Bruno Le Maire, Gabriel Attal, Élisabeth Borne… La commission des finances du Sénat tente mardi d’attribuer des responsabilités au dérapage budgétaire, après avoir auditionné plusieurs dirigeants qui se sont souvent renvoyé la balle, défendant leur bilan.
À qui la faute ? Voilà, en substance, la question à laquelle les sénateurs veulent répondre dans un rapport sur l’explosion du déficit public, attendu à 6,1% du PIB fin 2024, contre 4,4% prévus initialement. Déficit qui ne passerait sous les 3% autorisés par l’UE qu’en 2029, faisant de la France un mauvais élève européen.
La mission d’information de la chambre haute, menée en début d’année 2024 et relancée ces dernières semaines face à une dégradation des comptes bien plus inquiétante que prévu, touche à sa fin juste avant que le Sénat ne se saisisse du projet de budget de l’État, examiné dans l’hémicycle à partir du 25 novembre.
Des conclusions attendues
Les conclusions doivent être présentées à la presse mardi à 14h00. Et l’Assemblée nationale s’apprête à prendre le relais : elle mènera dans les prochaines semaines une commission d’enquête sur le même thème.
Le dossier est ultrasensible, en plein cœur d’un automne budgétaire à haut risque pour le gouvernement de Michel Barnier, menacé de censure par les oppositions à l’Assemblée nationale, où le camp gouvernemental est très minoritaire.
Une crise politique, en cas de renversement du gouvernement sur le budget, « déclenchera une crise financière », s’est inquiété mardi sur RTL l’ancien Premier ministre Édouard Philippe.
Ce constat a convaincu le Sénat d’accélérer la manœuvre, pour rendre ses conclusions avant l’examen du budget, avec l’espoir de crever l’abcès pour éviter de rééditer de nouvelles « erreurs de pilotage ». « Qui savait, dès 2023, que la situation budgétaire de la France était critique ? Des alertes au plus haut niveau ont-elles été lancées, et si oui, quand ? », s’interrogent la commission des Finances et ses deux figures de proue, le président socialiste Claude Raynal et le rapporteur LR Jean-François Husson.
Les deux sénateurs ont été plutôt offensifs vis-à-vis des personnalités auditionnées, en premier lieu les deux anciens Premiers ministres Gabriel Attal et Élisabeth Borne. Ils estiment en effet que les services de l’État disposaient d’informations sur le dérapage des finances publiques et que le gouvernement a tardé à agir ou communiquer sur le sujet fin 2023 et début 2024.
Ils s’appuient notamment sur diverses notes internes du Trésor, ainsi que sur une missive envoyée le 13 décembre 2023 par Bruno Le Maire à Élisabeth Borne, alors respectivement ministre de l’Économie et Première ministre, lui recommandant de communiquer sur « le caractère critique de (la) situation budgétaire ».
« Mensonges, calomnies et approximations »
Les anciens responsables se sont eux défendu de toute « dissimulation », assurant tous avoir « maîtrisé la dépense » et réagi avec célérité au fil des actualisations économiques. L’explication, selon eux, réside surtout dans une erreur d’évaluation des recettes fiscales, inférieures de 41,5 milliards d’euros aux prévisions.
« Il y a eu un accident sur les recettes que je reconnais bien volontiers », admet l’ancien ministre de l’Économie, avant de qualifier de « mensonges, calomnies et approximations » les accusations portées contre lui, par le Sénat.
L’interview #explosif de Bruno Le Maire avec notre ami @TomBenoit_ Camouflage des comptes publics des erreurs à coup de #milliards etc..à relayer sans modération pic.twitter.com/KGWOsw9QCZ
— 🕊️Myriam🕊️Sauvons L’humanité🕊️@CelebritesSM🕊 (@Resistance_SM) August 18, 2024
Mais pour la représentation nationale, « il est normal d’essayer de comprendre ce qu’il s’est passé, les responsabilités de chacun », note M. Husson.
Particulièrement ciblé, Bruno Le Maire a concentré ses explications sur la gestion du dossier par ses successeurs, reprochant au gouvernement Barnier de ne pas avoir « mis en œuvre » des mesures de redressement préparées durant l’été par l’équipe démissionnaire après la dissolution. Celles-ci auraient permis, selon lui, de « contenir le déficit pour 2024 à 5,5%, sans augmentation d’impôts ».
La gauche n’a pas manqué l’occasion de relever ce manque de cohésion dans l’actuel « socle commun » gouvernemental, qui cherche toujours son unité. « Quand vous avez un ministre qui dit que la responsabilité est chez les suivants, on a du mal à suivre. Avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis », raille Claude Raynal.
Si Gabriel Attal a défendu son ancien ministre – fustigeant un « procès politique et médiatique scandaleux » à son encontre -, Élisabeth Borne a de son côté reconnu avoir été « alertée » sur le risque de dérapage par Bercy dès décembre 2023… Mais « sans qu’on soit en mesure, à ce moment-là, de savoir quel était l’ordre de grandeur » de l’explosion du déficit, a-t-elle ajouté, assurant avoir « largement pris (sa) part » dans le redressement.
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