Ukraine, sécurité, immigration : la tête de liste du Rassemblement national, Jordan Bardella, grand favori des sondages, et sa concurrente macroniste, Valérie Hayer, se sont rendus coup pour coup jeudi lors de leur premier face-à-face de la campagne des européennes.
« Vous avez mille facettes M. Bardella, mais à la fin, un seul visage : celui d’un imposteur », a attaqué lors de ce débat de près de plus de deux heures sur BFMTV la tête de liste de Renaissance, qui fait office de challenger, avec seulement 17% d’intentions de vote, et dans son rétroviseur le candidat des socialistes Raphaël Glucksmann (14%).
Jean-Marie Le Pen « déshonneur » du parti
Tentant de diaboliser le RN, Valérie Hayer a joué la carte Jean-Marie Le Pen. En novembre, M. Bardella avait reconnu une « maladresse » concernant ses propos sur le fait qu’il ne « pensait pas que Jean-Marie Le Pen était antisémite ». Durant le débat, Mme Hayer lui a demandé de déclarer que « Jean-Marie Le Pen a été le déshonneur » de sa formation politique « pendant 50 ans ». « Jean-Marie Le Pen a été condamné pour antisémitisme. Les propos de Jean-Marie Le Pen étaient des propos éminemment antisémites », a répondu la tête de liste RN. « Mais si encore une fois, dix ans après, vous en êtes à appeler Jean-Marie Le Pen au secours, c’est que sans doute vous n’avez pas grand-chose à dire sur ce qui intéresse nos concitoyens », a t-il taclé.
Après avoir commencé par saluer ironiquement le « courage » de son adversaire pour s’être « portée candidate alors que personne ne souhaitait porter dans ces élections européennes les couleurs d’Emmanuel Macron », M. Bardella a accusé Mme Hayer de « faire joujou » avec la guerre en Ukraine.
« La guerre c’est du sérieux Madame »
« Les positions du président sont dangereuses », a lancé Jordan Bardella, en faisant allusion aux propos d’Emmanuel Macron qui a redit ce jeudi qu’il n’excluait pas « un envoi de troupes françaises au sol en Ukraine, sous conditions ». « Je regarde vos votes au parlement européen. Pas une seule fois vous n’avez soutenu l’Ukraine », a répondu Valérie Hayer. « La guerre c’est du sérieux Madame, pas des résolutions votées dans le confort d’un hémicycle », a taclé Jordan Bardella.
Le président du RN, qui caracole en tête des sondages avec plus de 30% des intentions de votes, a reproché à la tête de liste Renaissance de s’être rendue à fin mars en Ukraine pour « se faire prendre en photo » et diffuser ensuite les clichés sur les réseaux sociaux.
La candidate de Renaissance, qui a besoin de combler un déficit de notoriété par rapport à son adversaire de 28 ans plus rompu à ce genre d’exercice, a répliqué en assurant que « l’intérêt des Français et des Européens n’est pas que la Russie gagne cette guerre », réitérant l’accusation contre le RN d’être la « courroie de transmission du Kremlin ».
Face à ces attaques, M. Bardella a pointé du doigt le financement de la campagne de Renaissance par un « parti politique européen qui s’appelle l’ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) » et qui, a-t-il accusé, serait financé par des grands grands groupes américains comme « Microsoft, Amazon et par Facebook ». En 2019, l’ADLE avait renoncé aux financement par des entreprises dans la foulée des précédentes élections européennes et d’accusations similaires de la droite nationaliste.
L’absentéisme de M. Bardella au Parlement européen ?
La tête de liste macroniste a attaqué son rival sur sa « duplicité ». S’en prenant à son absentéisme au Parlement européen depuis son élection il y a 5 ans, elle a estimé que la tête de liste du RN « raconte ce qu’il ne vote pas et ne vote pas ce qu’il raconte ».
Jordan Bardella avait avancé le 17 avril le taux de présence de 94%, un chiffre inférieur à celui de Manon Aubry et Raphaël Glucksmann (97%), à celui de Valérie Hayer (98,8%) ainsi qu’à celui de François-Xavier Bellamy (99%).
Les deux candidats se sont affrontés également sur les questions de sécurité, revenant notamment sur la mort du jeune Matisse, tué le 27 avril à Châteauroux par un mineur de 15 ans. Mme Hayer a dénoncé « l’indignité » du RN qui « instrumentalise systématiquement les drames pour en faire du profit politique ».
« Essayez-nous ! »
M. Bardella a, quant à lui, estimé que « l’immigration est devenue le pire carburant pour la violence de rue et l’insécurité dans notre pays ». « J’ai l’impression qu’il y a un éléphant dans le salon et que vous êtes la seule à ne pas le voir », a-t-il poursuivi.
Combative tout au long de cette joute, Valérie Hayer passait une sorte de test pour cette première grande confrontation dans la perspective des élections européennes du 9 juin. Son adversaire, plus connu et expérimenté dans l’exercice, espère de son côté une confrontation prochaine, à une date non encore fixée, avec le Premier ministre Gabriel Attal.
« Oui, il y a un problème d’immigration irrégulière », a reconnu Mme Hayer. Mais il y a des demandeurs d’asile qui ont droit à la protection. C’est ça nos valeurs européennes », a-t-elle affirmé, dénonçant « les solutions simplistes des populistes ».
« Essayez-nous ! », a lancé M. Bardella, replaçant le débat sur le terrain de la politique nationale. Il a promis que le RN « n’aura pas la main qui tremble lorsque nous serons au pouvoir », qu’il s’agisse du « rétablissement de l’ordre dans le pays » ou « du contrôle de l’immigration drastique ».
Sur l’occupation d’universités par des étudiants mobilisés pour Gaza, les deux candidats étaient d’accord sur leur volonté de ne pas importer en France les combats des universités américaines et de lutter contre l’antisémitisme.
Ce débat à une heure de grande écoute devait permettre à l’eurodéputée sortante, qui dirige le groupe centriste Renew au Parlement européen, de faire valoir ses arguments face à son principal rival et de s’imposer sur le devant de la scène, alors que le Président Emmanuel Macron est entrée de plein pied dans la campagne. Et de tenter de relancer une campagne pour l’heure sans dynamique, y compris dans le propre électorat du président de la République.
Marine Le Pen, a félicité Jordan Bardella sur X qui « a totalement survolé le débat (…) face à la logorrhée d’éléments de langage indigents de Valérie Hayer. »
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