Les dépenses militaires en Europe ont redépassé en 2022 leur niveau de la fin de la Guerre froide, avec une progression record depuis plus de trois décennies dopée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, selon un rapport de référence publié lundi.
Tous continents confondus, les dépenses militaires ont atteint l’an dernier un nouveau sommet de 2240 milliards de dollars, soit 2,2% du PIB mondial, selon les données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
Il s’agit, à l’échelle planétaire, de la huitième année consécutive de hausse pour les investissements dans les armées. « Ils sont tirés par la guerre en Ukraine, qui pousse les budgets européens vers le haut, mais aussi par les tensions non résolues et croissantes en Asie de l’Est » entre la Chine d’un côté et, de l’autre, les États-Unis et leurs alliés asiatiques, souligne à l’AFP le chercheur Nan Tian, un des coauteurs de l’étude.
En hausse, même en enlevant l’Ukraine et la Russie
Le Vieux continent a dépensé, après déduction de l’inflation, 13% de plus pour ses armées au cours de cette année marquée par l’invasion russe de l’Ukraine, selon le rapport.
C’est à la fois la plus forte croissance enregistrée depuis plus de 30 ans, et le retour – en dollars constants – au niveau des dépenses de 1989, année de la chute du mur de Berlin. « C’est du jamais vu depuis la fin de la Guerre froide », souligne M. Tian.
À elle seule, l’Ukraine a multiplié par sept ses dépenses, qui ont bondi à 44 milliards de dollars – soit un tiers de son PIB. Et ce, sans compter plusieurs dizaines de milliards de donations d’armement venues de l’étranger, précise le Sipri. Les dépenses russes ont, elles, progressé de 9,2%, selon ses estimations. « Mais même si l’on enlève les deux nations en guerre, les dépenses en Europe ont augmenté significativement », souligne M. Tian.
Ces dépenses européennes, qui ont atteint 480 milliards de dollars en 2022, ont déjà augmenté de plus d’un tiers en dix ans, et la tendance devrait continuer à s’accélérer dans la prochaine décennie. On pourrait « potentiellement » voir des niveaux de croissance similaires à 2022 durant plusieurs années, estime le chercheur du Sipri.
Le mois dernier, un autre rapport du Sipri avait montré que les importations d’armement en Europe avaient quasiment doublé (+93%) en 2022, tirées par les livraisons massives vers l’Ukraine devenue troisième destination mondiale.
La France à la huitième place au niveau mondial
Après avoir considérablement baissé dans les années 1990, les dépenses militaires mondiales étaient reparties à la hausse depuis les années 2000. Elles avaient été dans un premier temps tirées par les investissements majeurs de la Chine dans son armée, puis par le regain des tensions avec la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014.
À eux seuls, les États-Unis ont représenté 39% des dépenses mondiales l’an passé. Avec la Chine, numéro 2 (13%), ils représentent plus de la moitié des investissements militaires du globe. Les suivants, Russie (3,9%), Inde (3,6%) et Arabie Saoudite (3,3%) arrivent loin derrière.
« La Chine investit massivement dans ses forces navales, pour accroître sa portée vers Taïwan évidemment et au-delà vers la mer de Chine méridionale », souligne M. Tian. En face, le Japon, mais aussi l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et plus loin l’Australie, tentent de suivre la cadence.
Le Royaume-Uni est le premier européen à la sixième place (3,1% du total mondial) devant l’Allemagne (2,5%) et la France (2,4%) – des chiffres qui incluent les donations à l’Ukraine. Le Royaume-Uni, deuxième donateur derrière les États-Unis, « dépense traditionnellement plus que l’Allemagne et la France et a aussi donné plus que l’Allemagne et la France », souligne M. Tian, accentuant son statut de première nation européenne en termes de dépenses militaires.
En Europe, des pays comme la Pologne, les Pays-Bas ou la Suède font partie de ceux qui ont le plus augmenté leurs investissements militaires au cours de la décennie écoulée.
Des armements modernes mais très onéreux, comme l’avion de combat américain F-35, expliquent aussi certains bonds de dépense, comme pour la Finlande, qui a acquis l’an passé 64 appareils.
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