La décision prise la semaine dernière par la Chine de restreindre ses exportations de graphite, un matériau essentiel pour les batteries des véhicules électriques, va contraindre les constructeurs automobiles européens à accélérer leurs efforts pour développer des sources et des matériaux alternatifs. Le secteur européen des véhicules électriques continue de dépendre des batteries en provenance de Chine, et la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques apparaît comme une nouvelle source de tensions entre Pékin et l’Union européenne.
La domination de la Chine sur le marché des VE est déjà devenue une source de discorde, alors que l’UE accélère le passage aux VE en interdisant pratiquement la vente de nouvelles automobiles à essence et à diesel dans l’Union dès 2035. En septembre, Bruxelles s’est également engagée à protéger l’industrie automobile européenne d’un « nivellement par le bas » en enquêtant sur les subventions publiques chinoises accordées aux fabricants de véhicules électriques.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a exprimé son inquiétude quant aux subventions publiques accordées par la Chine à ses constructeurs automobiles, qui pourraient nuire à la compétitivité de l’Union européenne et menacer le secteur manufacturier européen.
S’exprimant devant le Parlement européen à Strasbourg en sa qualité de présidente de l’UE, Mme von der Leyen a déclaré que les marchés mondiaux sont désormais inondés de voitures électriques chinoises moins chères et que d’importantes subventions gouvernementales maintenaient leurs prix à un niveau artificiellement bas.
Cette enquête est la première étape vers une probable augmentation des droits de douane sur les voitures chinoises. L’UE impose actuellement des droits de douane à hauteur de 10% sur les voitures importées de Chine.
« Avec les restrictions chinoises sur les exportations de graphite, la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques est devenue une source de querelles croissantes entre Pékin et l’Occident », a souligné ING la semaine dernière dans une note à ses clients consultée par Epoch Times.
En 2020, l’UE a identifié le graphite naturel comme une matière première essentielle pour l’Union. Les États-Unis le considèrent également comme un minéral critique et stratégique.
La semaine dernière, le gouvernement américain a renforcé les restrictions américaines sur l’accès des entreprises chinoises à ses semi-conducteurs, notamment en interrompant les ventes des puces Nvidia à intelligence artificielle les plus avancées.
Cette semaine-là, le président américain Joe Biden a également rencontré des représentants de l’UE pour discuter des minéraux essentiels dans le cadre d’une vaste série d’accords.
En outre, Fitch Ratings a déclaré dans une note du 23 octobre que les marques de VE de luxe, dont Mercedes, BMW et Volkswagen, vendent environ un tiers de leurs VE en Chine. « Cette dépendance pourrait exposer les constructeurs automobiles européens à d’éventuelles mesures de rétorsion suite à l’enquête de l’UE sur les subventions chinoises à la production ou à d’autres mesures protectionnistes potentielles », a indiqué l’agence de notation.
Le graphite au service de la sécurité nationale
Invoquant des préoccupations de sécurité nationale, Pékin a annoncé le 20 octobre qu’à partir du 1er décembre, des permis d’exportation spéciaux seraient exigés pour certains types de graphite. Cette restriction ne vise aucun pays en particulier.
Toutefois, en vertu des nouvelles restrictions, les exportateurs doivent demander une licence pour expédier deux types de graphite : le graphite synthétique de haute pureté, de haute dureté et de haute intensité, et le graphite naturel en paillettes et ses produits dérivés.
Dans le même temps, les limites temporaires imposées à cinq produits en graphite moins sensibles utilisés dans des industries de base comme l’acier, la métallurgie et les produits chimiques ont été levées.
La Chine domine les chaînes d’approvisionnement mondiales en graphite, un élément de base nécessaire à la fabrication des batteries pour véhicules électriques. En plus d’être le plus grand producteur et exportateur de ce minéral, la Chine raffine également plus de 90% du graphite mondial pour le transformer en anode de batteries pour véhicules électriques. Selon les données des douanes chinoises, les autres principaux acheteurs de graphite en Chine sont les États-Unis, la Corée du Sud, le Japon, la Pologne et l’Inde.
Une véritable course
Depuis des années, le gouvernement chinois met l’accent sur la technologie des véhicules électriques, investissant des milliards de dollars en subventions publiques et en exonérations fiscales pour soutenir l’industrie.
