Visé par des plaintes de l’association Anticor et de trois syndicats de magistrats qui l’accusent de conflits d’intérêts liés à ses anciennes activités d’avocats, la Cour de justice de la République (CJR) va enquêter sur le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
Dans un communiqué daté du 8 janvier, le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, a annoncé qu’il ouvrirait bientôt une information judiciaire pour « prises illégales d’intérêt », confiée à la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR) , qui agit comme juge d’instruction dans cette affaire impliquant un ministre.
Après examen, la commission des requêtes de la CJR, composée de hauts magistrats et qui fait office de filtre, a jugé recevables des plaintes de l’association Anticor et de trois syndicats de magistrats (Union syndicale des magistrats, Syndicat de la magistrature et Unité magistrats SNM FO) contre le ministre de la Justice, a ajouté M. Molins dans un communiqué.
La plainte déposée par @anticor_org, ainsi que celles du @USM_magistrats et du @SMagistrature pour « prise illégale d’intérêt » contre #DupontMoretti , jugées recevables.https://t.co/jzCG0pE5S5
— Anticor Paris (@Anticor75) January 9, 2021
Ces plaintes reprochent à M. Dupond-Moretti d’avoir lancé en septembre des poursuites administratives contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui avaient participé à une enquête visant à identifier la taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute. Lors de ces investigations, des facturations téléphoniques détaillées de plusieurs avocats, dont celle du futur ministre, avaient été examinées.
Une de ces plaintes reproche également À M. Dupond-Moretti d’avoir ouvert une autre enquête administrative à l’encontre du juge Édouard Levrault qui avait dénoncé, après la fin de ses fonctions comme juge d’instruction à Monaco, avoir subi des pressions. Avant de devenir ministre, Eric Dupond-Moretti avait été l’avocat d’un des policiers mis en examen par ce magistrat et avait critiqué les méthodes du juge.
« Je ne sais pas quel sort lui sera réservé »
Suite à ces plaintes, la commission des requêtes de la CJR a approuvé la demande de M. Molins de saisir la commission d’instruction de cette même CJR. Cette commission d’instruction agit comme un juge d’instruction concernant les actes accomplis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions, et va donc enquêter sur le garde des Sceaux une fois que l’information judiciaire aura été effectivement ouverte par M. Molins.
Interrogé jeudi soir sur France 2 sur la plainte des syndicats de magistrats, le garde des Sceaux avait indiqué : « Je ne sais pas quel sort lui sera réservé, mais sachez bien que le moment venu, je m’expliquerai, vous pourrez compter sur moi pour dire tout ce que j’ai à dire ». « L’ouverture d’information judiciaire était nécessaire, il faut qu’une enquête ait lieu, il y a manifestement un problème », a réagi pour sa part Me Jérôme Karsenti, avocat d’Anticor.
Plusieurs autres ministres ou ex-ministres d’Emmanuel Macron, parmi lesquels Édouard Philippe, Agnès Buzyn, Olivier Véran, sont déjà visés depuis le 7 juillet par une autre information judiciaire confiée à la commission d’instruction de la CJR, cette fois concernant la gestion de la crise du coronavirus.
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