Existe-t-il une « bonne » dette publique ? Oui, répondent la plupart des économistes, si elle sert à investir pour verdir et moderniser l’économie, et non à financer les dépenses courantes. Mais distinguer la « bonne » dette de la « mauvaise » n’est pas toujours facile.
« Ce qui est embêtant, c’est quand l’État s’endette pour ses dépenses de fonctionnement, ce qui est le cas actuellement même s’il investit par ailleurs », déclare à l’AFP Lisa Thomas-Darbois, responsable du pôle économie et action de l’État à l’Institut Montaigne.
Attention cependant à ne pas « réduire la dette publique à tout prix », avertit l’économiste Éric Monnet de l’École économique de Paris, car il y a bien « une bonne dette ». « Il y a de forts besoins aujourd’hui, notamment sur des questions centrales comme l’éducation, la santé et le vieillissement de la population. Ce sont des domaines où on s’est rendu compte que l’État fait mieux que le privé », argue-t-il.
« Fléchage » vers des cibles de dépenses
« Beaucoup d’économistes » plaident donc pour qu’il y ait un « fléchage » d’une partie de la dette levée par l’État vers des dépenses d’investissement bien identifiées, explique Lisa Thomas-Darbois.
Des cibles de dépenses seraient ainsi déterminées et remplaceraient avantageusement les critères de Maastricht, ces plafonds de dette et de déficit publics que la France n’a plus respectés depuis 2002. Mais le fléchage d’une partie de la dette vers des politiques spécifiques suppose de rompre avec le principe bien établi de « non-affectation budgétaire ».
Car aujourd’hui, les titres de dette émis par le trésor public viennent alimenter un pot commun (le budget de l’État) sans pouvoir être fléchés vers telle ou telle politique publique.
Distinguer dépenses de fonctionnement et d’investissement est en définitive une question politique, selon Anne-Laure Kiechel, fondatrice du cabinet Global Sovereign Advisory. Alors qu’elles sont souvent considérées comme des dépenses courantes, cette cheffe d’un cabinet qui conseille des gouvernements et des bailleurs de fonds multilatéraux, a « toujours considéré que les dépenses dans l’éducation étaient des dépenses d’investissement ».
En effet, « à partir du moment où ce sont des dépenses qui sont faites pour que les générations futures soient mieux formées, ça augmente le capital humain de votre pays et donc le potentiel de revenu qui peut être généré ».
« La transition écologique et sociale » : un investissement prioritaire
Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévisions de l’OFCE, juge également qu' »on ne peut pas avoir un angle de vue uniquement budgétaire » sur la dette publique. « Générer de la croissance, de l’innovation, être efficace et sobre, avoir des capacités de production énergétiques décarbonées, c’est important ». Ainsi les États-Unis « préfèrent s’endetter et rester dans la course vis-à-vis de la Chine », ce qui leur a permis « de réaffirmer une sorte de leadership mondial sur l’investissement dans la transition écologique », affirme-t-il.
Mais la volonté des créanciers de financer la décarbonation de l’économie est directement liée au retour sur investissement qu’ils en escomptent dans 5, 10 ou 15 ans, qui peut être difficile à anticiper. Pour Lisa Thomas-Darbois, il faut se demander si « l’investissement a été mené et ciblé sur les bonnes technologies, au bon moment, auprès des bonnes industries ». Certains des investissements nécessaires pour décarboner et restaurer les écosystèmes sont loin d’avoir une rentabilité financière avérée, réplique Jézabel Couppey-Soubeyran, professeure d’économie monétaire et financière à Paris Panthéon Sorbonne.
« Si on veut faire la transition agricole sans indemniser les agriculteurs au fur et à mesure qu’ils changent de modèle, on n’y arrivera pas », prévient cette économiste hétérodoxe qui plaide dans ce cas pour un financement direct des Etats par les banques centrales, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui par le mandat de la Banque centrale européenne (BCE). Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, la transition écologique et sociale ne peut passer que par « un financement véritablement public, pas un financement public de marché, et ça ne peut être qu’un financement sans remboursement », équivalent à de la « création monétaire fléchée sans contrepartie financière ».
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