En Chine, il existe deux différents types de livres pour poser le bilan économique du pays. Le premier type est conforme à la ligne officielle du Parti communiste chinois (PCC), mais les données qui s’y trouvent sont fausses. Ces livres sont accessibles au public. L’autre type contient les vrais chiffres. Cependant, ces seconds livres ne sont accessibles qu’aux responsables du Parti, ou au marché noir.
C’est ce qu’affirme Christopher Balding, qui a enseigné l’économie à la Peking University Business School de Shenzhen pendant neuf ans, jusqu’en 2018. Cette année-là, M. Balding a perdu son poste à l’université après avoir exprimé des doutes sur les pratiques de censure de Pékin. Il a ensuite quitté la Chine, inquiet pour sa sécurité.
Si la plupart des personnes ont conscience que le PCC censure la population et pratique de ce fait une censure « du haut vers le bas », elles ne réalisent généralement pas l’ampleur de la censure au sein de l’énorme bureaucratie elle-même. C’est ce que M. Balding, qui réside désormais aux États-Unis, éclaire lors de l’émission « American Thought Leaders », (Maîtres à penser américains) d’EpochTV.
« Il y a aussi une censure… sur la façon dont l’information est transmise en haut », explique M. Balding. « Personne ne va dire à son patron : ‘Hé ! Nous avons eu une mauvaise période cette année !' »
« Chairman Xi [Jinping] holds many titles…The only title that really matters is that he is the chairman of the Chinese Communist Party…Even the head of state is answerable to the [#CCP]. »
Deep-dive w/ #China expert @BaldingsWorld
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— American Thought Leaders ?? with @JanJekielek (@AmThoughtLeader) October 25, 2021
Selon M. Balding, « il existe des livres absolument différents » concernant les données économiques en Chine.
Les autorités régionales chinoises l’ont même admis ces dernières années. En janvier 2017, les autorités de la province du Liaoning (nord-est de la Chine) ont avoué avoir gonflé les données économiques de la province de 2011 à 2014. Un an plus tard, une ville de Mongolie intérieure, dans le nord de la Chine, a révisé ses statistiques économiques de 2017 après avoir concédé qu’elle avait intégré de « faux ajouts ».
Christopher Balding raconte une anecdote lors de son séjour. Un jour, un fonctionnaire chinois lui explique qu’un de ses collègues travaillant dans une branche locale du bureau national des statistiques vient d’être arrêté pour avoir vendu les vraies données économiques.
Christopher Balding demande à son interlocuteur si ce dernier sera accusé de corruption ou d’infraction à la sécurité nationale, ce à quoi le fonctionnaire répond : « Oh ! Sécurité nationale ! Nous ne pouvons pas rendre ces informations publiques. »
« Rien que d’entendre la confirmation qu’il y avait de vraies données et de fausses données, je pense que c’est assez révélateur », déplore-t-il.
Selon M. Balding, ce système à deux vitesses donne lieu à travers le pays à un « marché noir florissant des données ».
Cependant, il est toujours plus difficile de fausser les chiffres, ajoute-t-il. Plus précisément, Pékin a toujours davantage de mal à faire concorder les données manipulées avec d’autres statistiques plus compliquées à détourner, notamment en ce qui concerne les phénomènes observables, telles que la qualité de l’air ou la pollution lumineuse.
Le rapprochement des chiffres de l’activité industrielle d’une région avec les données sur la qualité de l’air peut être révélateur, précise-t-il. Les données économiques fournies par une province ayant une importante base de fabrication d’acier peuvent être recoupées en analysant les niveaux de qualité de l’air de la région. Si la qualité de l’air de la province est bonne, il est probable que les fabricants d’acier ont brûlé moins de charbon. Ainsi, il sera difficile de croire que la région présente des niveaux élevés d’activité économique
Evergrande
Beaucoup s’interrogent. Le régime chinois peut-il et souhaite-t-il sauver Evergrande ? Selon M. Balding, la réponse est simple.
Le PCC « peut indubitablement faire disparaître ce problème très facilement », explique-t-il, en précisant que les 300 milliards de dollars de dettes d’Evergrande ne représentent qu’une fraction du PIB du pays.
Mais, dans cette saga, la question clé est de savoir si les difficultés du groupe immobilier peuvent se répercuter sur d’autres secteurs de l’économie chinoise, tels que la grande distribution ou les finances.
