La promesse d’intensification des contrôles de Tripoli au large des côtes libyennes, saluée dimanche par Rome, a poussé la quasi-totalité des ONG à suspendre leurs opérations: dimanche soir, seul l’Aquarius restait sur zone, prudemment à distance.
Suspension des activités des ONG
A bord de l’Aquarius, navire de 68 mètres affrété SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), les secouristes continuaient de scruter en vain dimanche l’horizon avec des jumelles, selon un journaliste de l’AFP à bord. Ils n’ont pas aperçu d’embarcation de migrants depuis une semaine, mais dimanche en milieu de journée, ils ont de nouveau croisé le C-Star, affrété par le groupe d’extrême droite « Génération identitaire » pour afficher son désaccord avec les opérations des humanitaires. S’il n’entend pas jeter l’éponge, l’équipage de l’Aquarius a décidé de rester sagement à 24 milles nautiques, bien au-delà de la limite de 12 milles des eaux territoriales libyennes.
La marine libyenne a annoncé jeudi la création d’une nouvelle zone de recherche et de sauvetage (SAR) sous sa responsabilité directe. Son accès est interdit aux navires étrangers afin d’en éloigner les ONG, que Tripoli accuse de collusion avec les réseaux de passeurs.
A la suite de cette interdiction perçue comme une menace et quelques jours après des tirs de sommation des gardes-côtes libyens face à un navire humanitaire à 13 milles des côtes, MSF a annoncé samedi la suspension temporaire des activités du Prudence, le plus gros navire de secours aux migrants en Méditerranée. Dimanche, deux autres organisations non gouvernementales, l’allemande Sea Eye et la britannique Save the children, ont également décidé de garder leurs navires à quai. « Nous laissons un vide mortel en Méditerranée », a regretté le fondateur de Sea Eye, Michael Buschheuer, en calculant que son organisation avait participé au sauvetage d’environ 12 000 personnes en Méditerranée depuis avril 2016. « Les embarcations de migrants vont être obligées de retourner en Libye et beaucoup d’enfants et d’adolescents vont mourir en mer », remarquait le directeur des opérations de Save the children, Rob MacGillivray. Seule l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, dont les deux bateaux se trouvaient dimanche à Malte, a assuré vouloir reprendre ses opérations dès lundi. A ses distances habituelles: 15 à 18 milles des côtes le jour — suffisamment près pour distinguer le relief libyen depuis le bateau –, 30 à 35 milles la nuit pour éviter les filets des pêcheurs.
Un code de conduite pour les ONG
Dimanche, le gouvernement italien s’est pour sa part félicité du contrôle maritime accru de la Libye. « Le gouvernement libyen de Fayez al-Sarraj a demandé l’aide de l’Italie et il est prêt à mettre en place la zone SAR dans ses eaux, collaborer avec l’Europe et investir dans les gardes-côtes: tout ceci est signe d’un rééquilibrage en cours en Méditerranée », a estimé le ministre italien des Affaires étrangères, Angelino Alfano, dans un long entretien au quotidien La Stampa. Pour lui, la moindre présence des ONG, accusées par leurs détracteurs d’être devenues des « taxis » de migrants, est plutôt positive. « La décision de MSF rentre aussi dans le cadre d’un réajustement des équilibres: ces eaux ne sont plus à personne, mais sont celles de la Libye », a-t-il lancé. Et selon lui, « les enquêtes de quelques procureurs siciliens ont créé le contexte « culturel » approprié pour obtenir le code des ONG ».
Rome, soutenue par l’UE, vient de négocier avec les ONG un code de conduite exigeant transparence et coopération avec les autorités, signé désormais par la quasi-totalité des organisations. Parallèlement, une enquête du parquet de Trapani (Sicile) a mené au début du mois à la saisie du bateau de l’ONG allemande Jugend Rettet, sur des soupçons de liens directs avec des trafiquants. Quatre personnes ont été citées nommément dans cette enquête: deux commandants, un membre d’équipage, et un prêtre érythréen devenu une référence pour les migrants en détresse. Elle porte aussi sur des opérations de secours menées par Médecins sans frontières et Save the children. « Nous avons fait deux choix: celui de soustraire des gains criminels aux trafiquants – parce que moins il y a de personnes qui partent, moins cela rapporte aux trafiquants – et celui de financer les agences de l’Onu – l’UNHCR et l’OIM – pour assurer des normes respectueuses des droits humains dans les camps libyens », a insisté M. Alfano.
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