« Les patients me manquaient », confie le docteur Le Tinnier. À 70 ans, ce généraliste et plusieurs confrères sont sortis de la retraite pour créer un cabinet à Albi et ainsi éviter un désert médical dans la préfecture du Tarn.
Deux matinées par semaine, il enchaîne les consultations : une toux par ci, des béquilles par là… « C’est ma femme qui n’est pas contente », s’amuse Pierre Le Tinnier. Il avait toutefois déjà repris une activité de prévention dans un service de protection infantile en 2020, deux ans après son départ en retraite.
Dans la salle d’attente, Andrée Belieres, 83 ans, patiente. « Je suis venue la voir et je l’ai trouvée en détresse. Ca faisait trois semaines qu’elle avait mal au dos et qu’elle ne trouvait pas de docteur », explique sa fille Anne, infirmière libérale de 52 ans, qui l’accompagne.
« Moi j’ai réussi à en trouver un à Gaillac, mais il faut se taper la route (près de 30 km, ndlr). Et encore, j’ai dû supplier parce que j’avais mal », ajoute Khaled Takerboucht, plombier de 48 ans, qui attend son fils adolescent alors en consultation.
Sollicité par la municipalité
Dans le Tarn, plus de 40.000 habitants assurés au régime général n’ont pas de médecin traitant, selon la Caisse primaire d’assurance maladie. La densité médicale y est inférieure de plus de 15% à la moyenne nationale.
À Albi, principale ville du département qui comptait une soixantaine de médecins généralistes, « à peu près un tiers sont partis à la retraite depuis l’an dernier ou vont le faire cette année », précise à l’AFP Gilbert Hangard, adjoint au maire en charge de la santé.
La municipalité avait songé à créer un centre de santé, mais elle a été freinée par le coût, « autour de 300.000 euros par an », déplore-t-il. Cet ancien directeur d’hôpital a alors sollicité des médecins retraités pour trouver une solution.
Neuf d’entre eux se sont réunis au sein d’une association et ont créé une structure inédite qui leur permet d’être salariés, tout en organisant le planning à leur guise. Mais ils ne peuvent pas redevenir médecins traitants.
Se consacrer entièrement aux soins
L’hôpital d’Albi se charge des facturations et l’Agence régionale de santé (ARS) s’est portée garante de tout éventuel déficit pour deux ans. « C’est malheureux qu’ils doivent revenir travailler, mais ça dépanne », souligne Ludivine Chavanne, assistante de direction de 39 ans, également en salle d’attente.
À l’accueil, Sylvie Lopes enregistre les patients : elle a été détachée de l’hôpital pour épargner le plus possible de travail administratif aux médecins. « Ils ont encore du mal avec l’informatique, ils ne sont pas forcément habitués à ça », confie la secrétaire médicale de 49 ans.
« On n’a pas de paperasse, que du temps médical. C’est beaucoup plus cool », assure Yves Carcaillet, président de l’association. Agé de 74 ans, il avait arrêté de travailler en juillet 2022, avant de reprendre en ce mois de juin pour l’ouverture du centre. Amusé, il se souvient qu’à ses débuts, il n’y « avait pas d’échographie, pas de scanner ». « Mais on se tient au courant, on se forme, on l’a fait toute notre carrière », ajoute-t-il.
L’association doit même refuser des médecins
Trois autres retraités en blouse blanche sont attendus au cabinet d’ici septembre et l’association doit même refuser des candidats. Comme Thierry Moudenc, dentiste à la retraite depuis six ans, venu proposer son aide.
« J’ai du temps libre et vu le marasme, même si c’était bénévole, je m’en fous », explique-t-il au Dr Carcaillet, qui décline toutefois son offre « pour des questions juridiques », la structure ne pouvant employer que des généralistes.
Le recours à des retraités « est une solution de court terme », insiste l’adjoint au maire M. Hangard, qui estime qu’il faudra « entre 10 et 15 ans » pour que suffisamment de médecins s’installent et comblent le manque.
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