« Le risque n’est pas seulement Evergrande », explique M. Balding. « La vraie question est de savoir si [Pékin] peut gérer cela de sorte que les gens ne perdent pas confiance en d’autres industries de l’économie chinoise, qu’il s’agisse de l’immobilier, d’un distributeur en aluminium, d’un producteur de ciment ou d’une banque. »
Le 24 octobre, Evergrande a annoncé que les travaux avaient repris sur plus de 10 projets immobiliers à travers 6 villes chinoises. La société n’a cependant pas révélé le nombre de chantiers suspendus parmi les quelque 1 300 essaimés à travers le pays.
M. Balding signale des problèmes potentiels dans une banque chinoise, la Ping An Bank, dont le siège est situé dans la ville de Shenzhen, dans le sud de la Chine.
Selon Reuters, dans son rapport annuel publié le 20 octobre, la Ping An Bank a indiqué que ses prêts spéciaux (tout à fait exceptionnels) et impayés avaient augmenté de 37,3 % au troisième trimestre, par rapport à la fin de l’année 2020, la hausse des prêts en souffrance étant due à une crise de liquidité chez Shenzhen Baoneng, un conglomérat de services immobiliers et financiers.
« Les gens font confiance à une banque parce qu’ils peuvent y aller et obtenir leur argent », explique M. Balding. « Si les gens perdent confiance dans la banque, même si la banque a encore un bon bilan, cette banque va s’effondrer parce que tout le monde va vouloir aller récupérer son argent. »
Cependant, les troubles issus de la crise d’Evergrande resteront globalement cantonnés à l’intérieur des frontières chinoises, selon l’économiste.
« Il n’y a pas beaucoup de financements provenant de l’extérieur vers l’immobilier chinois. Il n’y a pas beaucoup de financements dans les entreprises d’aluminium chinoises », explique M. Balding. « On peut toutefois constater que certaines entreprises ou secteurs spécialisés et directement concernés éprouvent de grandes difficultés. »
Ces entreprises pourraient inclure les fabricants étrangers de minerai de fer, suppose-t-il, car les sidérurgistes chinois réduisent leurs achats de matières premières.
L’économie chinoise
Evergrande n’est pas la seule entreprise chinoise à s’être accrue tout en s’endettant pour finalement se retrouver en difficulté. Selon M. Balding, il s’agit d’un problème national.
La Chine est un « pays lourdement endetté », affirme-t-il, « le ménage chinois est plus endetté que le ménage américain ».
« Si l’on compare l’endettement des ménages chinois à celui de la Russie ou du Mexique, qui sont assez proches en termes de revenu par habitant, on constate que les ménages chinois sont beaucoup plus endettés », ajoute-t-il, en précisant que la plupart de ces dettes sont liées au marché immobilier.
Selon le South China Morning Post, le taux d’endettement des ménages chinois a atteint le niveau record de 130,9 % du revenu disponible fin 2020. La dette des ménages chinois s’élevait à 61,3 % du PIB au premier trimestre de 2021.
« Vous ne pouvez tout simplement pas faire progresser une économie avec les niveaux d’endettement que nous observons », souligne M. Balding.
Des niveaux d’endettement qui vont « considérablement restreindre » la capacité de dépense à l’avenir, les dépenses liées aux produits de luxe ou aux formations à l’internationales, entre autres.
Selon M. Balding, cette dépendance à la dette, la crise d’Evergrande et d’autres tendances se conjuguent pour précipiter le pays sur un terrain économique dangereux. Cependant, pour évaluer une potentielle crise financière, il faut tenir compte d’un facteur clé avant tout : le système politique chinois.
Selon M. Balding, le moment où la Chine sera confrontée à une crise financière est « une question d’ordre politique plus que d’ordre économique ou financier ».
Les régimes autoritaires, tels que le PCC, peuvent difficilement se permettre de gérer des turbulences économiques.
« S’il y a une crise financière dans un État autoritaire, cela ne se termine pas bien pour les dirigeants », affirme M. Balding. Le problème devient alors une « question de survie » pour le régime communiste.
Tout cela signifie que le dirigeant chinois Xi Jinping sera probablement prêt à faire tout ce qu’il faut pour résoudre la crise.
« Il n’y a pas de chèque trop gros qu’il ne signera pas », estime M. Balding. « Il n’y a pas de renflouement trop important qu’il ne sera pas prêt à faire ».
Parce qu’en définitive, Xi Jinping « ne veut pas gouverner une Chine qui s’effondre ».
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