Sten Weidebaum était l’un des milliers de jeunes courageux qui se sont rassemblés en 1987 sur la place Raekoja au cœur de la capitale estonienne Tallinn. Il a participé aux chants patriotiques interdits, déployé le drapeau national bleu-noir-blanc et a marché vers le stade où se tenait le Festival de Chant estonien. Il protestait contre presque 50 ans d’occupation communiste de son pays par les Soviétiques.
« C’était un mouvement dirigée par un rêve commun qui devenait de plus en plus fort et audacieux de jour en jour et qui a abouti à des très grands rassemblements », se rappelle dans son bureau de Tallinn Sten Weidebaum, aujourd’hui responsable de la communication de la Fondation de la Fête du Chant et de la Danse estonienne.
La Révolution chantante consistait en une série de chants et de concerts spontanés tenus tous les soirs entre 1987 et 1991 dans trois pays baltes – l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. A cette époque, les troupes soviétiques étaient partout. Personne ne pouvait imaginer un affrontement militaire avec l’Union soviétique, ou qu’un pays si grand que l’URSS pourrait s’effondrer, a confié M. Weidebaum.
Chanter des chansons patriotiques et porter des costumes nationaux était le seul moyen pour les Estoniens de résister à leurs oppresseurs et de se sentir le plus proche possible de la liberté. Le chant les reliait en tant que nation, les fortifiait psychologiquement et rassurait leurs représentants politiques qu’ils étaient soutenus par le peuple (à l’époque, il y avait trois partis en Estonie).
« Cette tradition [du chant] … a permis de préserver notre culture et notre langue, car les Soviétiques ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour que notre langue disparaisse », a souligné Sten Weidebaum.
La chose la plus étonnante pour moi n’est pas le fait que les Estoniens ont survécu à Staline, mais qu’ils ont survécu à 50 ans d’éducation soviétique.
James Tusty, cinéaste américain
Après la Seconde Guerre mondiale, où l’Estonie a perdu un quart de sa population, Staline a commencé à peupler l’Estonie et d’autres pays baltes par des Russes ethniques afin de subjuguer ces pays, de nouveau incorporés dans l’Union soviétique.
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« La chose la plus étonnante pour moi n’est pas le fait que les Estoniens ont survécu à Staline, mais qu’ils ont survécu à 50 ans d’éducation soviétique et que le désir d’indépendance ne les a jamais abandonné. Ils n’ont jamais perdu l’espoir », témoigne James Tusty, cinéaste américain qui a raconté l’histoire de la disparition du communisme en Estonie dans son documentaire de 2006 La Révolution chantante (The Singing Revolution).
M. Tusty, dont le père estonien a immigré en Amérique en 1924, a été fasciné, avec sa femme Maureen, par l’histoire peu connue de la Révolution chantante. Ils l’ont découverte seulement lorsqu’ils enseignaient le cinéma aux diplômés universitaires à Tallinn, en 1999-2001.
Les époux ont réalisé un film, car ils se sont rendus compte que la Révolution chantante avait joué un rôle essentiel dans l’effondrement de l’Union soviétique. En outre, c’est une histoire inspirante qui montre la puissance de l’esprit humain.
La stratégie de non-violence
Selon James Tusty, la Révolution chantante a triomphé parce que les Estoniens ont consciemment utilisé la non-violence en tant que stratégie politique.
« Le plus important facteur dans la Révolution chantante était le timing », a-t-il fait valoir, poursuivant : « Je comprends que si en 1949, sous Staline, 100 000 Estoniens s’étaient rassemblés dans un champ pour chanter des chansons interdites, tous auraient été envoyés dans des camps de prisonniers, au goulag. »
Mais lorsque Gorbatchev est arrivé au pouvoir et a introduit en 1985 la Perestroika, prévoyant plus d’ouverture et de liberté d’expression, les Estoniens ont compris qu’une bonne occasion s’était présentée. Gorbatchev était moins dur que Staline, et ils en ont profité.
« Les Estoniens ont attendu leur moment », a souligné M. Tusty.
Comme les Estoniens savaient qu’ils marchaient sur des œufs, ils ont tout d’abord tâté le terrain. Leur première manifestation sans autorisation préalable s’est tenue en 1986 pour des raisons environnementales et non politiques. Lorsque les manifestants ont vu que les autorités soviétiques ne les avaient pas réprimés, ils ont continué à enfreindre la loi petit à petit, jour après jour.
Au début, 10 000 à 20 000 personnes parcouraient environ 5 kilomètres vers le stade et le champ où se tenait le Festival de Chant estonien (Laulupidu), organisé tous les cinq ans depuis 1869.
Souvent, les autorités soviétiques arrêtaient les concerts spontanés en coupant l’électricité et en annonçant qu’ils étaient terminés.
En fin de compte, les Estoniens organisaient des concerts tous les soirs, en chantant les chansons de compositeurs comme Alo Mattiisen et Tonis Magi, dont la chanson Koit (L’Aube) est devenu un symbole de la liberté.
Les Estoniens ont poursuivi leurs concerts même après que les Soviétiques les ont interdits. De plus en plus de gens venaient chaque soir chanter ces chansons, des milliers de personnes chantant sous les yeux de la police soviétique.
« Au moment où Gorbatchev a compris ce qui se passait, quatre ans se sont déjà écoulés, et les gens on fait un pas de géant », explique le cinéaste.
Le point culminant de la Révolution chantée a été atteint en septembre 1988, lorsque le Festival de Chant à Tallinn a rassemblé un nombre record de 100 000 personnes et lorsque les politiciens ont ouvertement appelé à l’indépendance.
« Gorbatchev n’a pas compris quelles pourraient être les implications de sa politique : il était un communiste ferme et il ne cherchait pas l’effondrement du communisme. Mais il était naïf par rapport à ce qui se passe lorsqu’on donne aux gens la liberté de parole », a commenté James Tusty, avant d’ajouter : « À ce moment-là, il était impossible de revenir en arrière. Ce n’était qu’une question de temps avant que les Estoniens ne soient libres. »
Dans la soirée du 20 août 1991, l’Estonie a été proclamée un État indépendant, sans avoir perdu une seule vie.
On estime que le communisme a tué au moins 100 millions de personnes, bien que ses crimes ne soient pas recensés et que cette idéologie persiste toujours. Epoch Times tâche d’exposer l’histoire et les croyances de cette doctrine, qui a servi de base à la tyrannie et à la destruction des peuples depuis son émergence. On peut trouver la série complète de ces articles dans la rubrique « Histoire cachée du communisme ».
Version anglaise : How Estonia Sang Its Way Out of the Soviet Union
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