Cinquante-sept gardiens de prison et policiers, retenus en otage depuis plus de 24 heures par des détenus dans plusieurs prisons de l’Équateur, ont été libérés, a annoncé vendredi l’administration pénitentiaire (SNAI).
Les 50 agents et les sept officiers de police, « qui étaient retenus dans six prisons » du pays, « ont déjà été libérés, ont subi des évaluations médicales pour vérifier leur état de santé et sont en bonne santé », a indiqué le SNAI. Laconique, le communiqué ne donne aucune autre précision sur leur libération ou les circonstances de ces prises d’otages, alors que les autorités ont observé un mutisme complet depuis l’annonce de l’incident la veille.
« Le poste de commandement unifié (PMU) a dirigé l’exécution des actions coordonnées qui ont permis d’atteindre cet objectif », a simplement indiqué le SNAI, affirmant qu’« en ce moment les activités se déroulent normalement dans les centres » pénitentiaires. « Nous sommes inquiets pour la sécurité de nos agents », avait simplement reconnu le ministre de l’Intérieur Juan Zapata, évoquant des « actions planifiées » visant à « garantir leur sécurité ».
Des « organisations criminelles qui cherchent à intimider l’État »
La principale prise d’otage a apparemment eu lieu dans la prison de Cuenca (sud-ouest), où les détenus entendaient ainsi protester contre des opérations de fouilles de leurs cellules. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, relayée par la presse locale mais impossible à authentifier avec certitude, a montré un groupe d’hommes en uniforme, apparemment retenus dans une cellule et appelant le gouvernement à négocier.
Les abords de l’établissement pénitentiaire sont restés complètement bouclés vendredi par trois cordons de forces de sécurité qui empêchaient les véhicules d’approcher à moins d’un kilomètre, a constaté sur place un photographe de l’AFP. Depuis une colline voisine, on pouvait apercevoir trois détenus sur le toit de la prison, l’un d’entre eux vêtu tel un père Noël d’un pyjama, un bonnet sur la tête, et un talkie-walkie à la main.
Selon le SNAI, la prise d’otages était « une réponse des groupes criminels après les interventions de la force publique dans les centres pénitentiaires du pays, dont le but est la découverte d’objets interdits qui sont utilisés pendant les violences » entre détenus qui ont fait quelque 430 morts depuis 2021. « Les mesures que nous avons prises, en particulier dans le système pénitentiaire, ont suscité des réactions violentes de la part d’organisations criminelles qui cherchent à intimider l’État », a déclaré pour sa part le Président Guillermo Lasso sur X (ex-Twitter).
Gangs et narcotrafiquants imposent leur loi
Mercredi, des centaines de soldats et de policiers avaient mené une opération de recherches d’armes, de munitions et d’explosifs dans une autre prison, à Latacunga (sud). Par ailleurs, six Colombiens au lourd passé criminel, incarcérés pour l’assassinat le 9 août de l’un des favoris du premier tour de la présidentielle du 20 août, avaient été transférés.
La prise d’otages est intervenue après l’explosion de deux voitures piégées devant des bâtiments appartenant à l’administration pénitentiaire à Quito, sans faire de victime. Douze personnes, dont une de nationalité colombienne, ont été arrêtées pour ces faits, selon les autorités. Une tentative de mutinerie a par ailleurs eu lieu dans un centre de détention pour adolescents de la capitale.
Descentes de police, fouilles des cellules, transfert de prisonniers… Rien n’y fait : gangs et narcotrafiquants continuent d’imposer leur loi et de s’affronter dans les prisons équatoriennes, où l’État apparaît toujours impuissant à reprendre la situation en main.
L’état d’urgence dans tout le système pénitentiaire pendant 60 jours
Autrefois considéré comme un îlot de paix en Amérique latine, l’Équateur, situé entre la Colombie et le Pérou, les deux plus gros producteurs mondiaux de cocaïne, est frappé depuis plusieurs mois par une vague de violences sans précédent liée au crime organisé et au narcotrafic. Deux bandes, « Los Choneros » et « Los Lobos », réputées travailler avec les cartels mexicains, sont en particulier impliquées dans des terribles massacres entre prisonniers membres de gangs rivaux, avec des victimes brûlées vives ou littéralement découpées à l’arme blanche.
Le 24 juillet, le Président Lasso a décrété l’état d’urgence dans tout le système pénitentiaire du pays pendant 60 jours, une mesure qui permet notamment à l’État d’envoyer l’armée dans les prisons. « (…) Nous sommes fermes et nous ne reculerons pas devant notre objectif de capturer les criminels dangereux, de démanteler les gangs criminels et de pacifier les prisons du pays », a assuré une nouvelle fois jeudi M. Lasso. L’Équateur compte 36 prisons surpeuplées pour 32.200 détenus, la moitié pour trafic de drogue.
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