Très tôt, Pékin a annoncé que les véhicules électriques seraient une priorité stratégique nationale, ce qui a incité les entreprises chinoises à investir dans l’exploitation minière, le raffinage des matières premières et les technologies des batteries.
La Chine étant de loin le plus grand marché automobile du monde, les constructeurs chinois ont tout intérêt à se lancer dans ce secteur. En outre, en partie grâce à sa base manufacturière solide et à son infrastructure logistique performante, les entreprises du secteur des véhicules électriques ont pu augmenter rapidement leur production.
Depuis des années, l’UE, tout comme la Chine, plaide en faveur d’une industrie locale des batteries pour véhicules électriques. Par exemple, en 2017, l’UE a créé l’Alliance européenne pour les batteries afin de stimuler la production nationale. D’ici à 2030, l’objectif est que les fournisseurs européens répondent à 90% de la demande en batteries de la région.
Des pays européens comme l’Allemagne ont également créé des technologies critiques pour des parties spécifiques de la chaîne technologique des batteries de VE, comme le recyclage, et ont été à l’avant-garde des essais de chimies de batteries innovantes, comme les batteries sodium-ion.
Toutefois, le secteur européen des batteries manque d’envergure et doit relever des défis pour passer du développement initial à la commercialisation à grande échelle. Aujourd’hui, l’Europe dépend presque totalement de la Chine pour ses approvisionnements sur certains maillons de la chaîne de valeur, comme le raffinage des matières premières.
« Les chaînes d’approvisionnement des fabricants européens de véhicules électriques continueront à dépendre des batteries provenant principalement de Chine (et de Corée du Sud) jusqu’à ce qu’ils réussissent à s’approvisionner dans d’autres régions, ce qui devrait se produire vers 2030 », peut-on lire dans la note de Fitch Ratings destinée aux clients.
Alors que le monde s’apprête à adopter les véhicules électriques, l’Agence internationale de l’énergie prévoit que la demande de graphite sera multipliée par 20 à 25 entre 2020 et 2040.
Dépendance vis-à-vis de la Chine
Selon Fitch, les importations de VE en provenance de Chine en Europe ont augmenté rapidement au cours de l’année écoulée, bien que les VE produits en Chine ne représentent encore qu’une petite partie des nouvelles ventes.
Les VE de la marque Tesla produits en Chine détiennent la plus grande part du marché européen, et les ventes de Tesla en Europe ont plus que doublé d’une année sur l’autre. En comparaison, les différentes marques chinoises détiennent moins d’un pour cent de part de marché chacune.
Mais « l’UE ayant lancé une enquête sur l’équité des subventions chinoises à la production de VE, cela pourrait déclencher des actions protectionnistes de l’UE et des mesures de rétorsion par la Chine », a souligné Fitch, notant que l’enquête n’est pas limitée aux marques chinoises et pourrait affecter les marques européennes de VE produites en Chine également.
La Chine se rebiffe
Les mesures de rétorsion prises par la Chine ont commencé.
Les experts considèrent que les restrictions à l’exportation de graphite imposées par la Chine la semaine dernière sont semblables à celles qu’elle a imposées en juillet sur les matériaux à base de gallium et de germanium utilisés dans les puces électroniques et d’autres composants.
Ces restrictions sont également largement interprétées comme des représailles aux restrictions américaines sur les ventes de technologies à la Chine et ont renforcé les craintes occidentales de voir la Chine limiter les livraisons d’autres produits de base, notamment les métaux rares dont la production est également dominée par le pays.
Les grands constructeurs automobiles européens s’efforcent de respecter les réglementations de l’UE qui prévoient l’abandon progressif du moteur à combustion interne d’ici à 2035. Mercedes-Benz, BMW et Volkswagen, par exemple, investissent massivement dans la recherche et le développement de ce que l’on appelle les batteries à l’état solide.
Ces batteries utilisent un électrolyte solide et non liquide, ce qui élimine la nécessité d’un séparateur lourd pour protéger les électrodes positives et négatives de tout contact. Ces batteries pourraient faire disparaître le besoin de graphite et autres matériaux clés actuellement utilisés dans les batteries de VE et donc permettre de se passer de la Chine.
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