pièce fait qu’on se rend mieux compte », affirme Antoine Bouyon, 28 ans. Ce professeur d’histoire qui a emmené ses élèves à Auschwitz en novembre s’interroge : « Je sais qu’il va arriver un jour ou il n’y aura plus de témoins, il n’y aura plus que les sources » historiques et « ce sera très dur sans personnes vivantes à faire écouter ».
Dans le récit des rescapées, l’appel à la vigilance revient régulièrement. « Ce que j’espère est que ceux qui nous écoutent comprennent que si je parle, c’est parce que certains haïssaient les juifs. Et ça, il ne faut plus que ça recommence », affirme Ginette Kolinka.
« Aujourd’hui nous ne sommes plus qu’une poignée de survivants », conclut Esther Sénot. Et à l’intention des jeunes : « Je compte sur vous pour que vous puissiez témoigner en notre nom à tous, face aux négationnistes et autres faussaires de l’Histoire. »
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