Baroque, vivante et aussi chaleureuse que son vin, le schilcher, dans lequel se retrouve la couleur dorée du soleil qui illumine le ciel grazois, Graz se dérobe à tous les clichés véhiculés par l’Autriche. La discipline citoyenne y est très germanique : personne n’emporte un journal sans avoir au préalable déposé une pièce dans l’urne, aucun tag ne fleurit sur les murs de la ville et seuls les étrangers osent brûler les feux rouges.
Par ailleurs, le centre historique mêle avec bonheur une architecture renaissance et une ambiance quasi méditerranéenne, on y boit des capuccinos aussi bons qu’en Italie et on y entend les meilleurs concerts de jazz dans des caves bruissantes et enfumées. Les frontières toutes proches de la Hongrie et de la Slovénie ont permis de tisser au cours des générations des liens très étroits entre les peuples et le Grazois se sent plus proche de son cousin slave que de son compatriote viennois. À l’écart des grandes routes touristiques, la ville a toujours échappé aux afflux de touristes et pourtant, tous ceux qui y passent se laissent happer par son charme.
En tram, en vélo ou à pied
La première visite quand on y est, c’est l’ascension du Schlossenberg, la montagne du château, avec un funiculaire vieillot et brinquebalant. Quelques minutes suffisent pour gravir la colline abrupte et le voyage est spectaculaire. Il ouvre des vues saisissantes sur la vallée de la Mur, le long de laquelle la vieille ville s’étire toute en longueur. Vaste îlot protégé d’un côté par le fleuve, de l’autre par la forteresse, véritable échine de pierre dont il ne reste plus que le Schlossberg avec sa célèbre tour de l’horloge qui domine la cité.
Aménagé en terrasses où fleurissent citronniers et grenadiers, glycines et roses, le parc du château attire chaque jour des amoureux qui s’embrassent pour l’éternité sous le regard de l’horloge dont les aiguilles des heures et des minutes sont inversées. Une astuce, dit-on, pour égarer les promeneurs et ralentir le cours du temps. Pour redescendre, il faut emprunter l’escalier « de guerre » de 260 marches, ainsi nommé car ce sont des prisonniers russes qui l’ont construit lors de la première guerre mondiale.
Au pied de la colline, on se laisse surprendre par des bruits inédits pour une métropole qui peut se targuer d’être la seconde d’Autriche après Vienne. Ce sont les roulements sourds des lignes de tram qui sillonnent le centre de Graz pour y déverser son lot de promeneurs. Ce sont encore les tintements aigrelets des timbres de bicyclettes obligées de slalomer entre les piétons qui envahissent les ruelles interdites à la circulation des voitures. Ce sont aussi les cris des enfants qui, en équilibre instable sur une planche ou une trottinette, tentent de se frayer un chemin entre les devantures des boutiques qui envahissent les trottoirs.
Car c’est bien là l’un des premiers charmes de la ville dont le centre appartient entièrement aux piétons : un lacis de ruelles qui d’un passage voûté à une cour intérieure, d’une venelle à une placette, dessine un entrelacs de promenades et vous ramène toujours à la Hauptplatz, la Grand Place qui, avec ses maisons peintes de couleurs pastels et ses arcades, ressemble étrangement à un décor de théâtre italien.
Une ville d’histoires
Un second plaisir est cette invite permanente à la flânerie, le nez en l’air, pour ne rien perdre des multiples surprises que recèlent les façades des anciennes demeures bourgeoises. Graz raconte dans ses murs des histoires d’autrefois qui ne demandent qu’à être déchiffrées par le visiteur curieux et attentif. Les nombreuses potales qui abritent une statuette de la Vierge Marie, les effigies pieuses dédiées à Saint-Christophe ou encore les angelots sculptés qui encadrent les lourdes portes cochères rappellent combien les tribunaux de l’Inquisition furent impitoyables à Graz. 600 femmes furent brûlées vives sur des bûchers dressés sur la Grand Place et la terreur qui s’infiltra dans le cœur des habitants leur inspira d’afficher leur conviction catholique en exhibant leur culte à des effigies répudiées par la religion protestante.
Ailleurs, ce sont des fresques hautes en couleurs qui retracent les exploits des chevaliers de l’Empire sur l’armée turque. Toute la vieille ville est marquée par l’enthousiasme baroque exubérant qui s’empara de la population au lendemain de la victoire définitive de la chrétienté sur le péril ottoman. Des maisons surchargées de stucs colorés, de corbeilles de pierre, de vases de cuivre, d’armoiries, de statuettes, autant de détails qui signent un monde épris de belles apparences et de frivolité. Même la cathédrale dont la silhouette sobre n’affiche aucune richesse surprend par la somptuosité de sa décoration : élégante marqueterie des bancs et des confessionnaux, cristallerie scintillante des lustres, dorure flamboyante de la chaire de vérité, buffet rococo des orgues imposantes…
Une ville universitaire et dynamique
Le même désir de tourner la page a également animé les intellectuels et les artistes qui se sont rencontrés dans les années soixante pour assouvir leur plaisir d’innover au fil d’une inspiration débridée. C’est ainsi qu’est née l’Ecole de Graz. Ce n’est ni un bâtiment scolaire ni une institution d’enseignement mais un courant, une tendance, une mode. Elle fit dire en 1983 à Peter Cook, architecte britannique à la pointe de l’avant-garde, que l’on trouvait dans la ville endormie de Graz une plus grande densité d’architecture contemporaine que dans la ville d’affaires de Manchester. Les réalisations de l’Ecole de Graz sont judicieusement intégrées dans le paysage urbain traditionnel de la ville. Cafés, restaurants, logements sociaux, foyers, universités, aéroport, autant de tendances d’un mouvement qui vise à la transparence et à l’élégance tout en imbriquant les volumes dans une architecture expressive, animée et ludique.
40 000 étudiants fréquentent les trois universités de la ville et ils ont pour la plupart établi leurs quartiers dans le centre historique, derrière les façades restaurées de palais italiens et de maisons bourgeoises qui abritent des logements simples et exigus. Car Graz, c’est aussi une vieille dame qui a subi un lifting tout en apparence sans pour autant avoir pu rajeunir ses artères. L’été, chaque soir, auberges et cafés s’ouvrent sur les placettes et les ruelles qui se transforment en une énorme terrasse baptisée encore Triangle des Bermudes. Il est vrai que le petit vin du pays, le schilcher, un rouge clairet et un peu piquant, a tôt fait de monter à la tête. Et c’est aussi à ce moment-là que chacun succombe au charme de la ville de cœur de l’Autriche.
Christiane Goor, journaliste. Charles Mahaux, photographe. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre.
infos pratiques
Y aller. Avec flyniki.com, de bons prix depuis Paris. Il est possible de louer à la gare centrale entre autres une bicyclette pour parcourir les 75 kilomètres de piste cyclable qui sillonnent la ville de Graz.
Où loger. La ville propose une large gamme d’hôtels, de une à cinq étoiles à prix étonnamment doux pour une métropole. Un guide détaillé accompagné de photos est disponible auprès de l’office du tourisme. L’hôtel Erzherzog Johann, un des plus luxueux, installé dans la vieille ville depuis 150 ans, offre ses services dans un extraordinaire décor baroque pour la somme de 145 à 160 euros pour une chambre double avec petit déjeuner et accès gratuit au sauna (www.erzherzog-johann.com).
Informations. Le bureau du tourisme est installé à côté du Landhaus, Herregasse 16. Graz se laisse découvrir sur www.graztourismus.at et toutes les informations complémentaires peuvent être demandées par courrier électronique à info@graztourismus.at.
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