Des eurodéputés conservateurs souhaitent restreindre le nombre d’élevages soumis aux plafonds d’émissions polluantes de l’UE lors d’un vote mardi, quitte à faire dérailler l’accord déjà trouvé avec les États membres et très critiqué par le secteur agricole, qui manifestera le même jour à Strasbourg.
La Commission européenne avait proposé en 2022 d’étendre considérablement l’application d’un texte sur les « émissions industrielles » qui impose aux usines et aux gros élevages porcins et de volailles des normes de rejets polluants (oxyde d’azote, méthane, ammoniac via le lisier…).
Après d’âpres tractations, les négociateurs des États et du Parlement européen s’étaient mis d’accord fin novembre pour continuer d’exempter les élevages bovins, contrairement à ce que réclamait Bruxelles. Mais ils avaient entériné un abaissement des seuils pour cibler davantage d’élevages : installations porcines dès 350 « unités gros bétail » (UGB) soit environ un millier de porcs, et de poules pondeuses dès 300 UGB (quelque 20.000 poules).
Ces nouveaux seuils, qui s’appliqueraient progressivement à partir de 2030, sont très en-deçà des propositions initiales de Bruxelles qui voulait viser des élevages deux fois plus petits (dès 150 UGB).
L’accord trouvé avec les États doit être entériné formellement mardi par le Parlement européen réuni à Strasbourg, mais de façon inhabituelle à ce stade, un groupe d’élus majoritairement PPE (droite) a soumis des amendements pour le réviser, au risque donc de rouvrir les négociations.
Un sujet qui a alimenté la colère du secteur
Les amendements rétablissent l’exact statu quo des normes actuelles, qui s’appliquent à partir de 2000 porcs et 40.000 poules. « Une majorité » des élus du PPE présents lundi à une réunion du groupe « soutiennent ces amendements, nous avons une position agricole très forte », a indiqué l’élue française Anne Sander, se disant confiante dans les chances de les faire voter en séance plénière.
Le maintien du statu quo est réclamé par le Copa-Cogeca, fédération des syndicats agricoles majoritaires européens, inquiet de « coûts supplémentaires », et le sujet a alimenté la récente colère du secteur. Le texte « mettrait à mal les structures familiales françaises qui n’auront pas les moyens de se payer ces mises aux normes. La production européenne continuerait de diminuer et serait substituée par des importations », s’alarment dans un communiqué les syndicats FDSEA et Jeunes Agriculteurs, appelant à manifester mardi devant le Parlement à Strasbourg.
Des mesures pour accompagner les élevages ?
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, s’était lui-même dit fin février intéressé par des « amendements parlementaires » pour « aboutir au statu quo sur les volailles et porcs » et « ne pas alourdir les procédures ». Alarmées, les ONG environnementales appellent les eurodéputés à valider l’accord de novembre, rappelant qu’il offre déjà de « vastes concessions » aux agriculteurs et que le rouvrir « mettrait en péril » les avancées visant les sites industriels.
Pascal Canfin, président (Renew, centristes et libéraux) de la commission parlementaire Environnement, a évoqué la possibilité d’entériner l’accord mais en réclamant « une déclaration politique » pour clarifier sa mise en œuvre.
Bruxelles serait tenu d’y détailler des mesures de « simplification » et « l’ingénierie financière » pour accompagner les élevages d’ici à l’application en 2030, tout en imposant les mêmes conditions aux produits importés. « Une telle déclaration n’aurait pas de valeur juridique, et nous n’avons aucune confiance dans cette Commission qui n’a pas entendu le monde agricole pendant des mois », objecte de son côté Anne Sander.
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