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Dans l’émotion, les dernières enchères du thon de Tsukiji à Tokyo

octobre 6, 2018 6:46, Last Updated: juillet 26, 2021 20:30
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Les cloches, les cris des adjudicateurs dans un jargon éternel, les gestes des poissonniers: tout était là samedi peu après l’aube pour la dernière vente aux enchères de Tsukiji en plein Tokyo, avant le déménagement du plus grand marché aux poissons du monde. Après 83 ans d’histoire, le fournisseur de la mégapole tokyoïte en fruits de mer et haut lieu touristique va quitter ses gigantesques hangars délabrés aux toits de tôle ouverts à tous les vents, pour rouvrir jeudi sur un site flambant neuf dans la baie de Tokyo.

Un crève-cœur pour les vétérans comme Hisao Ishii, qui dit comprendre que le vieux Tsukiji aux allures insalubres, tout chaleureux qu’il était, ne pouvait plus durer. « J’en pleure presque », confie à l’AFP cet homme de 68 ans, ancien commissaire priseur revenu sur les lieux pour vivre le grand départ. « Aujourd’hui est un jour triste, un jour d’adieux. Tsukiji a essayé de tenir mais il vieillit. » « Je suis venu le remercier et lui dire au revoir. »

Avant l’aube, les acheteurs de toujours en bottes de caoutchouc arpentaient dans le calme le grand hangar réfrigéré où étaient alignés des centaines de thons frais ou surgelés.  Comme à leur habitude, ils tâtaient des morceaux de chair entre leurs doigts, inspectaient à la lampe de poche les entrailles des mastodontes de la mer et échangeaient avec leurs concurrents des avis de connaisseurs.

Soudain à six heures pile le silence a été rompu par les cloches annonçant la vente, suivies du brouhaha de l’annonce des prix aux acheteurs qui renchérissaient par gestes. Ces enchères du thon sont devenues célèbres non seulement pour leurs rituels spectaculaires mais parce que la prestigieuse vente du Nouvel an fait monter les prix à des niveaux extravagants.

Un record de 155,4 millions de yens, ou 1,2 million d’euros (au cours actuel) avait été déboursé lors de la première criée de 2013 par le restaurateur Kiyoshi Kimura pour un thon rouge de 222 kilogrammes. Le déménagement vers le site de Toyosu était étudié depuis des années. Des grossistes avaient manifesté leur inquiétude sur la résistance aux séismes des vieilles structures, la salubrité de ces lieux infestés de rats, et l’usage d’amiante dans certains des bâtiments en état de délabrement.

Les touristes qui attendaient des heures dans l’espoir d’obtenir une des 120 places accordées pour assister au spectacle de la vente du thon irritaient aussi les grossistes, qui y voyaient une entrave au travail quotidien du marché. Sur le nouveau site aux systèmes de réfrigération ultramodernes, les visiteurs seront confinés dans des galeries spéciales séparées par des vitres.  Fraîchement élue, en 2016, la gouverneure de Tokyo Yuriko Koike avait remis en cause le dossier en raison de problèmes de pollution du sol à Toyosu, où se trouvait avant une usine à gaz, pour évaluer l’hypothèse de reconstruire Tsukiji à Tsukiji.

Le gouvernement local a dépensé des centaines de millions d’euros pour nettoyer le nouveau site et elle a finalement tranché fin 2017 pour Toyosu, en prenant aussi en compte les conséquences d’un nouveau retard sur d’autres travaux, en l’occurrence ceux des voies passant via Tsukiji pour l’accès aux installations des jeux Olympiques de 2020. Outre les poissonniers, ce déménagement a des conséquences pour les vendeurs de fruits et légumes de Tsukiji qui est aussi une grande place du commerce de gros des primeurs, ainsi que pour les restaurants et boutiques qu’il abrite.

« Je me sens nostalgique car Tsukiji a été comme ma maison pendant 15 ans. Nous sommes tristes de perdre la marque Tsukiji », dit à l’AFP le grossiste en légumes Tsukasa Kujirai, « entre espoir et craintes » au sujet du nouveau site. Mais l’activité du marché a battu samedi son plein comme si de rien n’était. Mini-véhicules et chariots à fourches fonçaient sur les voies entourant le marché, tandis qu’à l’intérieur les allées aux pavés humides bordées de chariots rafistolés et d’étals de bois d’où pendent de vieilles ampoules à incandescence étaient emplies d’acheteurs.

Après le départ, les hangars abritant les marchands et quelques boutiques et restaurants seront démantelés pour laisser la place, dans un premier temps, à un dépôt de transports pour les jeux Olympiques de 2020. Le marché extérieur, fait d’un fouillis compact de minuscules restaurants de sushi et boutiques qui vendent de tout, du café aux algues en passant par la coutellerie, restera, lui, le seul souvenir de Tsukiji.

D.C avec AFP

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