Selon Marcin Kedzierski, professeur assistant au département des relations internationales de l’université d’économie de Cracovie en Pologne, le succès des groupes de droite aux élections européennes ne se traduira pas nécessairement par un « changement certain de l’orientation de la politique européenne ».
« Plus le taux de participation est faible, meilleurs sont les résultats pour les eurosceptiques, car [leurs électeurs] sont plus mobilisés pour aller voter », a-t-il affirmé à Epoch Times.
Dans la plupart des pays, les élections européennes attirent moins d’électeurs que les élections nationales, observe M. Kedzierski.
Même avec un score élevé, les candidats de droite ne seront pas en mesure de former une coalition de gouvernement au Parlement européen, précise M. Kedzierski.
« Cette coalition sera formée, comme toujours, par le centre-droit du Parti populaire européen, le centre-gauche du Parti social-démocrate, les libéraux de Renouveau européen et les Verts, » ajoute-t-il.
Renouveau européen est le troisième groupe politique du Parlement européen.
Rôle du Parlement européen
Le système politique de l’UE est complexe car l’Union agit un peu comme un État, mais son parlement ne fonctionne pas comme un parlement national, explique M. Kedzierski.
Les lois de l’Union européenne sont élaborées conjointement par le Parlement européen, dont les membres sont élus, et le Conseil de l’Union européenne, composé des ministres nationaux de chaque gouvernement des 27 nations membres de l’Union, indique M. Kedzierski.
Ces deux institutions doivent parvenir à un accord sur les dispositions législatives spécifiques, ajoute-t-il.
Dans le passé, le Parlement européen se contentait de donner son avis et ne prenait aucune décision, note M. Kedzierski. Mais son rôle a évolué d’une élection à l’autre et le Parlement a progressivement gagné en influence.
Le système d’influence de l’UE se compose de trois niveaux interdépendants : les États membres, y compris les grandes économies comme l’Allemagne, la France et l’Italie ; les institutions européennes, comme le Parlement et la Commission européenne ; et le niveau du lobbying, incluant les entreprises, les organisations non gouvernementales et d’autres, mentionne M. Kedzierski.
L’intégration européenne
L’intégration européenne opère au niveau économique, politique et social par le biais de la coopération entre les pays européens, essentiellement sous l’impulsion de l’Union européenne. Selon M. Kedzierski, les résultats des élections pourraient apporter une nouvelle tendance ou une nouvelle compréhension de l’intégration européenne.
Depuis sa création, l’UE a connu des périodes d’intégration accélérée et des périodes de ralentissement dans le processus d’intégration.
Les ralentissements sont généralement le résultat de crises, comme la crise pétrolière des années 1970, la crise financière mondiale de 2008, la crise de la dette grecque après l’entrée dans la zone euro, la crise de l’immigration illégale en 2015 et la guerre en Ukraine, observe M. Kedzierski.
« Il est clair que cette période de crises touche à sa fin et que nous entrons dans une phase où il sera possible de donner un nouvel élan à l’intégration européenne, » dit-il.
Les pays clés que sont l’Allemagne et la France « ont toujours déterminé la forme du processus d’intégration européenne », souligne M. Kedzierski.
Toutefois, les politiques des deux pays diffèrent.
La politique française est que « ce qui est bon pour la France doit être bon pour l’Union européenne », commente M. Kedzierski. La politique allemande est que « ce qui est bon pour l’Union est bon pour l’Allemagne », mais ce qui est bon pour l’Union est déterminé par l’Allemagne.
L’union politique signifie de facto une union fiscale pour les membres de l’UE, ajoute-t-il. « Les Allemands savent que ce ne sont pas les Français, mais eux-mêmes qui devront payer. »
« Étant donné que l’Allemagne a tiré le plus grand profit de l’intégration dans la zone euro, on s’attend à ce qu’elle partage un peu avec les pays les plus pauvres de l’Union qui perdent aujourd’hui à cause de cette intégration », observe M. Kedzierski. « Mais l’Allemagne ne voit pas les choses ainsi. »
L’Europe à plusieurs vitesses
L’idée d’approfondir l’intégration européenne est apparue dans les années 1950. Mais ce n’est qu’à la fin des années 1990 qu’une approche de l’intégration connue sous le nom d’ « Europe à plusieurs vitesses » s’est développée, explique M. Kedzierski.
Ce concept repose sur le principe que les différents États membres s’intègrent à des rythmes différents dans l’Union. Par exemple, les pays membres peuvent se trouver à des niveaux d’intégration différents au sein de la zone euro ou de l’espace Schengen sans frontières.
« Pour l’instant, nous avons deux catégories officieuses d’adhésion », indique M. Kedzierski. « Il y a des pays plus intégrés et d’autres qui le sont moins. »
Si l’Ukraine rejoint l’UE, cela pourrait marquer le début d’une troisième catégorie, ajoute-t-il.
La question de savoir s’il faut renforcer l’UE en approfondissant l’intégration entre les membres ou en élargissant l’Union par l’admission de nouveaux États membres est débattue depuis longtemps.
M. Kedzierski souligne qu’il est possible de faire les deux.
En février, le Parlement européen a adopté une résolution intitulée « Approfondir l’intégration de l’UE dans la perspective d’un futur élargissement ».
Charles Michel, président du Conseil européen, a annoncé en novembre 2023 que l’Union européenne devait être prête à accueillir l’Ukraine d’ici 2030.
« Cela ne signifie pas que l’Ukraine entrera alors dans l’Union, mais [l’UE] doit être prête à admettre l’Ukraine », mentionne M. Kedzierski.
En outre, six pays des Balkans, la Géorgie et la Turquie ont obtenu le statut de candidat et sont en train de réformer leur législation nationale pour se conformer aux normes de l’UE, selon le site web de l’UE.
L’euroscepticisme
Les membres des groupes politiques de droite du Parlement européen ont souvent une vision critique de l’UE et de l’intégration européenne. Selon M. Kedzierski, cela s’explique par la désillusion croissante de l’opinion publique à l’égard de l’UE.
Citant Branko Milanovic, économiste à la Banque mondiale, il remarque que « la mondialisation a certes enrichi de nombreuses personnes dans le monde, mais le groupe qui a le plus perdu est celui de la classe moyenne des pays développés ».
Une grande partie des électeurs des pays de l’UE comme l’Allemagne, la France, l’Italie ou l’Espagne a l’impression « que les choses ne vont pas dans la bonne direction », note M. Kedzierski.
Les jeunes dans la vingtaine ou la trentaine sont convaincus que leur situation sera pire que celle de leurs parents.
« On pensait que l’Union européenne résolvait les problèmes des Européens au fil des ans et améliorait le niveau de vie. Mais aujourd’hui, l’opinion publique européenne, en particulier en Europe occidentale, a l’impression que l’Union européenne ne crée plus d’opportunités mais les détériore », analyse M. Kedzierski.
Les jeunes, ne voyant pas l’UE s’attaquer à leurs problèmes, ont commencé à chercher des solutions dans leurs États nationaux, explique-t-il.
« C’est ce qui explique la renaissance des partis nationaux, que ce soit en Allemagne, en France, en Italie ou dans d’autres pays de la vieille Europe. »
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