Des chimistes aux fonderies d’acier ou d’aluminium, en passant par les verriers ou les papetiers, partout en France les responsables des industries de base, grandes consommatrices d’énergie, font remonter depuis des mois au gouvernement leurs difficultés à survivre face à une concurrence exacerbée, mais aussi à l’intransigeance d’EDF sur ses tarifs pour l’après 2025.
Alors que ces industriels jouent leur « survie » à cause d’un prix de l’électricité trop élevé, EDF a annoncé récemment la mise aux enchères de quotas d’électricité en 2026, afin de rentabiliser l’entreprise et amortir les investissements colossaux à venir.
Le 21 mars, le PDG du géant français de l’électricité, Luc Rémont, était remercié, le président Emmanuel Macron lui préférant l’industriel Bernard Fontana pour « accélérer » le chantier de la relance du nucléaire. En jeu, freiner la désindustrialisation française et baisser les prix de l’électricité, afin de rester dans la compétition internationale.
Des tarifs de l’électricité prohibitifs pour l’industrie française
« Un bras d’honneur à l’industrie française », c’est en ces termes que le patron du groupe Saint-Gobain, Benoît Bazin, critiquait publiquement les tarifs jugés prohibitifs de l’électricité proposés aux industriels par EDF.
« Le prix de l’électricité pourra doubler, donc il n’y aura pas de maintien de l’industrie en France voire de réindustralisation et de décarbonation, si on marche sur la tête comme on est en train de marcher sur la tête », a-t-il continué lors d’une interview sur BFM.
Au centre des critiques, la décision annoncée début mars par EDF de mettre aux enchères – c’est-à-dire de vendre au plus offrant – des quotas d’électricité, alors que l’électricien s’était engagé en novembre 2023 à proposer de l’électricité sous forme de contrat à long terme à tarif compétitif aux industriels.
« L’industrie française ne peut pas fonctionner avec une entreprise nationale qui a été construite avec le contribuable français et qui aujourd’hui ne remplit pas sa mission de partenariat historique avec l’industrie française », a-t-il estimé.
Fin du dispositif Arenh, début des ennuis
Les industriels français s’inquiètent en effet d’une initiative récente de l’électricien français. Depuis plus d’une décennie, les gros clients d’EDF disposent d’une électricité à prix cassé, à 42 euros/MWh, bénéficiant d’une décision bruxelloise qui avait imposé à EDF la création d’une forme de concurrence pour tenter d’amoindrir son monopole de fait.
Baptisé Arenh, le système impose à EDF de céder à des concurrents, distributeurs ou industriels « électro-intensifs » (gros consommateurs) des quotas d’électricité à bas prix. Cela était mal vécu par EDF, qui vendait de fait de l’électricité en dessous de son prix de revient, alors qu’il était lui-même confronté à des besoins d’argent pour financer les nouveaux programmes nucléaires annoncés par l’Élysée.
Pour « l’après-Arenh », EDF avait proposé des contrats de moyen et long terme à destination des entreprises, avec l’objectif d’atteindre un prix moyen de 70 euros sur 15 ans pour un mégawattheure de son électricité nucléaire. Une offre mal reçue par la cinquantaine de gros industriels de l’aluminium, de la chimie, de l’acier ou du verre.
Or, les négociations commerciales pour remplacer le système Arenh, qui va prendre fin en décembre 2025, n’aboutissent pas et ont tourné récemment au bras de fer. EDF a annoncé le 20 mars qu’elle allait proposer des contrats d’électricité à travers un système d’enchères européennes.
Cette annonce a eu l’effet d’une douche froide. L’association Uniden, qui représente les industriels les plus consommateurs d’énergie, a dénoncé une « attitude incompréhensible » d’EDF qui « préfère clairement vendre aux plus offrants plutôt qu’à ceux qui en ont besoin », a tempêté l’Uniden.
Une augmentation des prix massive dans les 15 prochaines années
Alors qu’EDF vient d’annoncer des bénéfices record pour 2024, avec 11,4 milliards d’euros de profits engrangés, on s’attend à des « hausses massives » des tarifs de l’électricité d’ici 2026.
Selon la Commission de régulation de l’énergie, cette augmentation du prix de l’électricité est liée à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et au développement significatif du nombre de raccordements des éoliennes ou des champs de panneaux solaires au réseau électrique.
Dans le futur plan de 100 milliards d’euros de RTE (qui s’occupe du réseau électrique français à haute tension), le coût du raccordement des énergies renouvelables est estimé à 53 milliards d’euros qui seront répercutés sur la facture des Français et des entreprises françaises. Enedis (ex-ERDF), qui gère le réseau des lignes à basse tension, a annoncé également un plan d’investissement de 96 milliards d’euros d’ici 2040 pour adapter son réseau aux énergies renouvelables (hors nucléaire).
Dans ses hausses à venir du prix de l’électricité ne sont pas comptées le coût des futurs projets de développement du nucléaire voulus par le gouvernement. L’État a en tête « des échéances majeures qui arrivent », avec une « décision finale d’investissements » attendue en 2026, étape cruciale pour lancer le chantier du nucléaire français, affirme la source étatique proche du dossier.
Le gouvernement s’inquiète de la désindustrialisation
Le ministre de l’Énergie et de l’Industrie, Marc Ferracci, soucieux d’éviter une désindustrialisation du pays, a multiplié ces dernières semaines les visites d’usines.
Partout, les chefs d’entreprise lui font part des difficultés à négocier et obtenir des tarifs d’électricité acceptables pour leur compétitivité. Un sommet sur l’acier a été organisé récemment à Bercy, où le prix de l’énergie a été au cœur des débats. L’industrie chimique se dit aussi étranglée.
Avec un solde négatif d’ouvertures et de fermetures d’usines en 2024, la tendance globale de réindustrialisation enclenchée en France s’est inversée. Le gros de la crise est lié à des coûts de l’énergie trop élevés par rapport aux États-Unis et à la Chine, résumait Olivier Lluansi, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
Le PDG d’EDF, Luc Rémont, remplacé par Bernard Fontana
Dans ce contexte, le patron d’EDF, Luc Rémont, dont le mandat d’administrateur arrivait à l’échéance à l’été, ne va pas être reconduit à son poste. Emmanuel Macron prévoit de le remplacer par le directeur général de Framatome, Bernard Fontana, pour conduire le chantier pharaonique de la relance du nucléaire.
Luc Rémont avait été nommé par l’Élysée en novembre 2022, pour redresser la production nucléaire du groupe, très lourdement endetté, tout en conduisant la généralisation sur le territoire des énergies renouvelables très coûteuses.
Le non-renouvellement de son mandat intervient quelques jours après un conseil de politique nucléaire (CPN), réuni par le Président. L’État avait alors sommé EDF « d’amplifier les actions de maîtrise des coûts et du calendrier » du programme nucléaire sur des dizaines d’années, synonyme de gros investissements, selon un communiqué diffusé par l’Élysée.
L’État espère avec Bernard Fontana trouver une meilleure combinaison entre les financements dans le nucléaire et le maintien des objectifs européens de décarbonation avec les énergies renouvelables – le tout sans trop augmenter les prix de l’électricité pour les industries françaises.
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